Si une majeure partie de la population attend avec impatience un vaccin contre le Covid-19, d’autres se montrent plus réticents. C'est du moins ce que pressent le sociologue Jeremy Ward, qui a enquêté sur ce sujet et a publié les résultats de cette étude, menée par le Centre national de la recherche scientifique, dans le journal "The Lancet". Ce projet, financé par l’Agence nationale de la recherche et dirigé par Patrick Peretti-Watel, estime qu'entre 20 et 25 % Français ne compteraient pas se faire vacciner contre le Covid-19.
"Entre 20 et 25 % de la population ne compte pas se faire vacciner contre le nouveau coronavirus"
C'est le vaccin que tout le monde attend... ou presque. Bon nombre de Français se montrent "méfiants" face à l'idée d'un éventuel vaccin anti-coronavirus.
A tel point, qu'ils seraient de près de 25% à ne pas vouloir se faire vacciner.
"Entre 20 et 25 % de la population ne comptent pas se faire vacciner contre le nouveau coronavirus (...)", révèle le sociologue Jeremy Ward dans l'étude, avant d'ajouter que "les réticences sont notamment bien plus fortes chez les personnes se sentant proches des partis d’extrême gauche et d’extrême droite".
Pour arriver à ces résultats, l'équipe à l'origine de cette enquête a réalisé une enquête en ligne auprès d'un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Ce questionnaire a démarré 10 jours après le début du confinement, soit autour du 27/29 mars.
Vaccination : le profil des participants s'avère déterminant dans leur choix
Or, chose étonnante au vu du nombre de décès liés au Covid-19 en France : 26% des répondants ont déclaré que si un vaccin contre le SRAS-CoV-2 devenait disponible, ils ne l'utiliseraient pas.
Le profil de ces Français réticents est, selon les chercheurs, encore plus préoccupant : cette attitude était plus répandue chez les personnes à faible revenu (37%), qui sont généralement plus exposées aux maladies infectieuses, chez les jeunes femmes (âgées de 18 à 35 ans; 36%), qui jouent un rôle crucial dans la vaccination des enfants et chez les personnes âgées de plus de 75 ans (22%), qui courent probablement un risque accru de développer une maladie grave due au Covid-19.
Les données de l'étude suggèrent également que les opinions politiques des répondants jouent un rôle important.
Ainsi, et bien que ce facteur paraisse étonnant, l'acceptation d'un vaccin contre le coronavirus dépendait notamment "de leur vote au premier tour de l'élection présidentielle de 2017". Ceux qui avaient voté pour un candidat d'extrême gauche ou d'extrême droite étaient beaucoup plus susceptibles de dire "non" au vaccin, tout comme ceux sans orientation politique, qui se sont abstenus de voter.
Pour tâcher de comprendre pourquoi certains Français ne veulent pas se faire vacciner alors que coronavirus continue de faire des victimes chaque jour, il faut s'intéresser au passé. Ainsi, d'après Jeremy Ward, outre l'idée que ce vaccin puisse être réalisé trop vite et qu'il risque donc d’être peu sûr, la proportion de Français "hésitants" est comparable à celle observée dans les enquêtes réalisées ces deux dernières années en France et portant sur les vaccins. Or, après une analyse des résultats, une certitude en ressort : la défiance vis-à-vis de ces futurs vaccins illustre un problème de longue date pour les autorités : il est difficile de convaincre la population que les décisions prises le sont dans l’intérêt général et reflètent des vérités scientifiques. Malheureusement, dans le contexte de la crise Covid-19, les difficultés rencontrées par les autorités n'ont pas amélioré les choses. Les contradictions de l'Etat face au port du masque généralisé ou au dépistage massif, ont accéléré la défiance des habitants. Ce problème est exacerbé quand l’incertitude scientifique est importante - ce qui est le cas actuellement pour ce virus, que l'on connaît finalement peu. La santé est, par ailleurs, un domaine qui touche tout le monde, et qui peut donc rapidement enflammer les esprits. Le sociologue Jeremy Ward souligne, qu'à ce sujet, "le contexte épidémique rappelle à quel point les décisions dans le domaine de la