Être accro à son travail, c’est possible. Cela a même un nom : le workaholisme, néologisme inventé par le psychologue américain Wayne Oates en 1968. Cette dépendance comportementale est définie comme “un investissement excessif d’un sujet dans son travail et une négligence de sa vie extraprofessionnelle” par l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail).
Autrement dit, on ne vit plus que pour sa carrière, au détriment de ses relations sociales et familiales, et même de sa santé physique et mentale. Il en résulte un certain nombre de symptômes, que nous vous listons en images, avec l’aide de la psychologue Johanna Rozenblum.
Les risques de la dépendance au travail
Comme il n’existe pas de définition universelle de l’addiction au travail, il est difficile d’en établir la prévalence exacte. Au regard des différentes études menées à ce sujet, on peut estimer que 8 à 12 % des actifs sont concernés, et plus particulièrement les cadres et les professions intellectuelles supérieures.
Or, “cette relation malsaine au travail fait de gros dégâts chez le patient, mais aussi chez son entourage”, avertit Johanna Rozenblum. Et pour cause, le workaholisme entraîne une perte d’intérêt pour tout ce qui ne touche pas à la sphère professionnelle. Les salariés qui en souffrent ne s’investissent plus dans leur vie familiale. “Outre les éventuels problèmes conjugaux, cela peut avoir des conséquences sur les enfants, avec l’apparition d’une anxiété et d’une dépression”, écrit le Dr Philippe Hache, conseiller médical en santé au travail au sein de l’INRS, dans la revue Hygiène et sécurité du travail (n°246, mars 2017).
Une étude menée sur plus de 16 000 travailleurs norvégiens a montré que les workaholiques sont aussi plus susceptibles de souffrir de troubles psychiatriques comme l’hyperactivité, l’anxiété, la dépression ou les troubles obsessionnels compulsifs. “Pour tenir le rythme et ne pas craquer, il n'est pas rare de voir des recours à la consommation de drogue”, ajoute la psychologue Johanna Rozenblum. Le stress induit par cette dépendance favorise également la survenue de maladies cardiovasculaires, la dépression et le burn-out.
Pourcentage d'affections psychiatriques chez les dépendants au travail versus le reste des actifs
Comment surmonter la dépendance au travail ?
Une intervention médicale est nécessaire pour diagnostiquer la dépendance au travail et son intensité, par exemple, à l’aide du questionnaire WART. Ensuite, la prise en charge est généralement multidisciplinaire. Elle repose sur le suivi par un psychiatre, un psychologue ou un addictologue, en lien avec le médecin du travail, pour permettre le maintien de l’emploi - parfois avec un aménagement des horaires.
“La psychothérapie est au centre du soin, car il faut travailler la conscientisation de cette abnégation au travail, mais aussi l'histoire de la dépendance”, explique Johanna Rozenblum. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont très bien indiquées dans la prise en charge du workaholisme. Elles vont permettre au salarié d’apprendre à se fixer des limites, à respecter les jours de repos et à appliquer leur droit à la déconnexion.
La psychologue précise que cette addiction “est souvent liée à d'autres problèmes relationnels ou à un souci de reconnaissance”. Tout ceci pourra être discuté au regard de l'histoire du patient. “Dans les cas les plus avancés et, notamment, en cas de grande souffrance mentale, un traitement médicamenteux peut aider”.
Dévouement total au travail
“Le premier signe de cette dépendance est le dévouement au travail, au point que le comportement constitue une mise en danger de la santé autant physique que psychique”, explique Johanna Rozenblum. Le salarié travaille de façon excessive et compulsive.
Négligence de la vie privée
La vie privée du workaholique est fortement impactée, explique l’experte.
Pression ressentie
“Les workaholiques se différencient [des autres travailleurs] par l’implication au travail liée à la contrainte qu’ils ressentent sous forme de pression, et donc une nécessité de rester toujours connectés à leur activité professionnelle”, écrit le Dr Alain Acker dans l’ouvrage “Risques psychosociaux et qualité de vie au travail” (éditions Dunod).
Sentiment de culpabilité
“La personne dépendante ressent à la fois une énorme pression au travail et une forte culpabilité lorsqu'elle ne travaille pas, ce qui la rend difficile à vivre”, détaille la psychologue Johanna Rozenblum.
Faible performance
Les accros au travail “sont compulsifs, peu performants et toujours impatients par rapport aux rituels de l’entreprise”, écrit Alain Acker. Son perfectionnisme excessif peut conduire le travailleur à penser que son projet en cours n’est pas terminé, malgré les nombreuses heures qu’il y a passées.
Conflits avec les collègues et la hiérarchie
Pour les raisons évoquées précédemment, ces actifs sont “souvent en conflit dans le cadre de leur travail et de leurs missions”. Ils peuvent être décrits comme “psychorigides”, avec des difficultés à déléguer leurs tâches.
Épuisement physique et psychologique
L’addiction au travail entraîne un épuisement physique et psychologique, qui induit lui-même une série de manifestations somatiques, évoquées ci-après.
Maux de tête
Les maux de tête constituent une des manifestations somatiques de l’épuisement lié au workaholisme.
Maux de dos
Les douleurs musculaires, et notamment le mal de dos, sont une autre manifestation possible de l’épuisement lié au workaholisme.
Troubles gastro-intestinaux
L’épuisement physique du workaholique peut se traduire par des troubles gastro-intestinaux, notamment des maux de ventre ou des aigreurs d’estomac.
Sautes d’humeur
Le dépendant au travail peut être sujet à des troubles de l’humeur.
Troubles du sommeil
L’addiction au travail induit également des troubles du sommeil, largement favorisés par l’épuisement psychique et le stress.
Anxiété
Sur le plan psychologique, les accros au travail sont susceptibles de souffrir de stress et d’anxiété.
Merci à Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris.
Workaholisme : les dangers de l'addiction au travail, Philippe Hache (INRS), Hygiène et sécurité du travail n°246, mars 2017.
Risques psychosociaux et qualité de vie au travail (pages 49 à 53), éditions Dunod, 2018.
Le workaholisme est lié à une multitude de troubles psychiatriques, Les Echos, 4 juin 2016.
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