Mélatonine, au-delà du sommeil, un rôle antioxydant essentielIstock

Connue par le grand public comme étant l'hormone du sommeil, la mélatonine est la principale responsable de la régulation des rythmes chronobiologiques et du rythme circadien en particulier.

Découverte dans les années 1950 par Aaron B. Lernet et ses associés (1) en isolant ce dérivé méthoxy de la sérotonine dans le tissu pinéal bovin, l’équipe de chercheurs était loin d'imaginer les multiples fonctions que cette molécule pouvait activer. Dermatologues, ils s'étaient engagés dans ces recherches sur la base d'un article publié en 1917 (2).

Ils savaient qu'un composant présent dans la glande pinéale blanchissait les chromatophores cutanés (cellules pigmentaires) et éclaircissait la peau des amphibiens. Nouvellement découverte, le terme de "mélatonine", est ainsi relatif à son effet de pigmentation de la peau (de "mela" pour mélanine, et "tonin" pour la sérotonine).

Plus qu'un régulateur des rythmes biologiques, un antioxydant majeur

Toujours est-il que la mélatonine fait partie des antioxydants les plus essentiels mais qu'à ce titre, elle n'est connue que des chercheurs. Effectivement, les effets antioxydants de la mélatonine sont beaucoup moins connus du grand public.

Car s'il est vrai que la mélatonine est un régulateur du rythme circadien et du sommeil, nous savons aussi qu'elle joue un rôle essentiel de protection contre les radicaux libres, protégeant de nombreuses molécules critiques des effets délétères du stress oxydatif. Ajoutons que dans certaines conditions, la mélatonine protège contre les dommages occasionnés par les oxydants cellulaires. C'est notamment le cas pour les ischémies (accident vasculaire cérébral, crise cardiaque), les radiations ionisantes ou la toxicité des médicaments, parmi d'autres.

À ce jour, nous savons que la mélatonine présente de nombreuses applications en physiologie et en médecine et qu'elle ne se limite pas seulement à un rôle chronobiologique (3). Nous savions depuis les années 1960 que la glande pinéale synthétisait la mélatonine (4) et qu'elle influençait la reproduction saisonnière chez les espèces photosensibles (5). La recherche scientifique évoluera ensuite vers les fonctions antioxydantes de la molécule.

Un rôle d'antioxydant essentiel qui remonte à plus de 2,5 milliards d'années

C'est ainsi que les travaux de Lernet (1) ont également mis en évidence que le lien entre la glande pinéale et la synthèse de mélatonine n'est pas phylogénétique. En effet, cette hormone n'est pas propre aux vertébrés : elle est aussi produite par les plantes, les unicellulaires, les invertébrés et les unicellulaires. La raison qui explique ceci est simple et liée à un point commun : tous ont besoin d'antioxydants.

Les premières traces de mélatonine seront d'ailleurs retrouvées dans une espèce de bactérie, Rhodospirillum rubrum (6) où la molécule exerçait un effet protecteur face à un environnement oxydant lié à l'augmentation de la concentration en oxygène atmosphérique de l'époque.

Hormis la glande pinéale, d'autres organes sécrètent de la mélatonine chez les vertébrés. Ils le font sans lien avec le rythme circadien et sans la libérer dans le sang (Reiter et al. ibid.). Ainsi, les taux de mélatonine intracellulaires sont supérieurs à ceux du niveau sanguin. Indépendamment des multiples effets produits par la mélatonine au niveau des récepteurs cellulaires, elle agit directement sur les espèces réactives de l'oxygène (ROS) et les espèces réactives de l'azote (RNS) (7).

Comme d'autres capteurs de radicaux libres, elle induit le transfert d'un seul électron et le transfert d'hydrogène, mais d'autres processus encore inconnus pourraient être impliqués. Traversant autant les parois cellulaires que la barrière hémato-encéphalique, elle bloque, inhibe ou neutralise l'action délétère du stress oxydatif provoqué par le radical hydroxyle (HO), le monoxyde d'azote, l'anion peroxynitrite, le peroxyde d'hydrogène, l'acide chlorhydrique et l'acide peroxynitreux (8).

Présente en concentration élevée au niveau intra-mitrochondrial, la mélatonine potentialise aussi plusieurs complexes de la chaîne respiratoire en réduisant les pertes d'électrons et l'émergence de nouveaux radicaux libres (9).

La mélatonine, notre couteau suisse cellulaire...

Les effets découverts et à découvrir de la mélatonine ne sont que naissants. Considéré par comme un véritable couteau suisse cellulaire sur le plan fonctionnel (7), les effets physiologiques et physiopathologiques induits par la mélatonine sont trop nombreux pour être tous cités. Ajoutant que la mélatonine présente un profil de sécurité très élevé, l'évolution de la recherche scientifique sur cette neurohormone mérite d'être rapidement approfondie, afin de déterminer si la mélatonine est à même de différer ou de prévenir certaines maladies, au-delà de son aspect purement biochronologique...

Sources

(1) Lerner AB, Case JD, Takahashi Y, Lee TH, Mori W. Isolation of melatonin, the pineal factor that lightens melanocytes. J Am Chem Soc 80: 2587–2592, 1958.

(2) McCord CP, Allen FP. Evidences associating pineal gland function with alterations in pigmentation. J Exp Zool 23: 207–224, 1917.

(3) Russel J. Reiter, Dun Xian Tan, Annia Galano, Melatonin : Exceeding Expectations, Physiology, Volume 29, Issue 5, Sept. 2014, pp 325-333

(4) Wurtman RJ, Axelrod J, Phillips LS. Melatonin synthesis in the pineal gland control by light. Science 142: 1071–1073, 1963.

(5) Hoffman RA, Reiter RJ. Pineal gland: influence on gonads of male hamsters. Science 148: 1609–1611, 1965.

(6) Tan DX, Manchester LC, Liu X, Rosales-Corral SA, Acuna-Castroviejo D, Reiter RJ. Mitochondria and chloroplasts as the original sites of melatonin synthesis: a hypothesis related to melatonin's primary function and evolution in eukaryotes. J Pineal Res 54: 127–138, 2013.

(7) - Reiter RJ, Paredes SD, Manchester LC, Tan DX. Reducing oxidative/nitrosative stress: a newly-discovered genre for melatonin. Crit Rev Biochem Mol Biol 44: 175–200, 2009.

(8) Poeggeler B, Saarela S and RJ. Reiter, 1994. Melatonin—a highly potent endogenous radical scavenger and electron donor: new aspects of the oxidation chemistry of this indole accessed in vitro. Ann. N. Y. Acad. Sci. 738: 419–20

(9) Hardeland R. Antioxidative protection by melatonin: multiplicity of mechanisms from radical detoxification to radical avoidance. Endocrine 27: 119–130, 2005.

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