Le système immunitaire joue un rôle crucial dans la lutte contre le cancer. Ces dernières décennies, les scientifiques l’ont bien compris, d’où l’apparition de l’immunothérapie : un traitement qui intensifie les défenses naturelles pour renforcer l’activité anti-tumorale. Cependant, dans le cadre du cancer du pancréas, ce système est peu efficace. Dans un communiqué publié le 5 décembre, des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont découvert qu’un récepteur présent sur les lymphocytes T régulateurs joue un rôle majeur dans l’inhibition de l’action anti-tumorale.
L’adénocarcinome canalaire pancréatique est la forme la plus sévère de la maladie. Son taux de survie à cinq ans après le diagnostic n’excède pas 12 %. "La tumeur est infiltrée par de très nombreux fibroblastes, des cellules de soutien qui forment un tissu dense autour des cellules cancéreuses, ce qui limite la pénétration des médicaments et des cellules immunitaires. Ces fibroblastes sécrètent des facteurs immunosuppressifs qui favorisent l’expansion de cellules capables d’inhiber nos défenses antitumorales, notamment celles des lymphocytes T régulateurs : les Treg", explique dans un communiqué Ilaria Cascone, chercheuse à l’Institut Mondor de recherche biomédicale à Créteil.
Un récepteur qui empêche les lymphocytes T de détruire les cellules cancéreuses
Le professeur José Cohen et son équipe de spécialistes en immunologie ont exploré le rôle des Treg. Ces cellules sont normalement très utiles pour stopper l’activation de notre immunité contre les infections lorsqu’elles sont contrôlées. Elles évitent aussi au système immunitaire de développer des maladies auto-immunes.
Dans la leucémie, les scientifiques démontrent que ces lymphocytes peuvent jouer un rôle délétère en inhibant la réponse immunitaire. "Ces cellules portent un récepteur, le TNFR2, qui leur est indispensable pour freiner les lymphocytes T CD8 : des cellules capables de détruire les cellules cancéreuses. Lorsque le TNFR2 est bloqué grâce à un anticorps thérapeutique, les Treg sont inhibés et les lymphocytes T CD8 peuvent détruire les cellules cancéreuses", précise le Dr Ilaria Cascone.
Des défenses immunitaires inefficaces pour détruire les cellules cancéreuses
L’équipe de chercheurs a voulu savoir si ce processus existait dans le cancer du pancréas. Pour y parvenir, ils ont récolté des données pour confirmer que ces Treg étaient nombreux dans l'adénocarcinome pancréatique et qu’ils portaient le récepteur TNFR2.
Ils ont ensuite étudié des souris qui présentaient des cellules d’adénocarcinomes canalaires pancréatiques. "Nous avons observé un fort recrutement de Treg au niveau de la tumeur, avec une forte expression de TNFR2. Les lymphocytes T CD8 étaient quant à eux plus rares et présentaient des marqueurs d’épuisement, c’est-à-dire qu’ils étaient incapables de produire une réponse immunitaire efficace", commente le chercheur.
Une initiative prometteuse qui ouvre la voie à de nouveaux traitements
Les scientifiques ont ensuite testé l’effet d’un anticorps anti-TNFR2 pour enrayer ce processus chez les souris. Les résultats ont montré une augmentation des lymphocytes T CD8, et ceux présentant un épuisement avaient diminué, ce qui a permis de ralentir la progression de la tumeur sans pour autant la détruire.
Pour aller plus loin dans le processus, les chercheurs ont associé l’anticorps anti-TNFR2 à une molécule qui stimule un autre récepteur : le CD40. "L’activation de CD40 amplifie la réponse des lymphocytes T CD8. Testé en combinaison, l’agoniste CD40 renforce l’effet clinique de l’anticorps anti-TNFR2 : la survie des souris est prolongée par rapport à celle des animaux traités par une seule des deux molécules", précise Ilaria Cascone.
"Ces résultats sont très encourageants, car le modèle développé chez la souris mime assez fidèlement ce qui se déroule en clinique chez l’humain", précise le spécialiste en immunologie José Cohen. Un anticorps anti-TNFR2 est en cours d’évaluation clinique chez des patients atteints de tumeurs solides avancées. "Des résultats prometteurs dans le traitement de mélanomes et de cancers du pancréas ont été identifiés. Cela veut dire qu’il pourrait être rapidement envisagé de tester cette approche dans le cadre d’essais cliniques."
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