santé sont souvent politiques car elles intègrent des dimensions économiques, légales, diplomatiques...". Enfin, pour illustrer cette défiance française face à la vaccination, Jeremy Ward se base notamment sur l’expérience de la grippe H1N1. "Les intentions de vaccination contre la grippe H1N1 n’avaient réellement baissé qu’au moment où un débat avait émergé autour de la sécurité de ce vaccin. Dans un contexte où les savoirs sur le virus tendaient à montrer qu’il serait beaucoup moins mortel qu’attendu, certains avaient remis en cause sa ’balance bénéfice-risque’ arguant qu’il avait été produit trop rapidement et qu’il contenait des adjuvants potentiellement dangereux", met en avant le chercheur. Le problème ? En n'arrivant pas à convaincre les Français de l'utilité de ce vaccin contre la grippe H1N1, seulement 8 % de la population avait été vaccinée. Cette épidémie marquait ainsi, selon Jeremy Ward, "le début d’une décennie très mouvementée pour les vaccins en France". Dans une étude réalisée en juin 2019, il s’est avéré qu’un Français sur trois pense que les vaccins "ne sont pas sûrs". Plusieurs études internationales parues ces dernières années et couvrant jusqu’à 140 pays, l’ont également suggéré, en plaçant la France "dans le top 10 mondial des pays antivaccins". Mais cette méfiance envers les vaccins, "serait le reflet de problèmes bien plus larges, comme celui de la confiance dans le système de santé français", révèle le sociologue dans un article, publié sur le CNRS. Mais pas que. Les arguments anti-vaccin en France s’appuient notamment sur plusieurs motifs bien connus. D’abord, il est estimé que les progrès sanitaires sont suffisants pour éliminer la maladie, et que la probabilité de contracter des maladies virales est très faible par rapport au risque de vaccination. Ensuite, les opposants à la vaccination ignorent bien souvent les données qui démontrent le contraire. Un autre argument serait que les vaccins peuvent provoquer la mort subite du nourrisson. Voire même de l'autisme. Des propos, constamment réfutés par bon nombre de scientifiques. Mais le septicisme des Français est lié aussi étroitement à l'histoire. Lucie Guimier, qui a rédigé une thèse sur la réticence géographique à vacciner, explique par exemple, qu’en Ardèche, le vaccino-scepticisme est associé à l’histoire. La résistance fait partie de "l'histoire locale" d’abord avec l’adoption du protestantisme au XVIe siècle, puis avec le maquis pendant la Seconde Guerre mondiale. En outre, dans les années 1960-1970, beaucoup se sont installés là pour échapper à la société de consommation. Quoi qu'il en soit, la montée des "anti-vaccins" inquiètent les autorités. Pour lutter contre ce phénomène et pour remonter le niveau d’immunité de la population qui a chuté, depuis le 1er janvier 2018, 11 vaccins infantiles sont devenus obligatoires en France. Parmi les nouveautés imposées, les protections contre la coqueluche, la rougeole, les oreillons, la rubéole, l'hépatite B ont, entre autres, été ajoutées afin d'endiguer la défiance de plus en plus grande d'une partie des Français envers les vaccins. Or, cette mesure semble porter ses fruits : depuis la mise en place de cette obligation, on assiste à une nette baisse de la défiance. Alors, va-t-on se diriger vers un vaccin Covid-19 "obligatoire" pour immuniser la population ? Rien n'est moins sûr...Covid-19 : pourquoi les Français ne veulent-ils pas recevoir de traitement ?
Vaccin contre la grippe H1N1 : un exemple de la défiance de la population
La défiance envers les vaccins, un problème courant chez les Français
Vers un vaccin "obligatoire" ?
"Près d’un Français sur quatre ne compte pas se faire vacciner contre le Covid-19", CNRS, 21 mai 2020.
Hésitation vaccinale : la France championne du monde ?, CNRS, 19 septembre 2019.
A future vaccination campaign against COVID-19 at risk of vaccine hesitancy and politicisation, The Lancet, may 2020.
Vaccination: l'obligation diminue la défiance des Français, 18 avril 2019, BFMTV.
La France, premier pays anti-vaccins en Europe, Le Figaro, 7 janvier 2020.
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.