Cette histoire américaine insolite, véhiculée début octobre par les médias, a transformé la liste française des refus au don d'organes en quelques jours. Une information aux conséquences sanitaires désastreuses. Alors que les organes manquent, cette nouvelle ne fait qu'accentuer le fossé pouvant donner de l’espoir à toutes les personnes en attente d’un appel téléphonique qui pourrait prolonger leur vie.
L’Agence de la biomédecine déplore ce type de diffusion. "Le fait de véhiculer cette information est très préjudiciable et nuit à l'image du don et de la greffe d'organes en France", regrette l'Agence de la biomédecine. "Nous avons relevé une multiplication par 10 du nombre d'inscriptions sur le registre national des refus depuis la publication des articles."
Un fait qui ne peut pas se produire en France
Ce fait médical s’est produit en 2021 dans un hôpital du Kentucky. Un trentenaire s'était réveillé juste avant de se voir prélever des organes. Il avait été jugé en état de mort cérébrale, à la suite d'une overdose, par l'équipe médicale. Une situation impossible en France, rappelle l’Agence de la biomédecine. "Le fonctionnement américain est différent du nôtre. Le patient était dans un coma d'origine toxique, et en France, c'est une contre-indication au prélèvement. Dans notre pays, nous faisons également des scanners du cerveau pour vérifier qu'il ne réagit plus. C'est donc impossible que cela se produise, car les images sont très parlantes", explique le Dr Didier Dorez, responsable du service de coordination des organes et tissus du centre hospitalier Annecy-Genevois.
Il est tout à fait légitime de se poser la question d’un éventuel refus. Et pourtant, un simple oui auprès de ses proches peut sauver des vies, précise, sur France Info, Marine Jeantet, directrice générale de l'Agence de la biomédecine, à l'occasion de la journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe. Afin de vous donner tous les éclairages possibles sur cet acte citoyen, le Dr Didier Dorez répond sur Medisite aux huit questions que les gens se posent le plus souvent.
Que devient le corps après un don d'organes ?
Les interventions chirurgicales pour le prélèvement sont codifiées comme une intervention classique. Les organes sont retirés, et des mesures de conservation du corps sont mises en place. Après l'opération, le défunt est habillé avec ses effets personnels et rendu à la famille, qui peut organiser les obsèques qu'elle souhaite. Aucune trace de l'intervention n'est apparente, excepté la cicatrice.
Comment refuser d'être donneur d'organes ?
En France, tout le monde est donneur par défaut. Si vous ne souhaitez pas donner vos organes et vos tissus après votre mort, le principal moyen d’exprimer votre opposition est de vous inscrire sur le registre national des refus. Très peu de professionnels de santé y ont accès, et il ne peut être consulté qu’après le décès de la personne.
Combien de temps les organes sont-ils viables après la mort ?
Tout dépend de la fragilité des organes. Ce délai est de 4 heures pour le cœur, 6 heures pour les poumons, 8 heures pour le foie et moins de 12 heures pour les reins, bien que ces derniers puissent tenir jusqu'à 24 heures.
Jusqu'à quel âge peut-on donner ses organes ?
Il n'y a pas de limite, mais l'âge physiologique du donneur est pris en compte. L’organe qui résiste le mieux est le foie. Certains donneurs ont plus de 90 ans. Les reins peuvent être prélevés jusqu'à 85 ans. Pour le cœur et les poumons, l’âge limite se situe aux alentours de 70 ans. Ensuite, le plus souvent, on attribue les organes à une personne de la même tranche d’âge que le donneur.
La famille d'un défunt peut-elle refuser le don d'organes ?
Dans l’esprit de la loi française, pour les personnes majeures, la famille ne peut pas s'opposer à un refus. Mais dans les faits, son choix est respecté si elle n'a pas été informée. Nous essayons de comprendre la raison, mais nous ne passerons jamais en force. Ce serait contre l'image de l'accompagnement des proches.
Quels organes peut-on donner de son vivant ? Comment faire ?
Le don de son vivant concerne les reins pour environ 20 % des greffes en France. Deux conditions sont à respecter : avoir un lien de parenté ou un lien affectif stable de plus de deux ans. La démarche est relativement lourde, car il faut que la personne soit compatible et qu'il n'y ait pas de conséquence pour le donneur à se retrouver avec un seul rein. Il faut également que la véracité des relations sociales soit vérifiée.
Le foie est aussi un organe qui peut être donné de son vivant. Plus précisément, une partie de celui-ci peut être donnée dans les mêmes conditions que le rein. Cet organe se régénère en grande partie, et le lobe gauche est facilement accessible.
Combien d'organes peut-on donner ?
Cela varie selon la physiologie et la personne dans son ensemble. Un donneur peut donner son cœur, ses reins, ses poumons, son pancréas et son foie. Il peut même y avoir deux receveurs pour un foie.
Comment se passe le don d'organes ?
Il existe deux catégories de donneurs. Ceux en état de mort encéphalique avec des lésions cérébrales graves et irréversibles. La personne est légalement considérée décédée après une rigoureuse évaluation effectuée par deux médecins indépendants de l’équipe de prélèvement et de transplantation. Ils réalisent des examens paracliniques obligatoires, confirmés par un angioscanner cérébral qui montre l'absence de retour veineux et de circulation du sang dans le cerveau.
L'autre catégorie concerne les décès consécutifs à un arrêt circulatoire. Lorsqu’un arrêt des traitements est décidé par l’équipe médicale, selon les conditions de la Loi Léonetti, et qu'ils estiment que le décès surviendra rapidement, il est possible de prélever certains organes. On met alors en place une machine de préservation des organes qui permet de donner les reins, le foie et les poumons. Dans ce cas de figure, en France, nous ne prélevons pas le cœur pour éviter les lésions potentielles.
Interview avec le Dr Didier Dorez, responsable de l'unité de coordination du don d'organes et de tissus de l'hôpital d'Annecy
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