C’est un sujet très médiatisé. Depuis quelques années, la France connaît une véritable pénurie de médicaments, due au manque de certains produits. "Plus d’un Français sur quatre affirme aujourd’hui avoir été en difficulté pour acheter un médicament courant", a souligné Agnès Buzyn, ministre de la Santé, dans un récent communiqué (sondage BVA 2019).
En 2017, l'Agence nationale du médicament avait reçu 530 signalements de rupture de stock pour des traitements considérés comme essentiels.
En septembre 2018, l'Ordre des pharmaciens dénombrait 431 médicaments en rupture d'approvisionnement, dont 14 vaccins.
Une situation alarmante, qui provoque la colère des professionnels et inquiète les patients en attente de leur traitement.
Pourquoi est-on en pénurie de médicaments ?
En premier lieu, l'Ordre national des pharmaciens estime qu'il y a une rupture d'approvisionnement de médicament "lorsqu'une pharmacie d'officine ou une pharmacie d'un établissement de santé est dans l'incapacité de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures".
Ce phénomène s'explique par divers facteurs (prix de vente de certains traitements jugés peu attrayants par les laboratoires ou les intermédiaires, politique de "flux tendu" visant à limiter les stocks, forte concentration des sites de production, parfois situés à grande distance, en Inde ou en Chine...)
En dépit de la législation, certains intermédiaires entre les laboratoires et les pharmacies préfèrent vendre à des pays étrangers. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en France, ils sont remboursés par la Sécurité sociale comparé à d'autres pays. Par conséquent, celle-ci tire les prix vers le bas, pour avoir à rembourser le moins possible, ce qui n’est pas du goût des industriels ni des intermédiaires qui font le lien entre le laboratoire pharmaceutique et les pharmacies.
"Industriels et grossistes répartiteurs sont les principaux responsables de cette situation : stratégies financières contestables, exportation des stocks vers des pays qui paient mieux, désengagement sur certains médicaments font partie des causes identifiées de longue date", estime l'AFP.
Ainsi, le même médicament est vendu en Italie ou en Allemagne deux à trois fois plus cher que chez nous. Ce type de pratique reste totalement illégal, car les grossistes répartiteurs sont tenus d'assurer les stocks en France : il s’agit d’une mission de service public qui leur est imposé par la loi, assure à Europe 1 Dominique Martin, directeur de l'Agence du médicament.
Pénurie : quels médicaments sont concernés ?
Les médicaments les plus difficiles à se procurer actuellement sont les corticoïdes. Début mai, l’Agence nationale de sécurité du médicament indiquait dans une note avoir été informée de "fortes tensions d’approvisionnement concernant des spécialités à base de prednisone et de prednisolone".
Autrement dit, le Cortancyl et le Solupred, ainsi que leurs génériques, prescrits dans le traitement des allergies, de l’asthme, mais aussi de certains cancers, scléroses en plaques ou rhumatismes aigus. Suite à ce constat, L’ANSM a immédiatement convoqué le 9 mai les fabricants afin qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer l’accès à ces médicaments dans les plus brefs délais.
Les anti-infectieux (dont les antibiotiques et les vaccins), les produits d’anesthésie (curares, anesthésiques locaux pour la péridurale, antalgiques…) et les médicaments liés au système nerveux ont également de grandes chances d'être indisponibles en pharmacie.
Les patients atteints de Parkinson ont encore moins de chance : deux de leurs médicaments sont difficilement trouvables en pharmacie.
Le premier, intitulé "Sinemet" est annoncé en rupture de stock dès septembre 2018, suite à la fermeture du principal fabricant de ce produit - un site américian.
Pour répondre aux besoins des patients, le laboratoire MSD décide de rapatrier en Italie la production de ce médicament produit jusqu'alors aux États-Unis. Néanmoins, la composition des comprimés a dû changer puisque les équipements de la nouvelle usine ont nécessité "une modification du procédé de fabrication", indiquent l'ANSM et le laboratoire.
Autre problème, les malades de Parkinson manquent aussi de Mantadix.
Cette interruption de traitement est tout sauf bénigne puisqu'elle peut mettre en jeu le pronostic vital du patient, en particulier pour les personnes âgées.
Par ailleurs, plusieurs anticancéreux manquent aussi à l'appel : Immucyst et Amétycine (traitements des cancers de la vessie), Aracytine et Fludarabine (leucémie), Fluorouracile (cancers colorectaux), Hexastat (cancer des ovaires)…
Des vaccins courants sont également touchés par les ruptures d'approvisionnement : DT Vax (diphtérie et tétanos), Imovax (polio), Menveo et Nimenrix (méningocoque), Ticovac (encéphalite à tiques) et vaccin BCG (tuberculose), par exemple. Antibiotiques, antiépileptiques, anesthésiants, cortisone pour enfants, traitements de l'hypotension et de l'hypertension, pommades…
Pour plus d’information, consultez en ligne la liste actualisée des produits concernés sur L'Agence du médicament.
Pénurie de médicaments : quelles solutions ?
La ministre de la Santé a dévoilé via un communiqué lundi 8 juillet, ses pistes pour lutter contre la pénurie de médicaments, dans un document présentant sa feuille de route.
Ces préconisations reposent essentiellement sur un meilleur partage de l'information et une meilleure gestion du "circuit du médicament", du fabricant jusqu'à la pharmacie.
Agnès BUZYN installera en septembre prochain un comité de pilotage de lutte contre les pénuries mobilisant l’ensemble des acteurs concernés. Les actions y seront présentées et discutées afin de définir une feuille de route partagée par tous. Elle fera l’objet d’une évaluation régulière et d’un bilan annuel publié.
Cette feuille de route est construite autour de 28 actions regroupées en 4 axes :
- Promouvoir la transparence et la qualité de l’information afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs : du professionnel de santé au patient.
- Lutter contre les pénuries de médicaments par des nouvelles actions de prévention et de gestion sur l’ensemble du circuit du médicament.
- Renforcer la coordination nationale et la coopération européenne pour mieux prévenir les pénuries de médicaments.
- Mettre en place une nouvelle gouvernance nationale en instaurant un comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments.
Agnès BUZYN mettra en place en septembre prochain un comité de pilotage de lutte contre les pénuries mobilisant l’ensemble des acteurs concernés. Les actions y seront présentées et discutées afin de définir une feuille de route partagée par tous. Elle fera l’objet d’une évaluation régulière et d’un bilan annuel publié.
En attendant que la situation se débloque, les patients sont invités à consulter leur médecin généraliste pour tenter de trouver des alternatives.
"DOSSIER DE PRESSE : Lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France", Ministères des Solidarités et de la Santé, 8 juillet 2019.
"Ruptures de stock des médicaments", ANSM.
"On vous explique la pénurie de médicaments qui s'aggrave en France", 29 octobre 2018, France info.
"Pourquoi de plus en plus de médicaments sont-ils en rupture de stock ?", 28 mai 2019, Europe 1.
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