Cancer du sein : comment améliorer le dépistage après 50 ans ?Adobe Stock
Sommaire

En France, l’an dernier, moins d’une femme sur deux a participé au dépistage organisé du cancer du sein, proposé gratuitement tous les deux ans aux femmes âgées entre 50 et 74 ans. Selon Santé Publique France, 47,7% des femmes ont réalisé cette mammographie de dépistage sur la période 2021-2022, complétée par un examen clinique des seins. Un taux auquel s’ajoute celui du dépistage individuel hors programme, estimé à 11% sur la même période.

Or, avec près de 60 000 nouveaux cas et 12 000 décès par an, le cancer du sein reste la première cause de décès par cancer et le cancer le plus fréquent dans la population féminine.

Plus le cancer est dépisté tôt, meilleures sont les chances de survie

Pour les pouvoirs publics, cette participation au dépistage organisé du cancer du sein relève d’un enjeu de santé publique majeur, puisqu’il permet de détecter tôt une éventuelle anomalie ou le cancer à un stade précoce, et in fine, d’améliorer les chances de guérison. Pour preuve, le dépistage précoce permet à 99% des femmes d’être en vie cinq ans après le diagnostic, précise l’Institut national du cancer. En outre, un cancer repéré à un stade précoce allège le poids des traitements et leur durée. Moins longues et moins agressives, ces thérapies s’accompagnent aussi d’une convalescence plus courte pour la patiente.

Autre chiffre qui plaide en faveur du dépistage organisé du cancer du sein : "Dans 90 % des cas, le cancer du sein est découvert lors d’un dépistage organisé (ou individuel) et dans 10 % des cas par un examen clinique faisant suite à des signes d’appels ( masse palpable, écoulement unipore sérosanglant mamelonnaire, maladie de Paget du mamelon)", pointe la Haute Autorité de Santé.

Une participation plus timide depuis le Covid-19

Alors, comment expliquer aujourd’hui cette participation globale poussive au dépistage organisé du cancer du sein ? La pandémie de Covid-19 est passée par là. En 2020, le premier confinement et l’arrêt des invitations au dépistage habituellement envoyées dans les boîtes aux lettres par les Centres régionaux de coordination des dépistages (CRCDC) ont fait chuter la participation. Depuis, on peine à rattraper les niveaux d’avant la crise sanitaire.

Dépistage du cancer du sein : la perte de certaines habitudes

Avec un taux de participation dépistage à 50 %, la France fait figure de mauvais élève à côté de l’objectif européen de 70% du dépistage du cancer du sein.

Comment expliquer ce piètre résultat ? "L’épidémie de Covid a fait perdre certaines habitudes [comme celle des examens de dépistage], qu’il est difficile de réenclencher après", observe Emmanuel Ricard, médecin de santé publique et directeur des actions de lutte au sein de la Ligue contre le cancer.

Une baisse des centres de radiologie et du nombre de radiologues

L’appauvrissement de l’offre de soins dans certaines régions de l’Hexagone (sur fond de déserts médicaux) a aussi rendu plus compliqué l’objectif de favoriser un accès égalitaire au programme de dépistage, pourtant une des raisons d’être du programme, depuis son déploiement en 2014. "On observe de plus en plus une concentration des centres de radiologie, reconnaît le médecin. Des petits établissements ferment, et l’éloignement géographique de certains centres dans certains départements, ont accru les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous", dissuadant certaines femmes à réaliser la mammographie de dépistage.

La baisse du nombre de radiologues s’ajoute à ce contexte tendu, posant un autre frein à la réalisation du dépistage organisé (mais aussi le dépistage individuel).

Mammographie : l'intérêt de la double lecture par le radiologue

Dans le cadre du programme de dépistage organisé, les femmes âgées de 50 ans à 74 ans reçoivent une invitation dans leur boîte aux lettres à passer une mammographie prise en charge à 100% par l’Assurance maladie. Elle comprend un examen clinique réalisé par le médecin radiologue et deux clichés par sein (un de face et un de profil pour chaque sein).

