
Une nuit blanche est une nuit complète en restant éveillé. Elle peut être causée par une privation aigue de sommeil comme lorsque l’on sort en soirée (on parle alors de jet lag social) ou quand on est de garde dans un hopital par exemple. Si la dette cumulée de sommeil peut avoir un impact sur la santé, une nuit blanche doit-elle vous alarmer ?
Une nuit blanche favorise-t-elle Alzheimer ?
Une étude de l’Université de Californie, parue en 2018 soulignait qu’une seule nuit blanche pouvait favoriser la prolifération “significative de plaques amyloïdes dans le cerveau”, un phénomène physiologique qui est, entre autres, à l’origine de la maladie d’Alzheimer. Pour en arriver à cette conclusion les chercheurs ont demandé à 20 volontaires en bonne santé sans aucun antécédent avec la maladie d'Alzheimer ou une quelconque pathologie du cerveau de passer deux nuits dans leur laboratoire pendant lesquelles leur activité cérébrale serait étudiée. La première nuit ils ont dormi normalement et la deuxième ils ont dû passer une nuit blanche. Résultat : au cours de la deuxième nuit, les chercheurs ont constaté l'augmentation du nombre de plaques amyloïdes. "Heureusement, dans les faits, on ne se prive pas régulièrement d'autant de sommeil", souligne Dr Pierre Philip, médecin spécialiste du sommeil et auteur d’ “Antidéprime”, aux éditions Albin Michel.
Nuit blanche : un danger ?
Pas la peine d’avoir une peur bleue suite à votre nuit blanche. Les chercheurs de l’étude précédemment citée admettent eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas tirer de conclusion sur la maladie d’Alzheimer en elle-même, puisque d’autres facteurs, comme l’impact sur la mémoire, n’ont pas été pris en compte. Ils ont toutefois observé que le manque de sommeil contribuait à la perte de neurones. Du reste, la nuit blanche est un stress pour l’organisme. Elle perturbe le rythme circadien, dérègle la production de mélatonine, hormone du sommeil, et augmente le cortisol, l’hormone du stress. Le Dr Pierre Philip nous explique qu’il n’est pas pertinent de s’alarmer sur une seule nuit blanche. “La santé est une question de comportement, donc de répétitions dans le temps. Il ne faut jamais évaluer son appétit, sa sexualité, ou encore son sommeil, sur un seul jour”, assure-t-il.
Pourquoi il ne faut pas parler de nuit blanche ?
Le médecin nous explique qu’on parle d’insomnie à partir de 3 nuits par semaine, et que, par conséquent, la notion de “nuit blanche” isolée n’est pas pertinente d’un point de vue médical : il faut qu'il y ait répétition. “La "nuit blanche" est un mot poétique, pas une réalité scientifique”, appuie-t-il. Pour lui, il faut donc faire un pas de recul sur son hygiène de sommeil globale, et prendre les mesures qui s’imposent en cas de troubles du sommeil. Par ailleurs, la notion de “nuit blanche” est également toute relative, puisque la plupart du temps, les personnes insomniaques ne font pas le tour du cadran sans fermer l'oeil. "La majorité des gens qui se couchent dorment au moins une ou deux heures dans la nuit, voire beaucoup plus. Mais souvent, lorsque l’on souffre d'insomnie, on ne percoit pas son sommeil. C'est pour cela que le concept de nuit blanche est une contre vérité dans les faits.", soutient l'expert.
Bioβ-Amyloid accumulation in the human brain after one night of sleep deprivation, PNAS, 13 mars 2018
"Antidéprime", Dr Pierre Philip, éd. Albin Michel, 18,90 euros