- 1 - Quelle alimentation pendant un cancer ?
- 2 - Jeûne et cancer : "Un risque de perte de chance"
- 3 - Régime cétogène et cancer : pas encore de preuve scientifique
- 4 - Régime amaigrissant : pas en cours de traitement
- 5 - Régime végétarien ou végétalien : sous certaines conditions
- 6 - Régime hyperprotéiné : un débat scientifique
Quelle alimentation pendant un cancer ?
À l’annonce d’un cancer, à la mise en place d’un traitement et tout au long de ce traitement, faut-il respecter des règles alimentaires particulières ? "Non, il n’y a pas besoin de mettre en place une alimentation particulière pendant un cancer. En revanche, il faut à la fois tenir compte des goûts et des habitudes alimentaires de la personne et essayer d’avoir le moins de restriction possible", nous répond le docteur Bruno Raynard, chef de l’unité transversale diététique et nutrition de Gustave Roussy, premier centre européen de lutte contre le cancer.
Deux points importants :
- Maintenir une alimentation variée pour éviter les carences nutritives.
- "Ne pas accumuler les listes d’aliments interdits" précise le médecin. "Il ne faut interdire aucun aliment à un patient en cancérologie, sauf dans des cas très particuliers. On lui conseillera plutôt d’observer ce qui peut aggraver ou améliorer les symptômes. Par exemple, si le patient souffre de diarrhée, au lieu de supprimer tels aliments, le médecin pourra demander au patient de noter les réactions : s’il voit qu’en cours de traitement, à chaque fois qu’il mange des haricots verts, il a trois fois plus de selles, il pourra limiter la consommation de cet aliment" détaille le docteur Raynard.
À l’inverse, le médecin conseille de ne pas obliger un patient en cancérologie à consommer tel ou tel aliment. En effet, "cette technique aurait plutôt tendance à augmenter la vitesse à laquelle un patient se dégoûte d’un aliment", déplore le spécialiste.
Jeûne et cancer : "Un risque de perte de chance"
"Pendant un cancer, le jeûne ne sert à rien dans l’état actuel des connaissances. Il n’existe en effet aucune preuve scientifique d’un bénéfice du jeûne contre le cancer" avertit le docteur Raynard.
Pourquoi ? Pour le moment, "la plupart des études scientifiques qui ont analysé le lien entre le jeûne et le cancer se sont déroulées en laboratoire, sur des cultures de cellules cancéreuses ou des animaux de laboratoire" explique la Fondation Belge contre le cancer sur son site internet. Il faut donc attendre d’avoir des résultats d’études chez l’humain pour savoir si le jeûne a un quelconque effet positif chez les patients souffrant de cancer.
De plus, jeûner pourrait représenter un danger pour les patients en cancérologie : "Le jeûne peut donner de faux espoirs et, de surcroît, les patients risquent de perdre du poids, de la force et de la masse musculaire pendant les périodes de restriction. Or, toute perte de poids représente un risque pour le patient de moins bien supporter le traitement, ce qui affectera l’efficacité de la thérapie. Au final, une perte de poids représente une perte de chance pour le patient" déplore le médecin.
Attention : "Au stade actuel des connaissances scientifiques, si vous êtes atteint d’un cancer, ne tentez en aucun cas une expérience de jeûne de votre propre initiative" avertit la Fondation Belge contre le cancer. Et, "pour les patients atteints de cancer qui se seraient engagés dans ces pratiques, une vigilance doit être apportée, en particulier par une évaluation et un suivi nutritionnel régulier" précise par ailleurs l’Institut national du cancer (Inca) dans une fiche d’information en ligne issue du rapport du réseau National Alimentation Cancer Recherche (NACRe).
Régime cétogène et cancer : pas encore de preuve scientifique
Faut-il adopter un régime cétogène - pauvre en sucres et riche en graisses – pour augmenter ses chances de survie pendant un cancer ?
"Le régime cétogène paraît intéressant sur le concept : il permettrait d’assécher les cellules tumorales et de protéger les cellules normales en limitant le sucre dont se nourrissent les cellules cancéreuses. Mais l’efficacité de ce régime chez un patient en cancérologie mériterait plus de preuves sérieuses que celles dont on dispose actuellement, qui ne sont issues que de travaux sur des cellules ou des animaux de laboratoires" tempère le docteur Raynard. "Nous n’avons pas encore de preuves cliniques mais une dizaine d’études cliniques sont actuellement en cours et devraient rapidement donner des résultats" révèle-t-il.