"Ces clichés sont systématiquement relus par un deuxième radiologue : cette double lecture permet de récupérer entre 5 et 7 % de cas de cancers (selon les départements) qui n’étaient pas vus lors de la première lecture", souligne le Dr Emmanuel Ricard.

Si une anomalie est détectée, des examens complémentaires sont réalisés (souvent une échographie du sein).

Le dépistage organisé, plus efficace que le dépistage individuel

"Le dépistage organisé se révèle meilleur que le dépistage individuel", hors programme, assure le spécialiste, rappelant que les radiologues participant au programme sont agréés et que les appareils utilisés pour les mammographies font l’objet actuellement d’un contrôle qualité.

Malgré cela, beaucoup de femmes, ayant répondu à la première invitation au dépistage, rechignent à réaliser leur mammographie tous les deux ans. Ce pour différents motifs : cette réticence peut être liée à la peur d’endurer l’épreuve de la mammographie, avec le nécessaire pincement du sein, source d’inconfort et parfois de douleur. Chez d’autres, cela peut provenir de la pudeur de se faire examiner par un homme ou une femme sans avoir eu le choix, quand ce n’est pas la crainte du résultat qui tient lieu d’épouvantail.

L’importance d’un dépistage régulier chez un professionnel de santé

Pourtant, rappelle le Dr Emmanuel Ricard, le dépistage régulier du cancer du sein se révèle indispensable. "Le cancer est une maladie évolutive et le développement des cellules cancéreuses se fait de manière progressive". D’où le besoin de réaliser une mammographie de contrôle tous les deux ans pour avoir un réel suivi. Dans cet intervalle, le médecin conseille aussi de réaliser des examens d’autosurveillance comme la palpation des seins, tous les ans , en consultant un professionnel de santé habilité à le faire comme les gynécologues, les médecins et depuis peu les sages-femmes.

Pour le médecin, "la multiplication des professionnels de santé autorisés à réaliser ces examens non pathologiques pour le dépistage du cancer du sein, ou encore, le dépistage du cancer du col de l’utérus, constitue un levier pour améliorer le dépistage du cancer du sein et réduire la mortalité par cancer du sein".

Cancer du sein : déconstruire les représentations autour du dépistage

Parmi les obstacles à lever pour un meilleur dépistage du cancer du sein, la question de la sensibilisation occupe une place importante.
Le programme de dépistage organisé a ambition de mieux informer les femmes concernées. Mais la réalité du terrain montre qu’on en est encore loin. "De nombreuses idées reçues" circulent sur le dépistage et le cancer, constate Emmanuel Ricard.

Face à ce constat, la Ligue contre le cancer réalise différentes actions destinées à "déconstruire ces fausses représentations" qui peuvent planer sur la mammographie ("ça va faire mal", "j'ai peur d’être maltraité", etc). Les efforts de sensibilisation se tournent notamment vers la population éloignée du système de santé et passent par exemple par une collaboration avec des associations de femmes de quartier. La parole se libère plus facilement. On échange plus facilement sur les expériences vécues autour de la mammographie.

C’est l’occasion "de rassurer sur le fait que si la maladie est déclarée, on n’est pas seul face à la maladie mais aussi d’informer sur le suivi psychologique et les aides financières possibles" en cas de cancer du sein, décrit le Dr Emmanuel Ricard. "Avec ces initiatives d’"aller vers" , on essaye "de réduire la distanciation culturelle, géographique, économique qui peut être présente" avec certaines femmes.

Plus d'infos : https://octobre-rose.ligue-cancer.net/

Sources

Merci à Emmanuel Ricard, médecin de santé publique, porte-parole de la Ligue Nationale Contre le Cancer.

-Institut National du Cancer

-Santé publique France

Notre Newsletter

Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.

Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.