Covid-19 : la nicotine, nouvelle arme contre le virus ? Istock
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Porter un patch de nicotine peut-il empêcher d'attraper le Covid-19 ?

Porter un patch de nicotine peut-il empêcher d'attraper le coronavirus ? Pour le savoir, l'AP-HP lance une étude nationale sur plus de 1 600 personnes pour évaluer l’efficacité de la nicotine en prévention de l’infection chez le personnel soignant. À l’appui de cette hypothèse, l’AP-HP souligne que "les données épidémiologiques françaises montrent un taux de fumeurs actifs significativement plus faible dans la population Covid-19 que dans la population générale".

En pratique, certaines des personnes testées porteront des patchs de nicotine pendant 4 à 5 mois et d'autres des patchs de placebo, pour comparer et vérifier si la nicotine a un effet préventif contre le Covid-19. L’objectif est d’inclure dans l’étude 1 633 personnels soignants médicaux et non médicaux travaillant dans un établissement de santé (médecins, infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, brancardiers, manipulateurs radio, étudiants en santé …), non-fumeurs (ou anciens fumeurs ayant arrêté depuis plus de 12 mois), n’ayant pas d’antécédent de COVID-19 et travaillant au contact de patients (qu’ils soient ou non atteints de COVID-19).

L'AP-HP soupçonne que la nicotine "puisse avoir un effet protecteur contre le Covid en inhibant la pénétration et la propagation du virus dans les cellules (grâce à une action sur les récepteurs d’entrée du coronavirus SARS-COV2)". Déjà au printemps, des chercheurs français avaient émis l'hypothèse que la nicotine puisse avoir un effet protecteur contre le Covid-19. Le gouvernement avait alors décidé de limiter la vente des substituts nicotiniques pour éviter une explosion des achats.

L’AP-HP rappelle toutefois que le tabagisme reste la première cause de mortalité évitable dans le monde, et que "rien ne permet d’espérer un rapport risque/bénéfice positif du tabagisme dans la lutte contre la COVID-19", car le tabac « tue beaucoup plus qu’il ne protège".

Covid-19 : les fumeurs seraient moins atteints que les non-fumeurs

D'après les travaux menés par une équipe de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris et du neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, membre de l’Académie des Sciences, la nicotine aurait des vertus préventives contre le coronavirus.

Les fumeurs vont être ravis. D'après une étude publiée par l'Académie des Sciences, les accros à la cigarette seraient moins atteints que les autres personnes par le virus.

Pour arriver à cette hypothèse, l'équipe médicale a testé 350 malades hospitalisés et 130 patients atteints d'un Covid-19 plus léger, accueillis en ambulatoire.

Tous, ont été testés positifs au Covid-19. Les spécialistes ont aussi regardé s’ils fumaient plus ou moins que la population générale de même sexe ou de même âge, en comparant avec des données de population générale datant de 2018.

Résultat : très peu de fumeurs parmi ces patients, explique le Professeur de médecine interne Zahir Amoura, qui a mené l’étude.

"On avait un taux de fumeurs qui était de l'ordre de 5 %, ce qui est bas", explique Zahir Amoura à France Inter. "Il y a à peu près 80 % de moins de fumeurs dans les populations Covid que dans la population générale, de même sexe et de même âge."

Dans le tabac, il y aurait donc quelque chose qui pourrait protéger contre le Covid. Oui, mais quoi ? D'après les chercheurs, cette substance pourrait être la nicotine.

Pour la petite histoire, cette idée a germé d'une coïncidence. Par l’entremise d’une connaissance commune (le Prix Nobel de physique Serge Haroche), le professeur Zahir Amoura rencontre il y a un mois le neurobiologiste de renommée mondiale Jean-Pierre Changeux.

La nicotine empêcherait le virus d'accéder aux cellules

Spécialiste de ce qu'on appelle les "récepteurs nicotiniques", le scientifique suggère que la nicotine pourrait empêcher le virus de se fixer et de pénétrer dans les cellules. Elle interdirait ainsi sa propagation et constituerait un frein au développement de la maladie, ce qui finalement expliquerait cette sous-représentation des fumeurs parmi les personnes testées positives.

"L'idée était que la nicotine interfèrerait avec l'attachement du coronavirus sur le récepteur de la nicotine, et puisse donc s'opposer à la propagation du virus", détaille le Dr Changeux.

