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Antidépresseurs : les erreurs fréquentes des médecins et des patients© Istock

En France, on estime qu’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie, selon les données de l’Inserm. Véritable maladie, elle se caractérise par un ensemble de symptômes, parmi lesquels on peut citer un sentiment de tristesse profonde, une diminution de l’intérêt, la perte ou la prise de poids, les troubles du sommeil, la fatigue ou encore les idées noires.

La dépression est aussi un facteur de suicide important, puisque 5 à 20 % des patients finissent par mettre fin à leurs jours. Chaque année, plus de 800 000 personnes meurent de cette manière, selon l’OMS. Heureusement, il existe des traitements contre la dépression, efficaces dans 70 % des cas.

Si les antidépresseurs ne sont pas complètement infaillibles, ce peut être la conséquence d’une erreur dans la prescription ou, surtout, dans la prise du traitement. La prise en charge de la dépression doit aussi être plus globale, et ne pas se limiter aux seuls médicaments.

Le traitement n’est pas toujours accompagné d’un suivi thérapeutique

Le Dr Eric Charles, psychiatre et auteur de Antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères : vérités et contre-vérités sur les psychotropes (à paraître le 29 novembre aux éditions Jouvence), explique qu’un patient dépressif doit aussi bénéficier d’un suivi psychothérapeutique, tant pour travailler sur ses troubles que pour vérifier si le traitement médicamenteux est toujours bien adapté.

Le spécialiste précise que “n’importe quel médecin qui a un droit de prescription peut prescrire des antidépresseurs. Ces derniers sont d’ailleurs plus souvent administrés par des médecins généralistes que par des psychiatres”. Bien que le médecin traitant puisse orienter le patient vers un thérapeute, un suivi dans la durée n’est pas toujours assuré, pour vérifier que le traitement est correctement suivi, ou que sa posologie convient encore.

Antidépresseurs : les sous-prescriptions sont assez fréquentes

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Une autre erreur, concernant les antidépresseurs, est leur sous-prescription. “Il arrive parfois qu’un patient en plein épisode dépressif se rende chez son médecin traitant pour lui exposer ses symptômes, et que ce dernier lui réponde que ce n’est qu’un petit coup de mou et que ça va passer”, déplore le Dr Charles. “Dans ce cas, le diagnostic de dépression n’est pas posé, et le traitement n’est donc pas prescrit”.

Moins fréquente, la sur-prescription des antidépresseurs existe aussi. “Une personne qui vient de perdre un parent et se sent donc très mal depuis quelques jours peut se voir prescrire des antidépresseurs”, souligne le psychiatre. “Or, il faut que les symptômes durent au moins quinze jours pour parler d’un épisode dépressif”.

Le spécialiste rappelle que ce type de médicament n’est indiqué qu’en cas d’épisode dépressif caractérisé, et peut éventuellement être prescrit pour combattre les troubles anxieux. En revanche, “les coups de blues ou les réactions de tristesse ne relèvent pas de l’antidépresseur”.

La durée de la prescription peut aussi donner lieu à des erreurs

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“Un antidépresseur a un délai d’action”, explique le Dr Charles. En effet, “il faut attendre deux à quatre semaines pour observer ses premiers effets”. Mais en constatant l’absence d’efficacité immédiate du traitement, certains patients arrêtent de le prendre au bout de quelques jours.

D’autres vont aussi constater que leur état s’améliore après quelques semaines, et estiment donc qu’ils peuvent désormais se passer de ces médicaments. Cela pose un véritable problème, puisque les probabilités de retomber en dépression sont extrêmement importantes. “Si on arrête le traitement trop tôt, le risque de rechute peut aller jusqu'à 50 %”, précise l’expert.

Après un premier épisode dépressif, les antidépresseurs sont généralement prescrits pour une durée de quatre à six mois.

Une prescription trop longue est également possible, bien que plus rare, selon le psychiatre. “Des patients peuvent être traités pendant des années, sans que leur traitement ne soit remis en cause. L’ordonnance est simplement renouvelée de manière systématique par le médecin”. Il précise que “cela est plus fréquent chez les personnes âgées, par peur de la rechute”.

