“Je n’irai plus jamais chez le médecin” - Épisode 2Adobe Stock
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Aude a 44 ans. Toute sa vie, elle l’a faite à Paris : enfance, études, première partie de carrière… Avant de déménager et de changer radicalement de parcours. Aujourd’hui, et après avoir repris des études, Aude est formatrice et coach professionnelle aux Sables-d’Olonne. Indépendante depuis bientôt 7 ans, elle a créé sa propre entreprise. D’emblée, elle annonce la couleur : “Si je veux parler à Medisite, c’est pour évoquer l'impact très négatif que mon suivi de grossesse a eu sur ma santé mentale.”

“Le temps passe, et je ne tombe pas enceinte”

Aude a été en couple pendant des années avec un premier compagnon, avant d’en rencontrer un nouveau. Ensemble, ils veulent un enfant. “Le temps de faire connaissance, d'être sûrs de vouloir faire un enfant… Le temps passe. Je ne tombais pas enceinte, alors j’ai décidé de faire un bilan de fertilité.” Aude se rend à plusieurs rendez-vous médicaux et subit différents tests. Elle le réalise aujourd’hui : tout ça l’a traumatisée. “Les répercussions se ressentent encore maintenant : les différents tests qu'il fallait faire, la gynéco, sa maladresse, notamment par rapport à un examen que je devais passer avec un radiologue… Il devait me faire une hystérosalpingographie.”

Note : on appelle hystérosalpingographie un examen destiné à diagnostiquer une éventuelle infertilité féminine. “En injectant dans l’utérus, via le col, un liquide iodé opaque aux rayons X, il est possible de vérifier, à l’aide d’une radiographie, l’anatomie de l’utérus et des trompes et de diagnostiquer un obstacle à la fécondation. Cet examen dure en moyenne 15 minutes”, indique le dictionnaire médical Vidal.

Pour Aude, cet examen est un véritable cauchemar. “Le gynécologue n’arrivait pas à réaliser l’hystérosalpingographie, il s'acharnait, et j’étais pleinement consciente. Pendant une heure, il n’y arrivait pas, mais il voulait à tout prix que l'examen réussisse. Il a utilisé 5 kits, il était en nage. Moi, j'allais extrêmement mal, mais bon, j’attendais. Puis, au bout d'une heure, il m'a dit : “Écoutez, j'y arrive pas. Il faudra vous faire une anesthésie générale.” Je me suis levée. Il avait des gouttes de sueur qui coulaient de partout. J’avais du sang partout. Je suis ressortie, mon conjoint ne m'a pas reconnue, j'étais livide. On ne comprenait pas ce qu’il s’était passé.”

“Je suis sortie de chez la gynéco, j'étais en larmes”

Aude passe donc, quelques jours plus tard, ce même examen, cette fois sous anesthésie générale. Et tout se déroule normalement. Mais son calvaire est loin d’être terminé, car les violences psychologiques continuent. “Ensuite, j'ai revu ma gynécologue. Elle fait une échographie pour évaluer ma réserve ovarienne. Devant son écran, elle m’a dit : “Ça va être compliqué.” Mais rien de plus. Et puis : “Je vous invite à aller voir ma secrétaire.”” Aude se retrouve désemparée, sans explication. En parallèle, son conjoint n’a eu qu’un simple spermogramme à faire. “Bref, je me suis retrouvée à courir après la gynéco dans le couloir. Et elle a disparu. Je suis sortie, j'étais en larmes. C’est assez difficile comme annonce, de dire à une femme qu’elle ne pourra pas avoir d'enfant.”

À ce moment-là, Aude ne veut pas passer par une procréation médicalement assistée (PMA). “Dans mon entourage, je voyais tous les dégâts que ça pouvait causer chez les femmes. Ça nécessite des traitements extrêmement lourds, et sur le couple aussi, ça a un impact fort. Je n’avais pas envie de détruire mon couple, tant pis si je ne pouvais pas avoir d'enfant naturellement.” Et pourtant. Alors qu’elle n’a jamais fait part de son souhait de recourir à cette méthode, elle apprend 9 mois plus tard que son dossier pour une PMA est passé en commission et qu’il a été accepté. “J'ai consulté un autre gynécologue qui m’a fait un examen des trompes. C’est lui qui m'a annoncé la nouvelle, lui-même était très étonné que je n'aie reçu aucune information.”

