Souvent surnommés "malades imaginaires", les hypocondriaques semblent mener un combat contre le reste du monde. "J’ai quelque chose mais personne ne veut me croire", "je suis malade mais personne ne trouve ce que j’ai" : ce sentiment d’impuissance et d’incompréhension face à son entourage et au corps médical ne fait que miner l’hypocondriaque en mal de preuves rassurantes. Mais qu’est-ce que l’hypocondrie et qui touche-t-elle véritablement ?
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Trouble du comportement caractérisé par une anxiété généralisée, l’hypocondrie cristallise toutes les craintes qu’une personne atteinte se fait au sujet de sa santé. "L’hypocondrie, c’est la conviction persistante d’avoir une maladie. Et, ce, malgré les examens que l’on va faire et les paroles rassurantes d’un médecin. C’est la croyance que l’on est atteint d’une pathologie, à bas bruit, que les spécialistes ne seront pas à même de découvrir et qui nous ronge. En réalité, ce n’est pas la maladie qui ronge, mais c’est l’anxiété que cette croyance génère", explique Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne.
Une étude Ifop-Capital Image, menée en 2014, avait révélé que le trouble hypocondriaque concernait environ 13 % de la population. Redoutée autant que reconnue, l’hypocondrie toucherait 8,5 millions de personnes dans l’Hexagone, soit environ un Français sur dix. Et l’épidémie de coronavirus n’aurait strictement rien arrangé dans l’affaire.
Hypocondrie et Covid-19 : une anxiété généralisée
Les différentes vagues épidémiques de coronavirus, particulièrement les débuts de l’épidémie et les confinements qui y ont été associés, n’ont pas manqué de faire grimper l’anxiété générale. Selon une étude britannique, publiée dans la revue spécialisée American Psychologist, 15 % des participants interrogés présentaient un diagnostic d’anxiété directement liée à leur santé physique.
"Pour certains qui avaient déjà des tendances hypocondriaques, mais chez qui ce n’était peut-être pas assez marqué pour qu’on pose un diagnostic, il se peut que la pandémie soit un déclencheur", selon Frédéric Langlois, professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Hypocondrie et stress : quelle réelle différence ?
Qu’est-ce qui peut bien différencier l’hypocondrie du stress "courant", que l’on pourrait même considérer comme "classique" ? Si les deux troubles se fondent sur la même base, qui représente une véritable et profonde crainte, c’est justement la sévérité des manifestations qui les dissocient l’un de l’autre.
"C’est la façon erronée d’interpréter avec gravité le moindre signe, la moindre douleur physique. C’est le fait de ne pas réussir à être convaincu par des examens dont les résultats seraient bons et de remettre en doute soit la valeur de l’examen soit la parole du médecin. C’est le temps que l’on va passer à se toucher, à explorer, à faire des analyses et recherches, à prendre son pouls, à essayer de vérifier, à être préoccupé par son état de santé", partage la spécialiste.
Mais l’hypocondrie se caractérise également par des douleurs véritablement ressenties. Non, l’hypocondriaque qui se plaint de différents maux, ne les sort pas de son esprit. Les douleurs peuvent être réellement présentes, mais c’est l’idée que la personne s’en fait et c’est l’interprétation qu’elle leur donne qui change tout. L’hypocondrie, "c’est aussi des douleurs qui ne s’expliquent pas de façon médicale ou somatique, on parle de trouble somatoforme, c’est-à-dire que le mal prend la forme d’une douleur somatique mais il n’y a pas de cause physique. C’est le fait d’avoir une vie, un quotidien bouleversé parce qu’on doute de sa capacité et de sa santé à aller travailler, à prendre les transports, à aller à une fête de famille, par exemple", déclare Johanna Rozenblum.
Qui sont les personnes les plus atteintes par l’hypocondrie ?
Si cette forme d’irrationalité accumulée peut toucher n’importe qui, certaines personnes y sont plus sensibles que d’autres. Les facteurs déterminants peuvent être imputés au versant dit "endogène", c’est-à-dire qui concerne la personnalité, la génétique, l’hérédité, "on sait bien que certains arrivent au monde plus ou moins anxieux", explique la psychologue clinicienne. Et d’autres facteurs se situent du côté dit "exogène" : est-ce que j’ai vécu un événement traumatique en rapport avec la maladie durant l’enfance ? Ai-je vu un de mes proches tomber malade, s’en remettre difficilement ou pas du tout ? Est-ce que j’ai connu un deuil ?
"C’est le fait de découvrir de façon abrupte que le corps est faillible et que la maladie existe. Chez certaines personnes, c’est exacerbé par une difficulté à s’émanciper de ses parents : on retrouve chez des adultes hypocondriaques, des adolescents qui ont eu du mal à prendre leur liberté, à s’émanciper. Des adolescents chez qui l'on retrouve beaucoup d’anxiété de séparation et qui restent comme dans un état de vulnérabilité qui les fige en quelque sorte dans cette enfance », détaille Johanna Rozenblum.
Peut-on se soulager, soigner l’hypocondrie ?
Une fois le trouble reconnu et compris, il est essentiel de l’accepter pour espérer s’en soigner. Parce que, oui, l’hypocondrie est un trouble anxieux dont on peut se débarrasser. Si cela représente un réel défi pour le patient, "il faut consulter car c’est difficile de s’en sortir par soi-même et de critiquer sa propre pensée. Il est difficile de se rationaliser quand on pense qu’on est malade et que la mort est à chaque carrefour", conseille Johanna Rozenblum.
Par ailleurs, les thérapies cognitivo-comportementales ont fait leurs preuves au fil du temps et des expériences. "Elles sont très efficaces dans ce genre de trouble anxieux et notamment pour les cas d’hypocondrie. Il y a la partie cognitive, où l’on va essayer de comprendre l’histoire de son anxiété, on apprend à se connaître, on donne du sens. Et il y a la partie comportementale, qui va chercher ce qui peut être mis en place pour apprendre à se rassurer, à se rationaliser, pour donner de la valeur à la parole du médecin et surtout essayer de déloger cette cristallisation anxieuse sur la santé physique", conclut la spécialiste.
https://psycnet.apa.org/fulltext/2020-52963-001.html
http://www.capitalimage.net/actualite-article.asp?id=43
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