Si vous avez suivi une formation aux gestes de premiers secours, vous l’avez forcément croisé, vous lui avez même fait du bouche-à-bouche…et pourtant vous ne connaissez sûrement pas l’histoire de la jeune Parisienne dont le visage souriant a inspiré les mannequins de secourisme.
A lire aussi :
On a testé le massage à domicile, la détente à la maison !L’inconnue de la Seine : un visage qui inspire les artistes et sauve des vies
Selon une histoire maintes fois répétée, le corps de celle que l’on surnomme l’Inconnue de la Seine a été repêché dans le fleuve à la fin du 19ᵉ siècle. Transférée à la morgue, la défunte a été exposée au public, une méthode courante d’identification des morts non réclamés à l’époque. Toutefois, elle n'est pas reconnue.
Compte tenu de la tonicité de sa peau, le médecin légiste a estimé que cette anonyme avait 16 ans. Et ce n’est pas la seule impression qu’elle lui a laissée. Les auteurs d’un article du BMJ consacré à la jeune fille sans identité rapportent qu’il a été "tellement captivé par l’apparence de la jeune fille qu’il souhaitait conserver le souvenir de son visage". Et il n’a pas été le seul. Ce masque mortuaire qui semble souriant et apaisé, a rencontré un grand succès. Il est devenu un ornement populaire sur les murs des maisons du Paris Bohème après de 1900 et surtout source d’inspiration de nombreux artistes (Jules Supervielle, Louis Aragon, Didier Blonde…).
Toute comme son identité, les causes de sa mort restent mystérieuses. En l’absence de marques et de blessures sur son corps, la thèse du suicide est la plus avancée. Mais dans un rapport de 2013, le général de brigade Pascal Jacquin de la police fluviale de Paris émet des doutes. Il écrit : "c’est surprenant de voir un visage aussi paisible. Tous ceux que nous trouvons dans l’eau, noyés et suicidés, n’ont jamais l’air aussi paisibles. Ils sont gonflés, ils ne sont pas beaux".
Comment est-elle devenue Resusci Anne ?
Le visage de l’inconnue de la Seine prend place sur l’un des premiers mannequins de secourisme en 1960 (surnommé alors "Resusci Anne"), à l’initiative du fabricant de jouet norvégien Åsmund Laerdal. Ce dernier avait été chargé de développer un mannequin permettant de former les jeunes médecins aux techniques de la réanimation cardio-pulmonaire mises au point par l’anesthésiste autrichien Peter Safar et le docteur américain James Elam.
Les auteurs de l’article scientifique expliquent "Tout en contemplant le dessin de la poupée, Laerdal s’est souvenu d’un masque - une reproduction de L'Inconnue - sur le mur de la maison de ses grands-parents et a décidé que Resusci Anne prendrait ce visage. Laerdal pensait qu’un mannequin féminin serait moins intimidant pour les élèves qui apprennent les techniques de réanimation".
Au cours des 60 dernières années, L’inconnue de la Seine, devenue Resusci Anne, aurait aidé à former plus 500 millions de personnes aux gestes de premiers secours et sauvé environ 2,5 millions de vies.
Photos : le visage de Resusci Anne
The Face of CPR, BMJ, 2020