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Dans la soirée du 10 avril 2019, Sandrine Graneau, 36 ans, mère de trois enfants ressent de violentes douleurs au ventre. Infirmière de profession, elle évoque l’idée d’un choc toxique. Mais elle ne présente pas de symptômes typiques du syndrome. Un premier médecin l’ausculte. Son état n’est pas jugé inquiétant. Quelques heures plus tard, sa santé se dégrade. « Ma tension baisse, la fièvre augmente, j’ai de la diarrhée et je ne tiens plus debout », indique-t-elle. Elle est transportée à l’hôpital.

Elle doit être amputée des 4 membres

Le diagnostic tombe : il s’agit d’un choc toxique lié à la cup menstruelle. En danger de mort, elle est placée en coma artificiel. Elle se réveille cinq jours plus tard. Ses pieds et ses mains sont nécrosés. « J’ai vécu tout un tas d’hallucinations proportionnelles à la violence des soins subis en réanimation », confie Sandrine Graneau, qui explique « n’avoir ressenti aucune douleur à ce moment-là ».

La jeune femme est amputée des quatre membres. « J’ai eu la chance d’être prise en charge pas des équipes compétentes », précise-t-elle. « Je suis très reconnaissante ». Sandrine Graneau est suivie dans un centre de rééducation. Elle voit un psychologue à plusieurs reprises. « Mais cela n’a pas duré très longtemps. Je n’en ressentais pas le besoin », informe-t-elle avant d’expliquer : « J’ai la faculté d’extérioriser, de partager mes émotions. Et ça, c’est très important ». Cela participe à sa reconstruction, mais aussi à son travail de deuil.

« Dans la vie, je suis d’un naturel optimiste. Je suis du genre à aller de l’avant. Mais comme tout le monde, je vis des hauts et des bas. Il m’arrive de pleurer, de crier… », admet-elle. Le plus difficile au quotidien ? « Se sentir dépendante et avoir une vie au ralenti », indique-t-elle.

Réapprendre à vivre avec son handicap

« J’ai toujours été très active. Aujourd’hui, j’avance à deux à l’heure. Je suis frustrée d’être épuisée à l’idée d’envoyer quatre mails et d’éplucher trois carottes. Dans ces moments-là, je me dis que je ne sers à rien. Il m’arrive d’être trop exigeante envers moi-même et de dire à mes proches : ‘Si j’étais morte, ça serait mieux pour tout le monde’. Et lorsque je vois mes enfants en train d’accomplir quelque chose de formidable, je me dis : c’est quand même chouette la vie ».

À chaque jour, une nouvelle victoire. Il faut dire qu’il a fallu tout réapprendre. « C’est un combat de tous les jours », affirme Sandrine Graneau. « J’ai appris à développer des stratégies. Je suis quelqu’un de débrouillard. Je fais beaucoup de choses avec mes mains. Dorénavant, je mange toute seule, je peux écrire même si cela me fait mal, je tape à l’ordinateur. En revanche, si une feuille tombe par terre, je demande de l’aide ».

Côté motricité, la jeune femme a déjà franchi de nombreuses étapes même si « il lui reste encore une marge de progression ». « Je marche avec une canne. Il y a quelques mois, je ne pouvais pas faire plus de 200 mètres dans une journée. Aujourd’hui, je peux faire entre 1 km et 1 km 500. Bien sûr, le soir, je suis fatiguée. Mais mon médecin me dit que cela fait partie des séquelles de ce syndrome ».

"Mes enfants n'osaient pas regarder mes jambes"

Son moteur dans la vie ? Sa famille. « Mes parents sont toujours là pour moi. Mon mari est extraordinaire. Combien d’hommes sont capables de remercier leur femme d’avoir bataillé pour être en vie alors qu’ils sont obligés de s’occuper de tout à la maison ? », s’interroge-t-elle.

Ses trois enfants de 6, 12 et 14 ans l’aident chacun à leur façon. « Le handicap fait partie de notre vie. Ce n’est pas un problème pour eux. Après mon amputation, ils n’osaient pas regarder mes jambes. Et puis, finalement, quand ils se sont aperçus qu’il y avait des gros pansements, ils ont dit : ‘C’est tout ?’. Ils sont fiers de moi », explique Sandrine Graneau. « Bien sûr, ils gardent un traumatisme. Ma deuxième a eu beaucoup d’angoisses. Elle avait peur qu’il m’arrive quelque chose lorsqu’elle était à l’école ».

"J'ai dû faire du tri dans mon entourage"

Sandrine Graneau a fait le tri dans son entourage, par la force des choses. « Je me suis rendu compte que je donnais beaucoup autour de moi. Je suis comme ça. Mais tout le monde n’est pas prêt à en faire autant. La Covid-19 est une bonne excuse pour certains. J’ai connu quelques désillusions, mais j’essaye d’y faire abstraction », admet-elle.

La petite famille n’a jamais cessé d’avoir des projets. « Deux mois après mon amputation, je voulais déjà partir de chez moi. Nous sommes allés dans un parc de loisirs. Je n’avais pas encore de prothèses. Mon mari était obligé de me porter », explique-t-elle. Dès que son état de santé s’est amélioré, Sandrine Graneau a repris ses activités en tant que bénévole dans l’école de ses enfants. « Penser aux autres, ça évite de penser à soi. Grâce à cet investissement, j’ai aussi repris confiance en moi en me sentant utile », poursuit-elle.

Informer sur les protections menstruelles

Le livre Choc toxique est un moyen de faire de la prévention. « En France, on est en retard à ce sujet. Il faut éduquer les jeunes femmes. Elles doivent avoir la possibilité de choisir leurs protections hygiéniques tout en étant informées », précise Sandrine Graneau.

« Moi-même, je pensais connaître les bonnes pratiques. Je me suis documentée sur la cup menstruelle. Partout, je lisais sur les notices qu’on pouvait les porter jusqu’à douze heures d’affilée. Je me rends compte que l’information était erronée. Toutes les études scientifiques recommandent de ne pas dépasser six heures. Même si les choses ont beaucoup évolué depuis un an, il faut en parler et alerter. Les fabricants doivent faire preuve de plus de transparence. Il faut qu’on arrête de faire culpabiliser les femmes en leur faisant croire qu’elles sont responsables d’une mauvaise utilisation de leurs protections hygiéniques ».

Sources

Merci à Sandrine Graneau, co-auteure de Choc Toxique aux éditions Flammarion. 

mots-clés : Témoignage, amputation
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