La toilette mortuaire, un geste universel
"Comme on lave un enfant qui vient de naître, on lave également une personne décédée. C’est une sorte de passage entre les deux mondes, une étape transitoire", décrit Frédéric Camarasa, technicien d’autopsie, agent de service mortuaire au CHU de Montpellier et expert en anthropologie d’identification. La toilette mortuaire est intimement liée à l’histoire de l’homme. Les premières traces de rites funéraires remontent à la préhistoire.
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Quand la personne décède à l’hôpital ou dans un établissement de santé, la toilette mortuaire est pratiquée en binôme par une infirmière et une aide-soignante. Cette étape est indispensable pour le personnel soignant.
"Généralement, l’infirmière a accompagné le patient de son arrivée dans le service de soins jusqu’à ses dernières heures. La toilette mortuaire, c’est aussi pour le personnel soignant le moment de clore une histoire", précise M. Camarasa. Avant d’ajouter : "Les soins sont réalisés à deux, car il est plus simple de manipuler le défunt avec délicatesse".
La toilette mortuaire se déroule assez rapidement après la rédaction du certificat de décès formulée par le médecin. En effet, il faut vite s’occuper du corps avant que le temps ne l’altère. "Après le décès le corps reste souple uniquement quelques heures avant l’apparition des rigor mortis (rigidités cadavériques ndlr)", rappelle le spécialiste.
Pour que la toilette mortuaire soit effectuée, il ne faut pas qu’il existe de contre-indication. En effet, dans le cas où le patient est décédé d’une maladie contagieuse, la mise en bière peut être obligatoire et immédiate. La toilette mortuaire peut aussi être reportée si une autopsie médico-judiciaire doit être pratiquée sur le corps. Quand la personne décède chez elle, la toilette mortuaire est réalisée soit par un thanatopracteur soit par l’opérateur funéraire.
Et la famille
"La toilette mortuaire s’inscrit dans un rituel socio-culturel. Elle fait partie du processus de deuil. Pour les proches, c’est aussi le moment de rendre un des derniers hommages", souligne M. Camarasa. Avant d’ajouter : "Le rôle du personnel soignant est de faire en sorte que le recueillement puisse se faire dans les conditions les plus favorables. Nous nous efforçons d’atténuer sur le visage des disparus les traces du combat mené, souvent contre la maladie".
Si la famille le souhaite, elle peut tout à fait participer à la toilette mortuaire.
Des soins d'hygiène...
La toilette mortuaire est réalisée directement dans le lit du défunt. Comme pour une toilette classique, elle est pratiquée du haut vers le bas, du plus propre vers les zones plus sales avec de l’eau tiède et du savon. Les ongles sont également nettoyés mais le visage des hommes n’est pas rasé sauf sur demande de la famille.
"Le corps n’est jamais déposé entièrement à plat, la tête est toujours légèrement relevée pour éviter que les livor mortis (lividités cadavériques ndlr) ne se déposent dans les parties déclives du visage", explique M. Camarasa. Souvent, les yeux sont fermés manuellement pendant la toilette mortuaire. La mandibule du défunt est mise en occlusion à l’aide d’un drap roulé sous le menton. Au total, cette étape dure entre 30 et 45 minutes.
"Pendant l’ensemble des soins, nous attachons la plus grande importance au respect de la pudeur et à la dignité de la personne défunte. Nous nous en occupons comme si elle était vivante, nos gestes sont toujours respectueux", détaille le spécialiste.
Des soins d'embellissement
Une fois lavé et séché, le corps est embelli afin de présenter à la famille un défunt qui ressemble le plus possible à l’image qu’ils en avaient de son vivant. La personne est donc coiffée, elle peut aussi être parfumée. Si elle en portait un, son appareil dentaire est remis en place afin de respecter les traits du visage. Certains défunts portent aussi leurs lunettes de vue. Chacun est également habillé, pour cela la famille peut, si elle le souhaite, laisser des vêtements spécifiques.
Ce qui est enlevé sur le corps
Si la personne décédée souffrait d’une maladie, elle est débarrassée de l’ensemble du matériel médical. Perfusion, appareil respiratoire, drain, cathéter, sonde urinaire, tout est enlevé. L’infirmière effectue une réfection des pansements.
De plus, conformément aux exigences légales toutes les prothèses fonctionnant au moyen d’une pile (stimulateur cardiaque) sont retirées par le médecin. Le cas échéant les prothèses sont retirées par un thanatopracteur.
Un défunt propre dans un endroit apaisé
"Une fois la toilette mortuaire réalisée, le corps est déposé dans un linceul puis recouvert jusqu’à hauteur de poitrine d’un drap propre dans la chambre. Les membres supérieurs sont placés le long du corps, les mains peuvent être posées sur l’abdomen. La pièce est entièrement rangé, le lieu doit être le plus propice au recueillement possible", détaille M.Camarasa. Avant d’ajouter : "Le personnel soignant se montre alors disponible. Dans une certaine mesure la qualité d’un accompagnement de ce type est aussi de savoir adopter une écoute empathique".
La famille peut ensuite, en accord avec le personnel médical, rester le temps qu’elle le souhaite, dans un délai légal maximum de 10 heures, auprès du défunt avant que le corps ne soit transféré vers un autre endroit.
Et la toilette rituelle ?
La toilette rituelle est propre à chaque religion. Chez les musulmans, elle est réalisée par un proche ou un membre de la famille ou par un représentant du culte, un imam. Comme le précise l’Assistance publique des hôpitaux de Paris sur son site internet, dans la religion musulmane le corps est lavé à l’eau et au lotus pour lui enlever toute source d’impureté. Aucune croix ne doit être déposée près du corps.
De plus, il faut éviter de croiser les mains et les doigts du défunt. Une toilette de purification est réalisée, le corps est enveloppé dans un nombre impair de vêtements blancs non cousus, les bras le long du corps et les paumes vers le ciel.
"Au sein de la religion juive, un ou plusieurs membres de la communauté religieuse pratique la toilette du défunt et sa purification en lui coupant les cheveux et les ongles", décrit également l’APHP. Les mains ne doivent pas être croisées et les bras sont placés le long du corps.
En respect du rite catholique, la famille peut croiser les doigts du défunt et placer un chapelet ou une croix sur le corps. Concernant le rite protestant, "Au moment de la toilette mortuaire, il est possible de croiser les doigts ou les mains du défunt et de disposer une Bible ouverte et une croix huguenote à proximité du corps", détaille le site internet de l’APHP.
Remerciements à Frédéric Camarasa, technicien d’autopsie et agent de service mortuaire au CHU de Montpellier