Le confinement et la crise sanitaire ont rapproché les couples, mais pour André Corman, c’est le sexe qui a été le grand perdant. Une relation gagnante favorisée par la proximité contraignant chaque partenaire à travailler sur le respect. Dans une société où la sexualité a été hypertrophiée il semble qu’amour et désir doivent être constamment présents. Mais que faire quand il y a panne de libido ou quand l’appétit sexuel est en décalage ? Devrait-on quitter l’autre ? Éléments de réponse.
Éliminer les causes physiologiques et médicales de l’absence de désir
Il existe tout d’abord des causes physiologiques ou traumatiques à l’absence de désir qu’il est bon d’éliminer en consultant son médecin. Elles se caractérisent principalement par l’absence ou la diminution des érections chez l’homme, voire par l’aversion des rapports sexuels qui peuvent devenir pénibles pendant l’acte chez la femme.
Si l’âge est un facteur de risque, il n’explique pas tout. « Un partenaire qui fait une dépression, a des troubles psychologiques ou traverse un moment très difficile dans sa vie peut être à l’origine de cette baisse prolongée ou disparition inexpliquée de la libido », précise André Corman.
Un trouble de l’érection peut également être la conséquence d’une maladie, comme un diabète, par exemple. « D’autres phénomènes pathologiques qui touchent la santé sexuelle devraient être abordés avec un médecin afin de ne pas les transformer en difficultés de couples durables. C’est le cas du tabagisme, d’une consommation excessive d’alcool, ou de l’hygiène de vie… qui ont une influence sur l’érection ou la sexualité ».
Il faut rajouter à cela les douleurs liées à l’endométriose entraînant des rapports sexuels douloureux, qui peuvent conduire à une absence de désir. C’est sans compter les problèmes hormonaux. Le sexologue rappelle que la testostérone est l’hormone de l’appétit sexuel et « lorsque l’on n’a pas ou plus d’appétit, ce n’est pas facile de manger ! ».
Dédramatiser l’absence de désir
Face au manque de libido, André Corman met en garde. « Le désir ne doit pas être associé à un signe d’amour. La relation est complexe et la véritable difficulté est d’arriver à dissocier amour, désir et relation conjugale. Aujourd’hui, nous avons fait de l’amour un point central qui construit le couple, sauf que le désir évolue au fil du temps ».
Il est possible d’éprouver du désir et de l’attirance sexuelle pour une personne sans être amoureux. D’où l’intérêt de se poser les bonnes questions : suis-je toujours amoureux de mon partenaire ? La baisse de désir est-elle réciproque ? Associée à des difficultés de couple ? Sont-elles temporaires ?
Autre constat : notre époque a changé. « Dans les générations précédentes, les couples s’aimaient depuis 60 ans, mais cela ne veut pas dire que leur sexualité était à son comble depuis tout ce temps ». Le sexologue rappelle cet élément essentiel que le désir est fluctuant dans une vie de couple. « On peut même parler de vagues de désir ou de plaisir ». Des périodes charnières comme l’arrivée d’un enfant, la ménopause, un deuil ou un changement professionnel…sont autant de situations qui peuvent le mettre à mal.
En revanche, contrairement à l’idée reçue, la routine n’est pas forcément synonyme d’absence de désir ou de « tue l’amour », pour André Corman. « Le couple a besoin d’habitudes, qui créent une routine et un cadre de sécurité ».
Le désir se (re)construit au fil d’une vie à deux
La libido évolue entre le début d’une histoire amoureuse et la vie à deux au fil du temps, c’est un fait inébranlable. C’est pourquoi elle nécessite un travail de tous les jours… qui doit démarrer dès les origines. « La période la plus faste pour construire le désir est au tout début d’une relation. Or le paradoxe est qu’à cette époque, tout va bien. Pourtant, les partenaires auraient besoin de mieux se connaître, d’aller à la rencontre de l’autre et de sa personnalité. Ils ne le font pas, car ils n’en ont pas besoin. Or c’est une paresse qui est, selon moi, la première cause de trouble du désir ».
Le manque de disponibilité est un autre frein majeur à une sexualité épanouie, susceptible d’émousser le désir. Être happé par la vie professionnelle, les enfants ou devoir s’occuper de parents âgés et dépendants prend du temps et de l’énergie. Le projet sentimental ou le désir du tout début n’est alors plus forcément présent.
