Votre microbiote intestinal pourrait-il être la cause de l’obésité et du diabète ? Selon une étude de scientifiques de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS, publiée dans la revue Science le 15 avril dernier, des neurones de l’hypothalamus, glande du cerveau, détectent directement “les variations de l’activité bactérienne et adaptent l’appétit et la température corporelle en conséquence”.
Les scientifiques ont étudié chez la souris le mécanisme liant microbiote et neurones de l’hypothalamus.
Intestins : un "dialogue direct" entre microbiote et cerveau
Comme le rapporte le communiqué de l’Inserm publié le 15 avril dernier, leurs résultats démontrent ainsi l’existence d’un “dialogue direct entre le microbiote intestinal et le cerveau”. Une découverte qui pourrait être exploitée pour de nouvelles approches thérapeutiques contre les troubles métaboliques, tels que le diabète ou l’obésité.
“Il est stupéfiant de découvrir que des fragments bactériens agissent directement sur un centre nerveux aussi stratégique que l’hypothalamus, connu pour gérer des fonctions vitales comme la température corporelle, la reproduction, la faim, ou la soif”, a réagi Pierre-Marie Lledo, chercheur CNRS et responsable de l’unité Perception et mémoire à l’Institut Pasteur.
Prise de poids et diabète de type 2 : plus de risques avec un récepteur défaillant
Pour parvenir à ces conclusions, des neurobiologistes de l’unité Perception et mémoire (Institut Pasteur/CNRS), des immunobiologistes de l’unité Microenvironnement et immunité (Institut Pasteur/Inserm) et des microbiologistes de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne (Institut Pasteur/CNRS/Inserm) ont mis en commun leurs expertises pour comprendre comment les bactéries de l’intestin peuvent avoir un effet direct sur l’activité de certains neurones du cerveau.
Selon le communiqué de l’Inserm, les scientifiques se sont particulièrement intéressés au récepteur Nod2 (Nucleotide Oligomerization Domain) qui est présent à l’intérieur des cellules, en particulier des cellules immunitaires. “Ce récepteur détecte la présence de muropeptides, des composés des parois bactériennes, qui peuvent être considérés comme les produits dérivés du microbiote intestinal”, précise l’Inserm.
Le cerveau perd le contrôle de la prise alimentaire
Grâce à des techniques d’imagerie cérébrale, les chercheurs ont pu observer sur les souris que ce récepteur Nod2 était exprimé par des neurones de différentes régions du cerveau, et en particulier par l’hypothalamus. Les scientifiques ont également découvert que ces “neurones voient leur activité électrique réprimée lorsqu’ils rencontrent des muropeptides bactériens issus de l’intestin”. “Les muropeptides présents dans l’intestin, le sang et le cerveau sont considérés comme les marqueurs de la prolifération bactérienne”, détaille Ivo G. Boneca, responsable de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne à l’Institut Pasteur (CNRS/Inserm).
À l’inverse, dans le cas où le récepteur Nod2 est défaillant, ces neurones ne sont plus réprimés par les muropeptides et “le cerveau perd alors le contrôle de la prise alimentaire et de la température corporelle”. Les chercheurs ont modifié génétiquement des souris afin qu'elles n'expriment plus le Nod2 et pouvoir voir les conséquences que cela avait sur les rongeurs.
Résultat, les scientifiques ont observé après 6 mois que “les souris prennent du poids et sont plus susceptibles de développer un diabète de type 2, en particulier chez les femelles âgées”. Les personnes touchées par ce phénomène voient leur satiété perturbée et ont toujours faim, ce qui favorise la prise de poids.
Un microbiote équilibré prévient l’obésité et le diabète
Ces résultats démontrent que les bactéries intestinales que l’on ingère via l’alimentation migrent vers le cerveau où elles inhibent les neurones de la satiété grâce au récepteur Nod2. “Il est possible qu’une prise alimentaire excessive ou un aliment particulier favorise l’expansion exagérée de certaines bactéries ou de pathogènes, et mette ainsi en danger l’équilibre intestinal”, souligne Gérard Eberl, responsable de l’unité Microenvironnement et immunité à l’Institut Pasteur (Inserm).
Avoir un microbiote intestinal équilibré prévient donc l’obésité et le diabète. Cela laisse espérer “de nouvelles approches thérapeutiques contre les maladies du cerveau, ou les maladies métaboliques comme le diabète et l’obésité”.
Décryptage d’un dialogue direct entre le microbiote intestinal et le cerveau, communiqué de l’Inserm du 15 avril 2022.
https://presse.inserm.fr/decryptage-dun-dialogue-direct-entre-le-microbiote-intestinal-et-le-cerveau/45201/
Bacterial sensing via neuronal Nod2 regulates appetite and body temperature, Science, 15 avril 2022.
https://www.science.org/doi/10.1126/science.abj3986?cookieSet=1
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