Infarctus intestinal : les signes à connaître pour éviter le pireIstock
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Trop souvent méconnue, cette affection touche 15 000 personnes en France, chaque année. L’infarctus digestif, intestinal ou ischémie mésentérique est particulièrement difficile à diagnostiquer, explique le Pr Olivier Corcos, gastro-entérologue aux Hôpitaux Universitaires Beaujon (Paris Nord Val de Seine). Il s’agit pourtant d’une urgence absolue, responsable d’un taux de mortalité très élevé. "Celui-ci peut friser les 100 % si l’infarctus n’est pas décelé ou pris en charge à temps", confirme le Professeur.

Infarctus digestif : 100 % de risque de mourir si le malade n’est pas traité

Tout comme l’AVC, l’infarctus intestinal est le plus souvent provoqué par un caillot sanguin qui se développe au niveau de la plaque d’athérome. "Concrètement, il s’agit de dépôts de cholestérol qui se logent au sein d’une artère digestive avant de l’obstruer, alerte le gastro-entérologue. En outre, il peut aussi s’agir d’un caillot provenant du cœur qui migre dans une artère digestive", précise le médecin.

L'infarctus intestinal conduit au décès dans 100 % des cas, si le patient n’est pas pris en charge à temps". L’intestin est un organe riche en bactéries, poursuit-le spécialiste. Cette particularité le rend sujet à la nécrose en cas d’infarctus. Ce stade de non-retour implique une ablation d’une partie ou de l’intégralité de l’intestin. Pour cette raison, l’infarctus intestinal est considéré comme l’accident vasculaire le plus grave. En effet, la mort n’est pas la seule issue dramatique de cette maladie : "Sacrifier l’intestin aura des conséquences graves au quotidien", alerte le Pr Corcos.

D’où l’importance de savoir déceler les premiers symptômes à temps. Une prise en charge dans les 12 heures est capitale pour sauver l'intestin et la vie du patient, mais aussi, pour lui éviter des séquelles irréversibles.

Troubles digestifs et perte de poids : des signes précoces qui doivent pousser à consulter

Certains symptômes présageant l’infarctus intestinal peuvent survenir plusieurs mois avant qu’il ne dégénère. "Des douleurs abdominales provoquées par les repas, ou à l’issue de ces derniers, doivent alerter, explique le Professeur Corcos. Face à ce mal-être, la personne mange de moins en moins par peur de voir les douleurs resurgir. Forcément, elle finit par perdre du poids".

Dans une majorité de cas, les professionnels de la médecine prescrivent des endoscopies. Ils ont en effet tendance à soupçonner un cancer face à de tels symptômes. "Mais ils ne trouvent rien de ce côté-là, ce qui va permettre à’ l’infarctus de se déclarer", déplore le spécialiste.

En effet, selon le Pr Corcos, les praticiens n’ont pas systématiquement le réflexe de se pencher sur les vaisseaux digestifs. "La maladie est sous notre nez, mais on ne la regarde pas. À tort. C’est pourquoi, on travaille aujourd’hui à sensibiliser les radiologues sur le sujet. Cela permet un diagnostic plus rapide et un traitement adapté". Si l’intestin commence à se nécroser, le risque de mortalité va exploser.

"En observant les vaisseaux digestifs par le scanner, il est possible de constater qu’ils sont bouchés et ainsi, permettre de revasculariser ces vaisseaux pour éviter que l’infarctus ne survienne".

Douleurs abdominales très intenses : un symptôme d'AVC

Si certains signes peuvent se déclarer plusieurs mois avant l’infarctus, ce symptôme peut aussi arriver sans prévenir. "Une douleur abdominale très intense révèle un infarctus imminent, explique le praticien. Face à cette douleur souvent insoutenable, le patient finit, en principe, par appeler le Samu. Seule la morphine peut alors le soulager. À ce stade-là, sans prise en charge immédiate, l’accident s’aggrave et conduit à des conséquences dramatiques ou à la mort du patient".

En effet, si on vascularise trop tard, le sang ne circule plus. L'intestin peut alors se nécroser, ce qui implique son ablation totale ou partielle. "C’est aussi un drame, insiste le spécialiste. Le patient peut alors se retrouver avec un intestin court et nécessiter des perfusions et une poche au quotidien. C’est très handicapant".

Ablation de l’intestin : les conséquences

Lorsque l’infarctus conduit à la nécrose et est déjà à un stade avancé, il devient alors nécessaire de retirer l'intestin en urgence pour sauver la vie du patient. Malheureusement, son existence sera bouleversée à jamais.

Ce dernier pourra avoir besoin d’une assistance nutritionnelle et d’une poche. "L’individu peut continuer à manger, mais l’organe ne sera plus là pour absorber la nourriture, prévient le Pr Corcos. D’où l’intérêt de la poche pour évacuer les selles. Même si par chance, on parvient à sauver une partie de l’intestin du patient, les séquelles ne sont pas minimes : ce dernier n’aura pas besoin de poche, mais pourra subir des diarrhées aigües, courantes si l’intestin fait moins d’1 mètre 50". Le recours à une assistance nutritionnelle peut être alors nécessaire.

Au même titre que l’insuffisance rénale, l’insuffisance intestinale (suite à l’ablation de l’intestin) implique un protocole particulier. "Il s’agit de perfusions en calories et vitamines, plusieurs fois par semaine, voire tous les jours. Ce qui nécessite une prise en charge dans un centre expert, poursuit-il. Il existe des centres dédiés à l ’insuffisance intestinale, dont l’hôpital Beaujon fait partie, qui sont spécialisés dans la prise en charge des patients après un infarctus digestif".

60 % des victimes ont moins de 70 ans

"On note environ 60 % des patients victimes d’infarctus digestifs qui ont moins de 70 %", explique le gastro-entérologue. Selon lui, c’est une pathologie à laquelle il faut penser en cas de douleurs abdominales, et ce, quel que soit l’âge. Si l’infarctus digestif est plus courant chez le sujet d’un certain âge, il peut aussi se déclarer chez une personne plus jeune.

Et pour cause, les facteurs de risque sont multiples. "Tabagisme, obésité, hypertension, diabète, cholestérol… Ils augmentent considérablement le risque d’infarctus, et pas uniquement au niveau des intestins", ajoute le spécialiste. En effet, en cas d’obésité ou de taux de cholestérol élevé, la matière grasse risque de boucher les artères, entraînant des dépôts de cholestérol au niveau des parois artérielles. Cela empêche la vascularisation et génère l’infarctus.

Ceci-dit, la mortalité et les séquelles lourdes ne sont pas une fatalité, rassure le Dr Corcos. En effet, l’hôpital Beaujon, à Clichy, a ouvert en 2016 la première Structure d’Urgences Vasculaires Intestinales en France et au-delà. "Avec mon équipe, j’ai développé un traitement visant à préserver la viabilité de l’intestin. Car c’est en sauvant l’intestin qu’on sauve la vie du patient. Ce traitement combine une sorte de cocktail médical et une organisation multidisciplinaire dont la revascularisation est au centre", précise le Pr Corcos.

Grâce à cette prise en charge la mortalité chute à moins de 20 % et le taux d’ablation intestinale à environ 30 %, ce qui est un progrès considérable.

Sources

Merci au Pr Olivier Corcos, gastro-entérologue à l’hôpital Beaujon de Clichy (APHP), responsable du premier service d'urgence vasculaire intestinale

L’AP-HP ouvre à l’hôpital Beaujon la première Structure d'Urgences Vasculaires Intestinales , APHP, 28 janvier 2016

Vidéo : Reconnaître les signes d'un infarctus

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