Stéphanie a 47 ans quand elle découvre qu’elle est porteuse du gène BRCA2, un des gènes de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire. À ce moment-là, elle demande à ce qu'on lui enlève les ovaires et les trompes de fallope à titre préventif. “À mon âge, on ne veut plus d'enfants, à la limite, on a des labradors !”, s'en amuse-t-elle. C’est une année difficile pour cette ancienne travailleuse sociale : entre-temps, son père meurt d’un cancer du pancréas foudroyant. “Il s'en va en 15 jours. Il décède le 13 juin 2019, et le 21 juin, je passe une IRM qui montre que j’ai un carcinome intracanalaire de 3 mm à gauche de mon sein.”
“Je faisais du 115F, une reconstruction mammaire aurait été difficile”
Rendez-vous est alors pris pour contrôler la biopsie : 10 jours plus tard, la tumeur fait 6 cm. “Je décide de tout enlever”, se souvient Stéphanie. Cette décision n’est pas anodine : elle fait du 115F. “On évoque à ce moment-là une éventuelle reconstruction, mais elle ne sera pas immédiate : ce n’était pas possible vu le volume de ma poitrine. J’ai été opérée les 19 et 20 août 2019, on a fait une mastectomie bilatérale. J’ai eu quelques semaines de pansement.” Les filles de Stéphanie, qui est séparée de leur père, l'aident à tenir le coup.
Et puis, petit à petit, elle décide de reprendre les rencontres. “J'avais des aventures, et j’ai continué. J’ai même eu une aventure avant le diagnostic qui ne s’est pas arrêtée avec le cancer ! Je n'ai pas arrêté de vivre. En fait, j'étais déjà inscrite sur Adopte un mec et Tinder.” Petite différence néanmoins : le corps et la silhouette de Stéphanie ont beaucoup changé, et elle ne porte pas de prothèse. Doit-elle l’annoncer ?
Stéphanie décide de ne pas faire de reconstruction mammaire
“Au départ, j'avais pensé à une reconstruction naturelle et je savais déjà que je ne voulais pas de prothèse intermédiaire. La remettre, l’enlever, etc, je ne l’envisageais pas. Quant à la reconstruction avec prothèses, vivre avec des corps étrangers, ça ne me ressemble pas. Donc je ne porte rien”, explique la quinqua.
À l’époque, sa médecin la réfère à un chirurgien spécialisé dans la reconstruction naturelle. Aujourd’hui, c’est la technique DIEP qui est la plus pratiquée. Comme le précise la clinique de l’Alma : “Cette opération est longue et complexe. Elle nécessite l’intervention simultanée de deux chirurgiens seniors expérimentés et spécialisés en microchirurgie. Pendant qu'un premier chirurgien enlève la cicatrice de l'ablation du sein et prépare une artère et une veine sur le thorax de la patiente, un deuxième chirurgien prélève la peau et graisse du ventre sans muscle mais en incluant une artère et une veine. Ces dernières sont ensuite suturées sous microscope. Le sein est reconstruit naturellement et le ventre est plus mince.”
“Aujourd’hui, j'ai un buste plat”
La rencontre avec ce chirurgien spécialisé, odieux et misogyne, décourage cependant Stéphanie de procéder à l’opération. “Il m’a dit que je faisais un caprice. Quand il m’a reçue, il n’a même pas levé la tête ni regardé le courrier adressé par sa consoeur. Il m’a dit que si je ne voulais pas mourir sur la table d’opération, il fallait maigrir.” La mère de famille décide finalement de passer son tour, d’autant que cette reconstruction mammaire serait longue et fastidieuse et que le résultat final ne serait pas forcément à son goût.
“Alors j’ai choisi la reconstruction à plat. Quand les chirurgiens procèdent à la mastectomie, ils te font des ourlets au niveau des aisselles pour éventuellement y faire passer des prothèses plus tard. Aujourd’hui, j'ai un plat complet. Mais je continue à être très, très fan de lingerie ! C'est important pour moi.”
“J’ai annoncé ma double mastectomie sur Tinder”
Stéphanie décide finalement d’annoncer sur les applications de rencontres qu’elle a procédé à une mastectomie bilatérale. “Sur Tinder, tu ne peux pas mettre un texte énorme, donc c'était compliqué. Mais j’ai posté une photo avec mon buste plat et mes doigts écartés sur les cicatrices. Je me suis dit que je répondrais avec plaisir à ceux qui auraient des questions. Et que ce serait un filtre à cons : celui que ça rebute, il dégage. C’est complètement l'inverse sur Adopte un mec : tu ne peux pas mettre de photos dans ce style, c'est tout de suite censuré. Alors j'ai écrit un texte pour raconter ce qui m'est arrivé”, explique Stéphanie.
Elle l’affirme : cette expérience lui a beaucoup appris sur la sexualité. D’une part sur l’importance du dialogue, d’autre part sur ce qui est acceptable ou non. Si elle répond sans détour aux interrogations, elle n’accepte plus le manque de respect. Par ailleurs, tout n’a pas complètement changé : “Je me déshabille intégralement et j’ai gardé ma sensibilité : la poitrine reste une zone érogène”, constate-t-elle, satisfaite.
Sexualité : “Je ne suis pas une expérience”
Quand Stéphanie sent qu’une rencontre va mal se dérouler, elle coupe court aussitôt. La mère de famille réalise par exemple que depuis sa double mastectomie, certains hommes la considèrent comme une expérience sexuelle à tenter. Une impression blessante et déshumanisante. “Quand je donnais mon numéro de téléphone mais que je sentais que ça n’allait pas être super agréable pour moi, je coupais. Je ne suis pas là pour montrer que le champ des possibles existe.”
Hors sexualité, le regard des autres peut lui aussi être difficile à porter. “Quand tu vas t’acheter des soutiens-gorge, tu vois bien le regard de mépris de la vendeuse. Et à la la plage, même si j'assume - j'ai juste un bandeau pour protéger les cicatrices du soleil - je réalise que les gens me regardent avec insistance. Certaines femmes se touchent même les seins !”
Aujourd'hui, Stéphanie est une célibataire épanouie qui échange de temps en temps sur les applications. Elle a appris à accepter son nouveau corps et a moins besoin de rencontrer des hommes qu’il y a quelques mois. “Avant, j'avais davantage besoin de contact physique, je pense que c'était ma manière de me sentir vivante. Désormais, ce n’est plus la même chose : j'aspire plutôt à trouver l’équilibre, à travailler sur l’image que j’ai de moi. Et à trouver quelqu'un avec qui je pourrai vibrer intellectuellement et me livrer physiquement, avec qui on pourra en rire.”
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