Détecter un cancer en faisant un pipi dans un bocal vous semble fou ? Pourtant, ce pourrait être bientôt possible. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), basé à Lyon, vient de mettre au point un test urinaire qui repère des mutations génétiques annonciatrices d’un cancer de la vessie plus de dix ans avant son diagnostic clinique. Leurs résultats ont été publiés dans le journal EBioMedicine.
Un dépistage précoce, peu coûteux et non-invasif
“Nous venons de développer un simple test urinaire, et ces nouveaux résultats sont une étape prometteuse vers la validation d’un outil de détection précoce non-invasif”, indique le Dr Florence Le Calvez-Kelm, auteure principale de l’étude. Ce test met en évidence les mutations du gène télomérase transcriptase inverse (TERT), les plus fréquentes en cas de cancer de la vessie. La chercheuse estime qu’il “pourrait considérablement améliorer et simplifier le dépistage” de cette maladie.
Outre son potentiel en tant qu’outil de détection précoce et non-invasif, le CIRC met aussi en avant la rentabilité d’une telle technique, qui permet un dépistage fiable des personnes à risque, à moindre coût. “A l’heure actuelle, aucun test d’urine n’est recommandé par les sociétés d’urologie, en raison du manque de preuves quant à leur efficacité pour la détection précoce”, indique l’agence intergouvernementale dans un communiqué.
Cela explique que le diagnostic du cancer de la vessie repose encore sur des procédures invasives et coûteuses, comme la cystoscopie. Cet examen médical consiste à observer la paroi interne de la vessie, en introduisant un tube mince dans l’urètre, muni d’une lentille à son extrémité. Il est réalisé sous anesthésie locale, et dure une trentaine de minutes.
Les chercheurs ont eu accès aux urines de 50 000 personnes
L’année dernière, les scientifiques du CIRC avaient déjà montré l’efficacité du test ADN urinaire UroMuTERT pour détecter le cancer de la vessie au moment du diagnostic. Pour évaluer sa capacité à détecter les mutations avant l’apparition de tout signe clinique, ils ont collaboré avec l’Université de sciences médicales de Téhéran et l’Institut national du cancer des États-Unis.
Les chercheurs ont basé leur étude pilote sur la Golestan Cohort Study, qui leur a donné accès aux échantillons d’urine de 50 045 iraniens et à un suivi de ces individus sur plus de 10 ans. Il s’agit d’une des “rares cohortes prospectives en population offrant la possibilité d'évaluer les biomarqueurs urinaires pour la détection pré-clinique du cancer de la vessie", explique le Pr Reza Malekzadeh, chercheur principal de la Golestan Cohort Study et co-auteur de l’article.
Le test a pu détecter précocement près de la moitié des cancers
Pour évaluer la performance des mutations du gène TERT comme biomarqueur du cancer de la vessie, les scientifiques ont analysé les échantillons d’urine de 38 malades et de 152 sujets sains. Ces urines avaient été collectées 10 ans avant le diagnostic clinique de cancer, lorsque les individus ne présentaient aucun symptôme.
Résultat : les mutations du gène TERT ont pu être détectées jusqu'à 10 ans avant le diagnostic clinique chez 46,7 % des individus asymptomatiques qui ont ensuite développé un cancer de la vessie. Au sein du groupe témoin, aucune mutation n’a été mise en évidence.
D’autres études sont en cours, pour valider l’efficacité de ce test
Pour valider leurs résultats, les chercheurs du CIRC collaborent actuellement avec d’autres grandes études de cohorte. Cela leur permettra de vérifier la fiabilité de leur test urinaire sur d’autres individus.
"Si les résultats sont validés, de grands essais cliniques devraient être menés sur des personnes présentant un risque élevé de développer un cancer de la vessie”, souligne le Dr Mahdi Sheikh, post-doctorant au CIRC et co-auteur de l’étude. Cela devrait permettre d’évaluer les avantages de ce test en matière de santé et de coût, et sa capacité à réduire la charge mondiale du cancer de la vessie.
Ce n’est pas la première fois que les chercheurs se penchent sur la possibilité de détecter un cancer grâce aux urines. Cet été, l’Institut Curie avait annoncé l’obtention d’un financement pour un nouveau projet : créer un test urinaire pour dépister le cancer de la prostate. Appelé “Prostator”, ce test se base, lui aussi, sur la mise en évidence de biomarqueurs du cancer dans les urines du patient, et pourrait permettre d’éviter de nombreuses biopsies inutiles.
Urinary TERT promoter mutations are detectable up to 10 years prior to clinical diagnosis of bladder cancer: Evidence from the Golestan Cohort Study, EBioMedicine, 17 février 2020.
Simple urine test could significantly improve early detection of bladder cancer, say researchers, IARC - OMS, 20 février 2020.
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