Attention : "Si vous êtes atteint d’un cancer, ne tentez en aucun cas, de votre propre initiative, une expérience de déprivation en sucre. Souvent, le cancer et/ou son traitement (ainsi que ses effets secondaires) entraînent des problèmes alimentaires, une perte de poids non désirée et une dénutrition. Or, il est scientifiquement prouvé que la dénutrition peut atténuer, entre autres, les effets du traitement, augmenter ses effets secondaires et réduire la qualité de vie" met par ailleurs en garde la Fondation Belge contre le cancer sur son site internet. "Les patients qui ont des envies 'sucrées' pourront y puiser une partie de l’énergie dont ils ont besoin" ajoute cette Fondation.
Régime amaigrissant : pas en cours de traitement
Même si vous êtes en surpoids, envisager de faire un régime pendant un cancer est déconseillé.
Pourquoi ? "Mieux vaut ne pas essayer de perdre de poids pendant un traitement, car on perd plus vite la masse musculaire que la masse grasse, ce qui sera délétère pour un patient en cancérologie" explique le docteur Raynard. "La question pourra se poser après les traitements, quand la personne sera en rémission, avec l’aide d’un nutritionniste" conseille le médecin.
De manière générale, "toute perte de poids pendant un cancer est à bannir" ajoute le médecin. C’est pourquoi il est d’ailleurs conseillé aux patients en cancérologie de se peser deux fois par semaine, à la même heure et en étant habillé de la même manière.
Régime végétarien ou végétalien : sous certaines conditions
Suivre un régime végétarien (excluant la chair animale, à savoir la viande et le poisson) ou végétalien (excluant toute chair animale et tout produit provenant des animaux comme les oeufs et les produits laitiers) n’est pas une pratique incompatible avec un traitement anti cancer. "Il ne faut surtout pas aller à l’encontre des habitudes alimentaires, on peut tout à fait continuer d’être végétarien ou végétalien pendant un traitement anti cancer" rassure ainsi le docteur Raynard.
À noter : "Le patient pourra travailler avec un ou une diététicien·ne pour éviter toute carence, mais un régime végétarien n’est pas forcément facteur de carence à condition qu’il soit bien étudié et qu’il comporte des apports suffisants en micronutriments, en protéines et en calories" précise le médecin.
Régime hyperprotéiné : un débat scientifique
Faut-il favoriser les apports en protéines ou les limiter pendant un cancer ? À l’heure actuelle, le débat reste ouvert.
Pour commencer, "il est rare que les patients en cancérologie continuent à manger beaucoup de protéines pendant le traitement car l’inappétence survient en premier pour la viande, les œufs et les produits laitiers" précise le docteur Raynard.
À noter : "Les recommandations actuelles sont de 1,2 à 1,5 grammes de protéines (animales et végétales) par kilogramme de poids par jour. Cela représente entre 90 et 100 grammes de protéines par jour pour une personne de 70 kg. Mais ces recommandations reposent sur des niveaux de preuves très faibles et très extrapolées" révèle le médecin. "D’un côté, une étude menée sur des souris montre que diminuer l’apport protéique aurait un effet favorable sur l’efficacité d’une chimiothérapie et sur la taille de la tumeur. Mais, en parallèle, plusieurs études rétrospectives récentes montrent que les patients qui consomment moins de un gramme de protéines par kilogramme de poids par jour présentent plus de complications liées à la chimiothérapie et souffrent d’une survie plus courte" détaille le spécialiste.
En somme, "l’apport protéique est donc à balancer, et pourrait être lié au moment du traitement : certains moments pourraient être plus favorables à une restriction protéique, d’autres moins. Des facteurs supplémentaires tels que l’activité physique seront aussi à prendre en compte dans de futurs travaux pour éclaircir ce sujet", conclut enfin le médecin.
- Merci au docteur Bruno Raynard, chef de l’unité transversale diététique et nutrition de Gustave Roussy.
- L’alimentation de l’adulte traité pour un cancer – Quelques conseils pratiques. La Ligue contre le cancer, novembre 2006
- Rapport du Réseau National Alimentation Cancer Recherche (NACRe)
- Fiche repères "Jeûne, régimes restrictifs et cancer". Institut national du cancer, 30 novembre 2017
- Aide aux patients : L'alimentation pendant et après un cancer. Fondation contre le Cancer (Belgique), 14 mars 2017.
Vidéo : Cancers : les 3 symptômes les plus fréquents
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