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Et si nos gènes nous protégeaient du cancer du foie ? Le cancer du foie le plus fréquent, le carcinome hépatocellulaire (CHC), est la troisième cause de décès par cancer dans le monde. La consommation excessive d'alcool est l'une des causes du cancer du foie, mais toutes les personnes qui boivent ne développent pas des tumeurs hépatiques, la génétique est en réalité également en cause. Une équipe de chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'université de Paris et de La Sorbonne, ont confirmé dans une étude publiée le le 11 décembre dans la revue The Lancet Oncology que le cancer du foie est dû à une histoire de génétique chez certains patients ayant une consommation excessive et chronique d'alcool. Les chercheurs ont en effet identifié deux nouveaux gènes, baptisés WNT3A et WNT9A, dont certaines variations génétiques sont associées au risque de développer ce cancer du foie, un carcinome hépatocellulaire chez les patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool. Selon un communiqué de l’Inserm du 13 décembre, "ces résultats permettent de mieux comprendre les mécanismes d’interaction entre l’exposition à l’alcool au cours de la vie et la diversité génétique des individus conduisant au développement d’un cancer du foie".

Deux nouveaux gènes identifiés : WNT3A et WNT9A

En effet, comme le précisent les chercheurs, bien que le risque de développer un cancer du foie augmente parallèlement à la sévérité des lésions hépatiques induites par l’alcool, un cancer du foie ne se développera que chez une partie des grands buveurs chroniques. C’est fort de ce constat que les scientifiques ont cherché si des facteurs génétiques étaient impliqués dans l’évolution des lésions hépatiques vers le cancer du foie le plus fréquent, le carcinome hépatocellulaire. Leur étude, qui est la première étude d’association pangénomique (GWAS), a permis de comparer le génome de milliers d’individus ayant en commun un phénotype ou une maladie. Il s’agissait ici en l’espèce de patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool. Les chercheurs ont alors pu étudier et analyser les données de ces patients ayant développé un CHC et pu les comparer à celles des patients n’ayant pas développé la pathologie.

Un risque diminué de développer un cancer du foie

Menée chez plus de 4 000 patients buveurs chroniques recrutés dans plusieurs centres hospitaliers universitaires en France et en Belgique, tous spécialisés dans le dépistage et le traitement du cancer du foie, cette étude a permis aux chercheurs d’identifier deux nouveaux gènes, baptisés WNT3A et WNT9A, qui sont associés au risque de développer un carcinome hépatocellulaire (CHC) chez les patients avec une consommation excessive d’alcool. Certaines de leurs variations génétiques sont associées à un risque diminué de développer un cancer du foie chez les patients ayant une consommation excessive et chronique d’alcool. "On a utilisé cette technique qui consiste à comparer des patients qui ont la maladie, le cancer du foie, et des patients qui ne l’ont pas, les deux groupes étant exposés à la même chose, c’est-à-dire une consommation excessive d’alcool. En utilisant cette technique, qui consiste à comparer le génome, c’est-à-dire l’ADN de tous les membres de chaque groupe, on a regardé si dans le génome, il y avait des endroits qui différaient entre les cas et les contrôles", explique le professeur Éric Trépo, co-auteur de l’étude.

Les gènes WNT3A et WNT9A sont présents chez tout le monde mais peuvent présenter des variations génétiques mineures entre les individus. Ces dernières sont associées à un risque différent de développer un CHC. Ainsi, sur une population de patients consommateurs chroniques et excessifs d’alcool, l’étude en question montre que les 32% d’individus qui présentaient une variation protectrice des gènes WNT3A et WNT9A ont un risque moindre de développer un CHC lié à une consommation chronique d’alcool. À l’opposé, les 68% de patients qui ne sont pas porteurs de la variation protectrice ont un risque majoré. Les résultats de cette étude montrent que les patients consommateurs excessifs d’alcool qui développent un cancer du foie ne présentent pas les mêmes caractéristiques moléculaires au niveau des tumeurs selon qu’ils portent les variations protectrices ou délétères des gènes WNT3A et WNT9A. Les chercheurs ont également confirmé que des variations génétiques au niveau d’autres gènes (PNPLA3, TM6SF2 et HSD17B13) modulaient le risque de CHC lié à l’alcool. Ainsi, la présence simultanée de variations génétiques délétères au niveau des gènes WNT3A-WNT9A, PNPLA3, TM6SF2 et HSD17B13 augmente également le risque de cancer du foie lié à l’alcool.

L’espoir de trouver une nouvelle cible thérapeutique

"Cette recherche nous sert surtout à mieux comprendre pourquoi certains vont faire un cancer du foie ou pas. L’espoir c’est qu’on pourra peut-être un jour trouver une nouvelle cible thérapeutique", conclut le professeur Trépo. Le carcinome hépatocellulaire est un cancer du foie extrêmement meurtrier. En effet, la survie à 5 ans est estimée entre 15 et 20% seulement. Dans tous les cas, malgré ces résultats, il est important de rappeler que limiter sa consommation d’alcool reste essentiel dans la prévention efficace du développement de cancer du foie. "On n’a pas trouvé le gène du cancer, il n’y a pas de prédiction génétique. Il ne faut pas arriver demain en consultation et dire : 'J’ai la variation de ce gène, qu’est-ce qu’on en fait ?'. Non, parce qu’on ne saura rien en faire. Le message de prévention sera toujours : limiter sa consommation d’alcool. C’est très, très important", conclut le chercheur.

Sources

Consommation excessive d’alcool : des variations génétiques protectrices vis-à-vis du cancer du foie, communiqué de l’Inserm, 13 décembre 2021.

https://presse.inserm.fr/consommation-excessive-dalcool-des-variations-genetiques-protectrices-vis-a-vis-du-cancer-du-foie/44388/

Common genetic variation in alcohol-related hepatocellular carcinoma: a case-control genome-wide association study, The Lancet Oncology, 10 décembre 2021.

https://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(21)00603-3/fulltext 

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