4 millions de Français sont concernés. L’ostéoporose touche, rappelons-le, en particulier les femmes (2 à 3 fois plus fréquente chez les femmes) après la ménopause : 40 % des femmes seraient concernées après 65 ans, et jusqu’à 70 % des octogénaires.
Mauvaise hygiène de vie + médicaments : des risques plus élevés d’ostéoporose
Certes, la perte de capital osseux s’explique par la chute des oestrogènes après la ménopause, est aggravée par un manque de vitamine D, de calcium, le tabagisme ou l’abus d’alcool. La perte osseuse peut également être favorisée par certaines maladies comme les dérèglements hormonaux, la polyarthrite rhumatoïde, certaines affections sévères de l’intestin…
On le sait moins, mais certains médicaments peuvent aussi être impliqués.
Ostéoporose : les médicaments sur la sellette
Le Réseau Français des Centres Régionaux de Pharmacovigilance (RFCRPV) a publié un rapport en 2020 qui, à partir de bases de données françaises et espagnoles, identifie les médicaments les plus incriminés dans la perte de densité osseuse qui peut mener à l’ostéoporose, elle-même responsable de fractures, potentiellement graves, surtout chez les plus âgés.
“Il est malheureusement rare que l’on parle de l’iatrogénie (effet délétère d’un traitement), ce qui présente pourtant un intérêt dans l’approche de l’ostéoporose, une pathologie très fréquente, explique le Dr Etienne Dahan, rhumatologue. Certains de ces médicaments pourvoyeurs d’ostéoporose sont beaucoup prescrits pour de bonnes raisons bien sûr (la balance bénéfice-risque est positive), même si on sait qu’ils affectent la densité osseuse.”
C’est le cas des corticoïdes ou de certains traitements anti-cancers. Pour d’autres, l’impact sur la densité osseuse mériterait que l’intérêt soit discuté.
Voici 7 médicaments qui affectent le capital osseux et augmentent les risques d'ostéoporose.
Les antidépresseurs
Certains antidépresseurs augmentent la perte minérale osseuse. C’est d’autant plus ennuyeux que la dépression elle-même est responsable de perte osseuse. Une étude** précise que “la dépression induit une perte osseuse et des fractures ostéoporotiques, principalement via des mécanismes immunitaires et endocriniens spécifiques, les mauvaises habitudes de vie et l'utilisation d'antidépresseurs spécifiques étant également des facteurs contributifs potentiels.”
Les anti-acides (IPP)
Ces médicaments (les inhibiteurs de la pompe à proton, IPP) très prescrits contre les ulcères de l’estomac font l’objet d’une surveillance ces dernières années, notamment à cause d’effets indésirables avérés. Parmi eux, un impact négatif sur la santé osseuse est prouvé.
“Ce sont des traitements anodins pour de nombreux patients et c’est effectivement source d’altération de la santé osseuse, note le Dr Etienne Dahan, rhumatologue. Voilà typiquement un faux ami !”
Le Réseau Français des Centres Régionaux de Pharmacovigilance note ainsi que “le risque est bien documenté. Il est considéré comme lié à une réduction de l’absorption intestinale de calcium du fait de la réduction de l’acidité gastrique. Une méta-analyse retrouve une augmentation de 26 % du risque relatif de fractures associées à une ostéoporose sous IPP et de 58 % des fractures de hanche.”
Dans une étude* de 2019, le risque de fracture grimpe même à 47 % chez les personnes dialysées sous IPP.
Les neuroleptiques (psychotropes)
Dans un article publié dans La revue du praticien, la Pre Karine Briot, rhumatologue à Paris explique qu’il existe “un excès de fractures et une diminution de la densité osseuse chez les patients traités au long cours pour des troubles psychotiques. Les neuroleptiques dits typiques induisent une hyperprolactinémie, qui peut avoir pour conséquences une carence en hormones sexuelles et une diminution de la densité osseuse”.
Ces neuroleptiques sont par exemple la Chlorpromazine (Largactil®), l'Halopéridol (Haldol®), la Cyamémazine (Tercian®) la Lévomépromazine (Nozinan®,) le Flupentixol (Fluanxol®), la Loxapine (Loxapac®) et le Zuclopenthixol (Clopixol®).
Les corticoïdes
Les données recueillies par le RFCRPV sont sans appel : “dans 52 % des cas en France et 35 % en Espagne, les corticoïdes faisaient partie des médicaments suspects.” Les corticoïdes réduisent en effet l’activité des cellules impliquées dans la formation du tissu osseux.
Les antiépileptiques
Les antiépileptiques sont de plus en plus prescrits pour le traitement de l’épilepsie, dans le traitement de maladies psychiatriques et dans la douleur chronique.
Le hic ? Plusieurs études ont montré des risques de fractures plus élevés chez les personnes sous antiépileptiques. “Des études longitudinales conduites chez les sujets de plus de 65 ans suggèrent que la prise prolongée d'antiépileptiques est associée à une perte osseuse significative”, précise un étude*** française de 2011.
Les “anti-aromatases”
Ces médicaments qui inhibent l’aromatase, une enzyme capable de produire des oestrogènes, sont prescrits dans les cancers du sein hormono dépendants (autrement dit, une grande majorité des cancers du sein).
Les anticancéreux “anti-androgéniques”
Les médicaments anti-androgéniques, utilisés dans le traitement des cancers hormonodépendants de la prostate, “favorisent également la perte de masse osseuse”, indique l’Inserm dans un dossier dédié à l’ostéoporose.
Echange avec le Dr Etienne Dahan
https://www.rfcrpv.fr/medicaments-et-fragilisation-osseuse/
https://www.inserm.fr/dossier/osteoporose/
*https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31365145/
**https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC2764354/
***https://www.em-consulte.com/article/285615/effets-osseux-des-antiepileptiques
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