Il est important de se ménager des plages de temps pour son couple… et pour sa sexualité, surtout quand la libido est en berne. « La supériorité des amants sur le couple est qu’ils se donnent rendez-vous », rappelle André Corman pour qui la notion de disponibilité et de travail est essentielle. « C’est un fantasme de croire qu’il suffit d’aimer pour avoir un désir et un désir qui dure ».
Pour se créer de la disponibilité, le sexologue propose souvent à des couples qui viennent le voir en consultation parce qu’ils n’ont plus de désir « de revivre une expérience d’émotion partagée à deux. Ce sera, par exemple, de démarrer une activité de loisirs dans laquelle chacun est vierge ». L’exercice permet de rajeunir la flamme, de redécouvrir le fait d’être ensemble et de passer un moment à deux qui va réactiver le désir.
Gare à la rancune et à l’absence de communication
La rancune est très souvent responsable de la disparition du désir dans le couple. Créée par un comportement de l’un des deux partenaires, elle risque d’évoluer en non-dit, puis en cascade. Parasite du désir sexuel, la rancune peut évoluer en frustration susceptible de créer des petits ou grands conflits dans la gestion de la vie quotidienne : « tu n’as pas fait les courses ! », ou « C’est toujours moi qui m’occupe du travail scolaire des enfants… ! ».
La suite est bien connue, on préfère se disputer à propos de choses banales plutôt que d’évoquer le cœur du sujet : les troubles du désir, voire, l’absence de sexualité. Les non-dits ou le décalage du désir et les conflits qui génèrent de cette rancune ne doivent pas être masqués, même s’il est difficile d’aborder l’intime au cœur du couple.
« Il est presque impossible, surtout pour les hommes, de parler sexualité parce qu’ils ont peur de vexer l’autre et de le blesser », explique André Corman qui conseille alors d’aller voir un médiateur. « D’autant que, pour beaucoup, je ne te désire plus est égal à je ne t’aime plus. On risque alors de rentrer dans des schémas qui mettent le couple en danger ». L’un d’entre eux est représenté par le porno, « la première cause de trouble du désir chez l’homme ».
Le sexologue rappelle que ce qui construit l’érotisme est la relation à soi ou « ce que l’on va aller chercher quand les choses ne vont plus très bien ». Il est essentiel de rentrer dans une philosophie de désir, soit imaginer l’autre comme l’objet de son plaisir à soi.
Consulter sans trop attendre
La situation peut parfois évoluer en crise. S’il y a eu trop de rancune ou si l’un des partenaires trompe l’autre. Il y a, pour André Corman, toujours un élément déclencheur identifiable, que ce soit de consulter du porno ou un site de rencontres. « Il faut néanmoins comprendre que toutes les structures humaines fonctionnent avec des crises. C’est le cas en politique ou en économie. Les crises sont normales. Mais la véritable question est de savoir comment en sortir ».
Un couple qui se sent dépassé ou est déjà dans la rupture devrait consulter un professionnel ou médiateur, sans essayer d’éteindre lui-même l’incendie. Comme pour un trouble de santé, il ne faut pas consulter trop tard, mais bien choisir le moment pour se faire aider. « La notion d’aide au couple est fondamentale » explique André Cormant qui recommande de ne pas quitter son partenaire avant d’avoir pu se faire accompagner, bénéficier de l’expertise d’un thérapeute, psychologue de couple ou sexologue formé à ces problématiques d’absence prolongée de désir.
Selon les situations, la rupture sera peut-être une option future à envisager, voire la seule alternative, notamment quand le dégoût de son partenaire est présent. « Une situation grave qui montre que le couple est dépassé et que la relation est déjà finie ». Mais un travail préalable aura été mis en place et un dialogue, pu être instauré.
"Le plus grand ennemi est de croire qu’il suffit juste de s’aimer"
Comme pour une vie professionnelle, le couple devrait également être dans une dynamique. Même s’il n’existe pas de solution miracle ou toute faite pour réenclencher le désir au sein d’un couple, un processus qui prend du temps, créer du lien et cultiver son érotisme sont autant d’atouts.
« Le plus grand ennemi est de croire qu’il suffit juste de s’aimer » précise André Corman. « Trouver une personne d’un soir n’a rien de compliqué, mais fonder une relation, la construire et faire, qu’en plus, il y ait du désir, est un travail de chaque instant ». Traiter la libido du couple est désormais inscrit dans la feuille de route de la santé sexuelle. Un sujet auquel on commence à s’intéresser, officiellement.
Merci au Dr André Corman, médecin sexologue, Directeur du diplôme de sexologie à l’Université de Toulouse.
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