“Maintenant, la PMA, c'est fini, parce que vous avez 44 ans et demi”

C’est également ce praticien qui lui apprend que sa réserve ovarienne est plutôt faible. Il lui annonce par ailleurs qu'elle a autant de chances de tomber enceinte naturellement qu’en recourant à une PMA. “Ça a été un vrai traumatisme. J'avais beaucoup de mal à faire l'amour avec mon conjoint. J'avais fait un deuil : je ne pourrais pas avoir d'enfant.” Puis, en juillet 2022, Aude découvre qu’elle est enceinte naturellement. “Je ne voulais plus voir de gynécologue, donc je suis allée voir une sage-femme après mon déménagement aux Sables-d’Olonne.”

Malheureusement, la praticienne lui annonce que le cœur du fœtus - qui s'était développé jusqu'à 8 semaines et demi - ne bat plus. Aude a fait une fausse couche et doit subir un curetage. “Là, j’ai vu une gynécologue à qui j’ai expliqué mon parcours. Elle m’a simplement dit : “Ben de toute façon maintenant, la PMA, c'est fini, parce que vous avez 44 ans et demi.” On n’a pas eu d'échange. Et puis on m'a fait le curetage.” Le sort s’acharne. Aude est placée dans un service de néonatologie, à côté de femmes qui viennent d’accoucher. “C'était très dur. J’avais le curetage l'après-midi, et le lendemain, je suis retournée bosser.”

PMA : Aude se rend en Espagne

C’est sa sage-femme qui la convainc d’aller faire une PMA en Espagne. En France, c’est encore possible, mais ça n’est pas remboursé par la sécurité sociale dans son cas. “Je me suis dit que quitte à payer, autant aller en Espagne, parce que le traitement n’est pas du tout le même, on ne voit pas la grossesse comme une pathologie.” Aude prend contact avec une clinique à Barcelone. “Avec mon conjoint, on s'est rendu compte qu'il valait mieux faire un don d'ovocytes plutôt que de prendre des risques avec mes propres ovocytes et faire plusieurs tentatives qui auraient grandement réduit nos chances. Alors on s'est lancés dans l'aventure.” En ce moment-même, Aude termine son premier trimestre de grossesse. “Ça a fonctionné du premier coup, j'ai eu de la chance.”

Grossesse : “En France, on considère qu’à 44 ans, c'est foutu”

“En France, on considère qu’à 44 ans, ça y est, c'est fini, c'est foutu. Alors oui, à mon âge, les ovocytes sont de moins bonne qualité, comme pour beaucoup de femmes. Mais sinon, tout le reste est nickel ! Aujourd’hui, les femmes travaillent, elles font les choses plus tardivement, elles ne désirent pas forcément un enfant avec le premier homme qu’elles rencontrent…”

Si Aude ne souhaite pas généraliser ce qu’elle a pu vivre d'un point de vue médical, elle l’affirme : elle ne veut plus jamais avoir affaire à un gynécologue, sauf en cas de force majeure. Elle se souvient encore de sa fausse-couche avec douleur. Alors qu’elle apprend la nouvelle, aucun créneau n’est disponible avant 5 jours pour le curetage utérin. “Je trouve ça horrible de vivre avec un fœtus mort dans son ventre pendant autant de temps.” C’est grâce à la standardiste, qui fait du "forcing", que le praticien accepte qu’Aude ait un rendez-vous rapidement. Aujourd’hui, elle est suivie dans une maternité par un anesthésiste et une sage-femme. “Les accouchements sont faits par des sages-femmes, sauf s’il y a un problème sur le moment. Moi, ce qui me rassure, c'est de savoir que c'est une sage femme qui va me faire accoucher.”

Sources

“Les diagnostics des troubles de la fertilité”, une fiche du dictionnaire médical Vidal.

https://www.vidal.fr/sante/grossesse/conception-suivi-grossesse/troubles-problemes-fertilite/diagnostic.html

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