Prescrire l'ennui
Pourtant, notre société ne voit pas l'ennui d'un très bon œil...
Dans les pays latins, de culture judéo-chrétienne ou musulmane, l'inaction a longtemps été acceptée. Elle laissait au moins le temps de prier et de se rapprocher de dieu. Mais depuis Luther, c'est l'activisme qui prime. Pour le protestantisme, s'ennuyer et ne rien faire sont synonymes de pécher. On ne bulle pas, il faut se bouger.
Et toute notre société est aujourd'hui imprégnée de ce modèle. Mais je ne crois pas à la viabilité de ce système. En tant que neurobiologiste, j'ai beaucoup étudié la chronobiologie. Pour qu'il y ait de la vie, il faut qu'il y ait une pulsation, c'est-à-dire une alternance entre action et inaction. Si nous voulons rester une espèce adaptable, qui fonctionne bien, il faut sauvegarder ces moments où l'on ne fait rien. C'est urgent !
Pour le psychiatre que vous êtes, y a t-il des périodes dans la vie où l'on devrait presque "prescrire" l'ennui ?
Absolument. Pendant l'enfance et l'adolescence, l'ennui à petites doses est indispensable pour l'élaboration de soi. Il développe l'imagination, la créativité, l'introspection, l'indépendance. Il permet de réfléchir à ce que l'on a réellement envie de faire.
L'ennui, c'est qu'aujourd'hui tout le monde fuit l'ennui, à commencer par les parents qui culpabilisent s'ils n'occupent pas leur progéniture avec de multiples jeux et activités extrascolaires ludoéducatives. Ils ne supportent pas que leurs enfants s'ennuient, alors ils meublent. Moi je dis : laissons-les donc un peu tourner en rond et trouver par eux-mêmes comment s'occuper. C'est beaucoup plus formateur.
Plus d'infos
''S'ennuyer quel bonheur'', de Patrick Lemoine aux éditions Armand Colin, 17, 59 €
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