Certains retours de terrain suggèrent même que des patients fumeurs hospitalisés (et donc brutalement sevrés) pourraient voir leur état s'aggraver avec ce sevrage brutal.

L'autre hypothèse des chercheurs, c'est que la nicotine pourrait aussi amoindrir la réponse immunitaire excessive qui caractérise les cas les plus sévères.

Dans tous les cas, les scientifiques espèrent que leurs travaux permettront d'accélérer les recherches sur le virus.

"Compte-tenu de l’urgence sanitaire, il apparait souhaitable d’évaluer rapidement l’impact thérapeutique des agents modulateurs du récepteur nicotinique, directs et/ou indirects, addictifs ou non-addictifs sur l’infection par SARS-CoV-2", expliquent les auteurs de l'étude.

Pas question pour autant de se ruer sur les cigarettes !

Mais les deux scientifiques restent prudents : pas question de se ruer sur les cigarettes. Le tabac reste un fléau et la nicotine une substance addictive, qui engendre, chaque année, des milliers de cancers.

Il ne sert donc à rien de se ruer sur son paquet de cigarettes dans l'espoir de ne pas attraper le Covid-19.

"Tout est une question de balance bénéfice/risque", insistent les deux chercheurs, qui suggèrent que la nicotine pourrait ne pas être la seule substance à jouer un rôle actif sur les récepteurs nicotiniques, et donc à empêcher, sur un principe biologique similaire, la propagation du virus.

L'ivermectine, un anti-parasitaire connu, pourrait avoir les mêmes effets sur le virus

L'ivermectine, un médicament utilisé pour traiter des parasitoses (comme la gale), pourrait avoir ces mêmes propriétés, même si cela reste à prouver. Une équipe de scientifiques australiens a d'ailleurs même déjà réalisé des tests in vitro, en laboratoire, qui se sont révélés très prometteurs.

Quoi qu'il en soit, l'hypothèse nicotinique des deux scientifiques mérite d'être vérifiée.

Des essais vont donc débuter prochainement, d’autant que les autorités sanitaires semblent intéressées. Le ministre de la Santé Olivier Véran et le directeur général de la Santé Jérôme Salomon auraient montré de l'intérêt pour ces travaux, selon les chercheurs.

Dès que les autorités donneront leur feu vert, des patchs nicotiniques vont être administrés à trois types de personnes différentes et à des dosages différents : à des soignants, en préventif, pour voir si cela les protège ; à des patients hospitalisés, pour voir si les symptômes diminuent ; et à des cas graves en réanimation, pour voir si leur état inflammatoire s'atténue.

Le tabac : des effets délétères sur la santé

D'après l'OMS, on estime actuellement à 1,3 milliards le nombre de fumeurs dans le monde. Chaque année, le tabagisme est à l’origine de plus de 8 millions de décès, entraînant la mort d’environ un consommateur sur deux. Et la liste des maladies provoquées par la consommation de tabac ne cesse de s’allonger.

Le tabac est responsable de 90 % des cancers du poumon

On sait maintenant aussi que l’usage du tabac contribue à la cataracte, à la pneumonie, à la leucémie myéloïde aiguë, à l’anévrisme aortique abdominal, au cancer de l’estomac, au cancer du pancréas, au cancer du col, au cancer du rein, à la périodontite et autres affections.

Ces maladies s’ajoutent à la liste bien connue des affections liées au tabagisme, notamment les cancers du poumon, de la vésicule, de l’œsophage, de larynx, de la bouche et de la gorge ; l’insuffisance respiratoire, l’emphysème et la bronchite chroniques ; l’accident vasculaire cérébral, la crise cardiaque et autres maladies cardiovasculaires.

Désormais, on sait également que le tabac est la cause de 90 % de tous les cancers du poumon.

Sources

Porter un patch de nicotine peut-il empêcher d'attraper le Covid-19 ?, BFMTV, 23 novembre 2020.

L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris lance une étude nationale pour évaluer l’efficacité de la nicotine en prévention de l’infection COVID-19 chez le personnel soignant : Nicovid Prev, Aphp.fr, 20 novembre 2020. 

Covid-19 : l’hypothèse du rôle central du récepteur nicotinique de l’acétylcholine et ses implications préventives et thérapeutiques, Les Comptes-Rendus de l’Académie des sciences, 21 avril 2020.

Une étude clinique bientôt lancée pour déterminer les effets de la nicotine sur le Covid-19, France Inter, 22 avril 2020.

Le tabac mortel sous toutes ses formes, l'OMS, 2006.

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