Entre les réflexions culpabilisantes ou les regards durs, la discrimination permanente envers les personnes obèses ou en surpoids peut affecter leur santé mentale ou physique. Celle-ci porte même un nom : la grossophobie. Le terme englobe les préjugés et les attitudes hostiles à l’égard des gros, ainsi que les nombreuses iniquités qu’ils subissent, entre autres à l’école, au travail et dans le cabinet du médecin. Car, en effet, les souffrances que vivent ces personnes vont bien au-delà des complexes.
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Maurane : les kilos, "une souffrance"La discrimination selon l’apparence physique porte sur les caractéristiques visibles d’un individu modifiable ou non, qu’il s’agisse de son physique, de ses vêtements, de ses tatouages, de ses piercings ou de son maquillage. Celle-ci est basée sur des croyances erronées telles que :
- les gens qui prennent du poids n’ont pas assez d’auto-discipline ;
- ils ne travaillent pas assez ou sont paresseux ;
- ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils sont obèses ou en surpoids.
Dans l’Hexagone, près d’un Français sur deux est obèse ou en surpoids. Loin d’être anecdotique, la discrimination fondée sur le poids est aussi présente que le racisme et le sexisme dans la société, comme le démontrent les travaux de la psychologue américaine Rebecca Pulh, directrice du centre de recherche et de politiques publiques Rudd Center for Food Policy and Obesity à l’Université du Connecticut.
Sauf que celle des gros est “acceptée socialement”, affirme à L'actualité le sociologue Jean-Pierre Poulain, spécialiste de l’alimentation et de la corpulence à l’Université Toulouse-Jean-Jaurès, et auteur du livre Sociologie de l’obésité. “Ceux qui l’exercent le font sans culpabilité, car les obèses sont soi-disant responsables de leur état et méritent d’être condamnés. À leurs yeux, ce ne sont pas des gens normaux.”
Alors, de fil en aiguille, ces stigmatisations permanentes créent des complexes, pouvant avoir des conséquences graves sur la santé.
Éviter d’aller chez le médecin même en cas de besoin de soins
“Il y a une personne mince à l'intérieur de vous qui ne demande qu'à vivre”. Les paroles de la psychologue de Pelphine, une adolescente qui témoigne pour Marie Claire, résonnent encore. La jeune femme raconte que plus tard, son dentiste lui conseillera de faire une chirurgie bariatrique. Ces paroles culpabilisantes correspondent à de la grossophobie médicale. Il s’agit d’une attitude de stigmatisation et de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids de la part des médecins et autres soignants.
Une étude anglaise publiée en septembre 2021 rapporte que les personnes en surpoids ont estimé que la stigmatisation liée au poids avait affecté la rapidité et l'efficacité de leur traitement.
Des soins de mauvaise qualité
D’autre part, ces recherches montrent que le soutien émotionnel que les personnes obèses recevaient dans le système de santé les freinait. En effet, les médecins parlent avec moins d’empathie et passent moins de temps à renseigner sur les problèmes de santé de ces patients.
“Des travaux ont montré qu’ils recommandent systématiquement à leurs patient(e)s obèses de perdre du poids, alors qu’ils prescrivent des examens d’imagerie, des tests sanguins ou de la kinésithérapie aux patient(e)s de poids normal”, signale Joan C. Chrisler, chercheuse du Connecticut College, lors d'un Congrès de l'Association américaine de psychologie (APA) à Washington.
“Vous avez le choix entre mourir d'un infarctus ou faire un AVC”, lance la nutritionniste de Pascale, une enseignante corse qui témoigne sur Marie Claire. En outre, les résultats d’un examen de recherche réalisé auprès de 21 études différentes pendant 17 ans confirment ses dires. En effet, les personnes obèses ont déclaré avoir été traitées avec mépris et manque de respect dans les établissements de santé. Joan C. Chrisler décrit une “attitude désapprobatrice” des médecins face à leurs patient(e)s en surpoids ou obèses.
Du stress nocif sur le long terme
Des chercheurs ont montré que les victimes de ces stigmatisations ont deux fois plus de chance de développer une charge allostatique élevée. Il s’agit d’un terme médical désignant l’accumulation des effets négatifs du stress chronique. Pourtant, on sait aujourd’hui que les conséquences sur la santé peuvent être lourdes, puisque le stress favorise le diabète, la cardiopathie, le cancer du sein, ou encore les troubles de l’humeur.
Il peut également arriver que ces remarques entraînent ces personnes à développer des troubles de l’alimentation tels que des crises de boulimie. D’ailleurs, sur le long terme, la stigmatisation liée au poids peut avoir des conséquences sur les pratiques alimentaires et du contrôle du poids, notamment chez les adolescents.
Par exemple, une étude a révélé que les jeunes étiquetées “trop grosses” présentaient une augmentation des comportements boulimiques et malsains de contrôle du poids (par exemple, l'utilisationde pilules amaigrissantes).
Perte de confiance en soi
À force d’être constamment pointé du doigt, les personnes obèses ou en surpoids voient des idées négatives à propos du poids s’installer. Des études montrent que 40 % d’entre elles ont intériorisé les préjugés liés au poids et se dévalorisent. Conséquence : la santé mentale est au plus bas, ce qui peut développer de la dépression, de l’anxiété, une baisse de l’estime de soi et une image corporelle négative chez ces personnes.
Derrière ces commentaires, toujours la même idée reçue : les gros sont gros parce qu’ils sont lâches, fainéants, gloutons, dépourvus de maîtrise de soi et incompétents. À force de remarque rabaissante, le regard des autres devient lourd, donc difficile de se rendre dans une salle de sport ou dans des activités sportives à faire en groupe.
Une étude de 2017 portant sur près de 5 500 participants a d’ailleurs révélé que les personnes qui avaient subi une discrimination sur leur poids, étaient moins susceptibles de pratiquer une activité physique intense une fois par semaine, quel que soit leur IMC réel.
https://www.healthline.com/health/obesity/weight-discrimination
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34585130/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/labs/pmc/articles/PMC6650789/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/labs/pmc/articles/PMC5253095/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/labs/pmc/articles/PMC6103811/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/labs/pmc/articles/PMC5353291/
https://www.marieclaire.fr/grossophobie-medicale,1372811.asp
https://lactualite.com/societe/il-faut-changer-notre-regard-sur-les-gros/
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