Vous faites des insomnies à répétition ? Cela pourrait avoir des conséquences insoupçonnées sur votre santé. Une étude préliminaire, publiée le 8 janvier 2020 dans le journal Neurology, révèle qu’être privé d’une seule nuit de sommeil pourrait accroître le risque de développer la maladie d’Alzheimer.
Le taux sanguin de protéine tau augmente de 17 % après une nuit blanche
Les chercheurs ont étudié 15 hommes en bonne santé, de poids normal et âgés en moyenne de 22 ans. Tous ont déclaré dormir correctement, entre sept à neuf heures par nuit. L’étude s’est divisée en deux phases, pendant lesquelles les participants devaient rester deux jours dans une clinique du sommeil, et suivre un programme strict en termes d’alimentation et d’activité.
Pendant la première phase, les sujets ont pu dormir deux nuits d’affilée. Au cours de la seconde phase, ils ont eu une première nuit normale, suivi d’une nuit de privation de sommeil. Pendant cette période d’éveil, la lumière de leur chambre était allumée, et les jeunes hommes restaient assis dans leur lit et discutaient, jouaient à des jeux ou regardaient des films.
Des échantillons sanguins ont été prélevés chaque soir et chaque matin. Résultats : les participants enregistraient une augmentation moyenne de 17 % du taux de protéine tau dans leur sang après une nuit blanche, contre une augmentation de seulement 2 % après une bonne nuit de sommeil.
La protéine tau est un biomarqueur de la maladie d’Alzheimer
Or, la protéine tau est un biomarqueur de la maladie d’Alzheimer. Présente dans les neurones, elle peut former des enchevêtrements. Ces derniers s’accumulent dans le cerveau des personnes atteintes de démence, et peuvent commencer à se développer plusieurs dizaines d’années avant les premiers symptômes de la maladie.
Des études antérieures, menées sur des personnes âgées, avaient déjà suggéré que la privation de sommeil pouvait augmenter le niveau de tau dans le liquide céphalorachidien, de même qu’un traumatisme à la tête peut accroître son taux dans le sang.
Dormir trop peu pourrait augmenter le risque d’Alzheimer
"La majeure partie d'entre nous souffre de privation de sommeil un jour ou l’autre. Cela peut être dû au décalage horaire, à un projet que l’on veut mener à bien et qui nous fait passer une nuit blanche, ou même au fait de travailler en horaire décalés, de bosser de nuit ou d’avoir des horaires qui changent régulièrement", souligne le Dr Jonathan Cedernaes auteur de l’étude et professeur à l’Université d’Uppsala, en Suède.
"Notre étude exploratoire montre que, même chez les jeunes individus en bonne santé, le fait de manquer une nuit de sommeil augmente le taux de tau dans le sang. Ce qui suggère qu'avec le temps, une telle privation de sommeil pourrait avoir des effets néfastes sur la santé".
Les conséquences d’un taux sanguin élevé de protéine tau sont encore floues
Les scientifiques ont également examiné quatre autres biomarqueurs associés à la maladie d'Alzheimer, mais aucune variation de leur niveau n'a été observée entre une bonne nuit de sommeil et une nuit blanche.
"Il est important de préciser que, si des niveaux plus élevés de tau dans le cerveau sont néfastes, dans le contexte de la perte de sommeil, nous ne savons pas ce que peuvent entraîner des niveaux plus élevés de tau dans le sang", ajoute le Dr Cedernaes.
"Lorsque les neurones sont actifs, la production de tau dans le cerveau augmente”. D’après le chercheur, des niveaux plus élevés dans le sang peuvent refléter deux choses. Soit, que ces protéines tau sont éliminées du cerveau et se retrouvent dans le sang. Soit ces dernières sont le reflet des niveaux élevés de tau dans le cerveau.
Rôle de Tau dans la cohésion des microtubules
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Des travaux complémentaires pour préciser le lien entre sommeil et Alzheimer
“De futures études sont nécessaires afin d’en savoir plus sur ce point. Cela permettrait aussi de déterminer combien de temps ces changements du taux sanguin de tau durent, et s’ils reflètent un mécanisme par lequel l’exposition récurrente à un sommeil restreint, perturbé ou irrégulier peut augmenter le risque de démence”.
Nous pourrions ainsi savoir si des interventions précoces visant à améliorer le sommeil peuvent réduire le risque de développer une démence ou la maladie d’Alzheimer.
Les travaux complémentaires semblent aussi nécessaires pour dépasser les limites de cette étude, à savoir la petite taille de son échantillon, et le fait qu’elle ne porte que sur des jeunes hommes en bonne santé. Les résultats peuvent être différents pour des femmes ou des personnes âgées.
Effects of acute sleep loss on diurnal plasma dynamics of CNS health biomarkers in young men, Neurology, 8 janvier 2020.