Le rire, c'est bon pour la santé. On le sait tous. Ainsi, depuis 30 ans, l'association le Rire Médecin forme des clowns hospitaliers qui interviennent dans les services de pédiatrie pour accompagner les enfants malades et leur permettre de s'amuser davantage. Pour les plus grands, on a aussi vu se développer ces dernières années les thérapies par le rire, via des clubs de rire ou des séances de yoga du rire. Concrètement comment le rire fonctionne-t-il et comment contribue-t-il à prévenir certaines maladies ? On a posé la question au Dr. Henri Rubinstein, neurologue, spécialiste du système nerveux et auteur notamment du livre "Psychosomatique du rire, rire pour guérir" (éd. Robert Laffont, 2003).
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"Le rire est un réflexe inscrit en nous. Comment tout réflexe, il a une utilité. Le réflexe du rire protège le corps des phénomènes de stress. Il est déclenché par un chatouillement psychologique, comme une histoire drôle ou le talent d'un comique, par un chatouillement physique, ou par une substance chimique comme le gaz hilarant", explique le Dr. Rubinstein. Ce réflexe apparaît chez le bébé âgé de 3 à 4 mois seulement, le petit enfant sait rire avant de savoir parler.
Une fois que le rire est déclenché, il agit alors à trois niveaux du corps :
- Au niveau musculaire : "le rire correspond à une gymnastique douce. Une onde musculaire part des petits muscles du visage jusqu'aux muscles de l'abdomen et des cuisses. J'appelle cela un footing stationnaire", explique Henri Rubinstein. Ainsi, lorsqu'on rit, ce sont près de 400 muscles du corps qui sont mobilisés.
- Au niveau respiratoire : "au lieu d'échanger un demi-litre d'air comme dans la respiration normale, le rire permet d'échanger deux litres et demi d'air vicié contre de l'air neuf. Il mobilise ainsi l'air de réserve, cet air qui stagne au niveau des poumons et qui habituellement n'est pas renouvelé. Le rire augmente ainsi l'oxygénation du sang, l'oxygénation cérébrale et l'oxygénation des poumons", précise notre expert.
- Au niveau cérébral : "le rire permet de fabriquer davantage de neuromédiateurs qui sont indispensables au fonctionnement cérébral. Pour que l'influx nerveux passe d'un neurone à l'autre, il a besoin d'un neuromédiateur, comme la sérotonine, la dopamine et beaucoup d'autres. Plus on rit, plus on fabrique des neuromédiateurs et plus on améliore les fonctions cérébrales", détaille le Dr. Rubinstein.
Rire : les maladies qu'il pourrait faire reculer
Le rire, un moyen de prévenir les maladies neurodégénératives ?
En contribuant à la production de neuromédiateurs, le rire permet-il de lutter contre la survenue des maladies neurodégénératives ? "C'est en tout cas possible", répond Henri Rubinstein. "Le rire permet en effet de fabriquer davantage d'acétylcholine, ce neurotransmetteur qui manque dans les maladies de la mémoire en général et plus précisément dans la maladie d'Alzheimer. Rire permet aussi de fabriquer davantage de dopamine, ce qui manque chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson", développe le neurologue.
Le rire contre la dépression et l'anxiété
"Outre le fait que le rire soit un mécanisme de défense psychologique, il augmente les taux de neuromédiateurs, ce qui permet de lutter contre la dépression et l'anxiété", précise le médecin. Concrètement, le rire augmente la production de dopamine et de sérotonine, deux neurotransmetteurs impliqués dans la régulation de l'humeur, de la motivation et de l'élan vital. Il permettrait ainsi de lutter contre la dépression.
Le rire, arme de prévention contre les maladies cardio-vasculaires
Lorsqu'on rit, on fabrique moins de cortisol, l'hormone du stress. "Le rire est un anti-stress. Il permet de faire baisser la tension artérielle et de faire ralentir le cœur. Ce faisant le rire améliore les fonctions cardio-vasculaires", précise Henri Rubinstein.
Concrètement, le rire est sous le contrôle du système nerveux parasympathique, qui compose avec le système nerveux orthosympathique, le système nerveux sympathique, soit "le système nerveux autonome qui fait fonctionner l'organisme sans qu'on ait besoin de s'en occuper", précise le médecin. "Dans toutes les situations de stress, on retrouve une prépondérance du système orthosympathique, tout ce qui touche le rire se passe dans le système parasympathique. Ainsi, c'est la stimulation de ce système qui permet une diminution de la tension artérielle et du rythme cardiaque", poursuit-il.
Le rire permet aussi de limiter la formation des plaques d'athérome, à l'origine de l'athérosclérose. "En oxygénant les poumons, le rire permet une élimination plus rapide du cholestérol, en partie éliminer par les poumons. Le rire contribue à limiter la formation de plaques d'athérome, (constituées de cellules sanguines et de cholestérol, NDLR), qui se déposent sur les parois internes des artères", précise notre expert. Selon la fondation pour la recherche médicale, l'athérosclérose est l'une des causes principales en France d'infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux.
Autres vertus du rire sur la santé
D'autres vertus auux bonnes rigolades ont été mises en lumière par des études scientifiques :
- Action du rire contre la douleur : Comme nous l'avons vu, le rire permet la production de plusieurs neuromédiateurs, dont les endorphines. "C'est de la morphine naturelle, qui permet de soulager la douleur. Le rire offre la possibilité de fabriquer davantage cette molécule antidouleur", pointe le spécialiste du système nerveux.
- Action du rire sur le système immunitaire : "le rire augmente la production des lymphocytes NKT – les natural killer T. Ce faisant, il renforce le système immunitaire", note notre expert.
- Action du rire sur les muscles abdominaux et la digestion : "le rire masse l'abdomen et ainsi a une action sur les viscères abdominaux. Il permet de lutter contre la constipation et améliore la digestion", ajoute Henri Rubinstein.
- Action du rire sur le sommeil : "le rire facilite l'endormissement, car il permet de purger l'adrénaline, l'hormone de l'éveil".
- Action du rire sur le diabète : une étude publiée en 2018, basée sur la littérature scientifique, a analysé les apports du rire sur les complications du diabète. Conclusion : "bien que la thérapie par le rire soit encore mal étudiée, des études récentes montrent que le rire peut retarder l'apparition de complications diabétiques et améliorer les fonctions cardiovasculaires", note les chercheurs.
"Rechercher les occasions de rire tous les jours"
Malgré les nombreux bénéfices du rire pour la santé physique et psychique, les adultes ont pourtant bien du mal à rire. Selon une étude de la Stanford Graduate School for Business, publiée en 2020, un enfant de 4 ans rirait environ 300 fois par jour tandis qu'il faudra 10 semaines à un adulte de 40 ans pour rire autant.
Une chute très dommageable du rire avec l'âge au vu de ses nombreux bénéfices. Ainsi la très sérieuse fédération française de cardiologie conseille sur son site internet : "Rechercher les occasions de rire tous les jours, pratiquer l’autodérision, s’amuser des travers de la vie est donc une excellente façon de lutter contre le stress, améliorer sa santé cardio-vasculaire et ainsi vivre mieux dans son environnement social".
Remerciement au Dr. Henri Rubinstein, neurologue, spécialiste du système nerveux et auteur notamment du livre "Psychosomatique du rire, rire pour guérir" (éd. Robert Laffont, 2003).
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