Combien de temps peut survivre un corps privé de nourriture ?© Getty
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Ceux qui pratiquent la survie, connaissent tous la règle des trois, une référence en la matière, attribuée à Ron Hood, un instructeur de survie américain. Ainsi, le corps ne peut résister que trois minutes sans respirer, trois jours sans boire et trois semaines sans manger. Ces trois semaines ne correspondent pas au décès de l'individu, mais au moment à partir duquel il ne sera plus capable d'assurer des tâches nécessaires à sa survie. Théoriques, ces durées varient en fonction de l'entrainement, la résistance, la corpulence et le contexte.

Medisite a choisi de s'intéresser dans cet article à la privation de nourriture. Combien de temps le corps peut-il tenir sans nourriture ? Comment essaie-t-il de résister et quels moyens de défense met-il en place pour survivre à la dénutrition ? On répond avec le Dr Faïza Bossy, médecin généraliste.

« Un adulte en bonne forme et avec un apport hydrique suffisant peut tenir sans nourriture entre 40 et 45 jours », assure-t-elle. Elle finit par tomber dans le coma puis décède. « C'est le cœur qui lâche », comment notre experte. Toutefois, si elle n'est pas suffisamment hydratée, la personne privée de nourriture ne tiendra pas une semaine.

Épuiser les réserves de sucres et de gras

Mais avant cela, que se passe-t-il ? Quelles ressources le corps a-t-il à disposition pour assurer sa survie ? Il faut tout d'abord savoir que le corps a un carburant, comme l'essence pour une voiture : c'est le sucre, un nutriment énergétique dont il a besoin en grande quantité pour fonctionner. « Rien que le cerveau a besoin de 150 grammes de sucre par jour », commente notre experte.

L'organisme se met donc en quête de sucre pour résister au stress métabolique que déclenche la privation de nourriture. « Au premier jour, le corps épuise sa réserve en sucre, en glucose. Ensuite, durant les jours qui suivent, le corps transforme les acides gras dont il dispose en glucose. On appelle cette phase la néoglucogenèse, soit la synthèse en glucose de composés non-glucidiques. C'est le foie qui agit à ce moment-là », développe Faïza Bossy.

Elle poursuit : « À partir du cinquième jour, l'organisme ne parvient plus à transformer les acides gras en glucose. Il va aller chercher partout les acides gras du corps pour les transformer en corps cétoniques, soit la dégradation des graisses dans l'organisme. C'est une source d'énergie, le cerveau et le corps en ont besoin. Jusque-là, le corps tient toujours », explique la spécialiste. Là encore, c'est le foie qui travaille pour transformer ce gras en énergie. Les reins travaillent aussi pour filtrer les déchets toxiques contenus dans ces corps cétoniques « qui ne sont pas normalement présents dans l'organisme. Si les reins ne faisaient pas leur travail à ce moment, on s'intoxiquerait », précise Faïza Bossy.

Puiser dans les muscles quand les graisses sont épuisées

Une phase plus critique débute à partir du dixième jour environ. Après avoir épuisé le stock de sucre et de gras, contenu dans les tissus adipeux et le foie notamment, le corps n'a plus d'autre choix que d'aller puiser de l'énergie dans les muscles et utiliser comme énergie les protéines qu'ils contiennent. Mais les muscles ne sont pas censés être une réserve d'énergie, c'est pourquoi l'état de la personne se dégrade considérablement à partir du moment où cette étape débute. « Le corps épuise sa réserve en sucre, puis en gras avant d'aller chercher dans la réserve dite noble, la réserve des protéines. C'est à ce moment qu'apparaît la fonte musculaire », précise la spécialiste. Cette étape peut durer une trentaine de jours.

Les symptômes de la dénutrition

Durant la première période, la transformation des acides gras en énergie, l'individu présente immédiatement des symptômes liés à la dénutrition. « Au tout début, les cinq premiers jours, les personnes privées de nourriture présentent des signes de frilosité, car la régulation thermique qui se fait au niveau du cerveau est totalement déréglée. Les personnes ont froid. Généralement, elles sont également apathiques, fatiguées, présentent des troubles digestifs comme des diarrhées, et une irritabilité ». La sensation de faim très présente les premiers jours finit par disparaître au bout d'une dizaine de jours. L'individu souffre de crampes abdominales - « le tube digestif attend de la nourriture qui ne vient pas, se contracte et se dilate » -, et des crampes musculaires dues à la déshydratation.

Puis, au fur et à mesure que la dénutrition passe de légère à sévère, les symptômes s'aggravent. « Passé le cinquième jour, l'individu présentera des troubles hépatiques, des troubles au niveau rénal, des troubles cardiologiques avec des fréquences cardiaques qui sont souvent très basses. Le cœur bat très rarement, la personne est en état de bradycardie. Sur le plan neurologique, elle est totalement ralentie. On parle en médecine d'état de stupeur », précise la médecin généraliste. Cet état est caractérisé par la suspension de toute activité physique et psychique. Petit à petit, les organes dysfonctionnent et le corps finit par lâcher totalement.

L'arrêt des fonctions vitales

La personne privée de nourriture va finir par tomber dans le coma et mourir. Elle mourra d'un dysfonctionnement des organes vitales. « À partir du moment où vous puisez dans vos réserves, les organes vitaux et en particulier le cœur, le foie et les reins vont énormément travailler pour gérer ce stress métabolique déclenché par la privation de nourriture. À tel point qu'ils s'épuisent et se mettent au repos ». Le corps se met en veille afin d'économiser son énergie et survivre à l'épreuve le plus longtemps possible.

Mais si le cœur bat trop lentement, on aboutit également à un épuisement des organes et, pour finir, à un arrêt de ses fonctions vitales. « Les fonctions cardiaques, neurologiques, n'arrivent pas à suivre ce rythme qui demande beaucoup trop d'énergie, alors qu'on a épuisé ses réserves », résume Faïza Bossy. Le décès survient au bout de 45 jours environ.

Des privations de nourriture exceptionnellement longues

L'histoire a toutefois retenu des privations de nourriture, plus exactement des grèves de la faim, qui ont duré bien plus longtemps que les 40 à 45 jours évoqués par notre experte. On se souvient ainsi de Bobby Sands engagé contre les Britanniques en Irlande du Nord qui en 1981 était mort à l'hôpital au bout d'une grève de la faim de 66 jours, menée pour protester notamment contre le traitement des prisonniers politiques irlandais.

Plus récemment, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov a survécu à une grève de la faim de 145 jours, menée en 2018. Opposant à la Russie, il a été arrêté en 2014 pour « préparation d'actes terroristes » et condamné à 20 ans d'emprisonnement. Lauréat du prix Sakharov du Parlement européen, il a été libéré le 7 septembre 2019 lors d'un échange de prisonniers entre l'Ukraine et la Russie.

Sources

Merci au Dr. Bossy, médecin généraliste à Paris. 

mots-clés : nourriture, faim, décès, mort
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