L’augmentation des ruptures depuis plusieurs dizaines d’années n’en finit pas d’interpeller les spécialistes en la matière. Pour quelles raisons les ruptures ne font que monter, et quels sont les facteurs qui les favorisent ?
Près de 4 700 relations analysées
Pour tenter de répondre à cette question, ou du moins de mieux comprendre les éléments qui l’entourent, Eva Beaujouan, chercheure spécialisée dans les questions de fécondité, s’est penchée sur une étude réalisée en 2005 sur 4 464 femmes âgées entre 25 et 70 ans, et menée par l’Institut national d’études démographiques en partenariat avec l’Insee.
L’objet de ces travaux n’était autre que la durée des deuxièmes unions. Après analyses des différentes données récoltées, Eva Beaujouan s’est aperçue que les secondes unions étaient, en quelque sorte, plus solides que les premières : « Quand on observe les couples aux caractéristiques comparables, par exemple mariés ou concubins, ayant conçu des enfants ensemble ou non, les secondes unions apparaissent même plus stables», a-t-elle argumenté.
Des résultats que la spécialiste justifie notamment par le changement des modes de vie, en comparaison avec les époques précédentes : « Les événements qui se déroulaient autrefois lors de la première mise en couplepeuvent avoir désormais lieu lors de la deuxième ».
De l'apprentissage des relations à la maturité
De son côté Sébastien Garnero, docteur en psychologie, sexologue, psychologue clinicien, hypnothérapeute et spécialisé en thérapies, évoque une découverte rassurante, malgré « l’augmentation significative des ruptures des unions, qu’elles soient maritales ou simplement amoureuses après cohabitation ou autre », précisant alors que « cela a amené une complexité nouvelle dans les rapports et les relations amoureuses, qui ne sont plus forcément à vie mais sont plus séquentielles».
Etendues sur une période de vie, « d’une dizaine d’années en général », ces relations séquentielles visent à mener un véritable apprentissage avant l'engagement, car « ce n’est pas juste une histoire d’amour », selon le spécialiste en la matière. « On parle de première union mais en réalité il y en a eu plusieurs, dans les faits d’entraînement à la séduction, à la sexualité, etc. », poursuit-il.
Des phases de vie évolutives
Mais comment donc expliquer que la stabilité s'acquiert dès la seconde union ? Si la logique voudrait que le fruit de cette maturité se trouve directement dans les chiffres de l’âge, pour Sébastien Garnero, plusieurs facteurs contribuent à cette évolution de vie : « Il y a des études de plus en plus longues qui font que l’insertion professionnelle et sociale est plus complexe, de même que tous les facteurs socio-économiques », explique-t-il.
Par ailleurs, le spécialiste attribue également la stabilité du couple aux différentes phases traversées au cours du chemin : « La première phase d’union en général, entre 18 et 28 ans, est souvent dans une expérimentation de la vie de couple, et les relations sont un peu plus souples et plus légères d’une certaine façon, sans forcément de processus d’engagement. La deuxième union, quand il y a une maturité psychique, affective et sexuelle qui s’est mise en place, amène une meilleure connaissance de soi, de son fonctionnement, de ses désirs et de ses projets. L’apprentissage de vie en couple s’est fait lors des premières unions ».
Des unions plus constructives dans la durée
Après la phase d’expérimentation et d’apprentissage, vient alors l’âge de la maturité, et particulièrement en ce qui concerne les relations de couple étant donné l’importance qui leur est accordée : « Le premier projet, après le travail et l’insertion professionnelle, c’est de développer sa vie affective, amoureuse, son couple et sa famille ». En d’autres termes, le constat d’une stabilité non seulement cherchée, mais également trouvée lors d’une seconde union s’avère réellement rassurant, à une époque où les divorces sont passés de 150 000 à 260 000 cas annuels en à peine 30 ans. Une augmentation des ruptures due à plusieurs facteurs « bien connus depuis un moment », comme le poids des traditions, de la religion, etc., selon le spécialiste.
« C’est rassurant car il y a plus de stabilité dans les deuxièmes unions, unions qui sont plus constructives dans la durée et dans l’engagement en termes d’enfants, qui constitue l’engagement le plus suprême », explique Sébastien Garnero, avant de préciser : « Le mariage est en perte de vitesse mais commence à reprendre aussi. On voit qu’il y a un goût, une envie de s’engager un peu plus pour pas mal de couples, même si cela ne se voit pas encore dans les statistiques. Il y a plus de séparations mais, il y a plus d’unions aussi ».
De la phase de construction à la phase existentielle
Une envie d’engagement qui vient au fil du temps, donc, mais surtout au gré des expériences et apprentissages réalisés. Voilà un cheminement qui suit une certaine logique, selon le psychologue clinicien spécialisé dans les thérapies de couple : « C’est ce que l’on appelle une phase de vie en psychologie. Il y a une phase de construction, qui se déroule dans la période des 16-25, où l’on fait ses études. Ensuite, entre 28 et 35 ans, il y a la phase existentielle de la trentaine où ce ne sont plus les mêmes enjeux. On se demande alors où, quand et comment on va vivre. Il s’agit là d’une phase essentielle dans la construction du lien d’adulte».
Au-delà de l’idée brute d’une maturité acquise au fil du temps, le spécialiste creuse encore un peu plus le sujet et attribue également cette recherche d’engagement et cette stabilité « au fait que l’on a un peu plus conscience des piliers qui peuvent relier la relation, qui n’est d’ailleurs pas uniquement liée à la passion. Et c’est pour l’ensemble de toutes ces raisons que les deuxièmes unions sérieuses sont plus durables et constructives », conclut-il.
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.