Gare à l’arrêt trop brutal de vos antidépresseurs

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“Un arrêt trop rapide d’un traitement antidépresseur entraîne un risque de syndrome d’interruption brutale”, prévient le Dr Charles. “Si on prend une dose importante de ce médicament et qu’on l’arrête d’un coup, on peut avoir un déficit en sérotonine”.

Ce syndrome peut donner lieu à des symptômes désagréables, tels que des nausées, des tremblements, une irritabilité, un syndrome pseudo-grippal ou encore des troubles du sommeil. Ces derniers disparaissent généralement au bout de sept à dix jours, et ne doivent pas être confondus avec un retour de la dépression.

Le psychiatre précise également que cette réaction doit être différenciée du syndrome de manque, dans la mesure où les antidépresseurs ne causent jamais d’accoutumance. “On leur attribue parfois cette particularité à tort, parce qu’on les confond avec les anxiolytiques qui, eux, peuvent effectivement entraîner une dépendance - en particulier ceux de la famille des benzodiazépines”.

Ne pas respecter la posologie rend le traitement inefficace

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Ne pas respecter la posologie indiquée par son médecin peut avoir des conséquences néfastes pour votre santé. Sauter des prises, notamment, vous expose au risque de syndrome d’interruption brutale - en particulier si vous oubliez vos cachets plusieurs jours d’affilée.

Bien sûr, “le risque principal est la non-efficacité du traitement”, avertit le psychiatre. “C’est comme une pilule contraceptive : si on ne la prend pas régulièrement, elle ne fonctionne pas”. Les symptômes de la dépression - tristesse, dévalorisation, troubles psychomoteurs, fatigue, pensées suicidaires… - vont alors persister.

“Si le patient ne respecte pas la dose prescrite par le médecin, le traitement ne fonctionnera pas non plus”, ajoute l’expert. Il précise néanmoins qu’il est possible de prescrire les antidépresseurs en dessous de la dose recommandée dans certains cas particuliers. Il s’agit des personnes dont l’organisme élimine plus difficilement les substances ingérées, comme les personnes âgées ou les patients atteints de troubles hépatiques.

Enfin, prendre des antidépresseurs en excès peut entraîner un surdosage… qui peut s’avérer fatal.

Ne pas les prendre aux bons horaires peut avoir des répercussions

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Votre psychiatre vous a indiqué de prendre votre traitement à des heures précises ? Il y a une bonne raison derrière cela. “Certains antidépresseurs sont plutôt stimulants. On les prescrit donc le matin, pour éviter les problèmes d’endormissement le soir. À l’inverse, d’autres molécules ont plutôt des effets sédatifs. Dans ce cas, mieux vaut les prendre le soir, pour éviter la somnolence dans la journée - et les risques associés pendant la conduite”, explique le Dr Charles.

La somnolence fait partie des possibles effets indésirables des antidépresseurs. Ces derniers peuvent aussi donner une sensation de bouche sèche ; il est alors recommandé de bien s’hydrater. Dans certains cas rares, ils peuvent entraîner des vertiges ou des nausées.

“Ces symptômes sont souvent transitoires et peu spécifiques”, précise le médecin. “S’ils persistent, il est important d’en parler à votre médecin, qui pourra ajuster le dosage ou vous prescrire une autre molécule”. En revanche, il ne faut en aucun prendre soi-même la décision de stopper son traitement.

Alcool, médicaments : certains mélanges doivent être évités

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Certaines molécules ne font pas bon ménage. Ainsi, il est déconseillé de boire de l’alcool lorsqu’on suit un traitement antidépresseur, car cette boisson risque “d’augmenter les effets sédatifs du médicament”. De manière général, les antidépresseurs renforcent les effets de l’alcool, ce qui peut entraîner des troubles du comportement. Le Dr Charles précise que l'on peut tout de même se permettre un verre de vin de temps en temps, sans que cela ne pose problème.

En outre, les interactions avec les molécules d’autres médicaments peuvent aussi s’avérer dangereuses. “C’est justement le rôle du médecin de toujours connaître les traitements en cours d’un patient, avec de lui en prescrire un nouveau”. Lors de la consultation, il ne faut donc pas hésiter à lui faire la liste exhaustive des traitements que vous prenez.

Sources

Dépression, Inserm, 1 août 2014. 

Antidépresseurs : Comment en faire bon usage ?, Info-depression.fr 

Données et statistiques sur le suicide, OMS, 2012. 

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