C’est en 2006 que le couperet tombe : Pierre est atteint de thyroïdite de Hashimoto, une inflammation chronique due à une réaction auto-immune par laquelle des anticorps de l’organisme attaquent les cellules de la thyroïde. Cette maladie n’est pas rare (son incidence est de 100 pour 100 000 par an), mais elle touche bien plus souvent les femmes (entre 8 et 20 femmes pour 1 homme). “J’ai appris la nouvelle lors d’un bilan avant une opération chirurgicale. Je pensais simplement être déprimé, mais finalement, c’était la thyroïde”, se rappelle Pierre. À l’époque, il a 23 ans.
“J’ai parfois une fatigue intense assez gênante dans ma vie familiale”
Aujourd’hui, Pierre est père de famille. S’il arrive à vivre plus ou moins normalement, la maladie affecte considérablement son quotidien. “J’ai parfois une fatigue intense assez gênante dans ma vie familiale. J’ai une tendance à la mélancolie et à être angoissé, souvent sans raison particulière. Ce n’est pas toujours facile pour mes proches, qui ne comprennent pas mes changements d’humeur. J’ai tendance à rester silencieux car je n’ai pas toujours la force de me lancer dans une conversation”, constate-t-il. Le quadragénaire a toujours très peu parlé de sa maladie, même aux personnes de son entourage proche. Quant à ses enfants, ils ne sont pas au courant : Pierre ne voudrait surtout pas les inquiéter.
Sur le plan physique, la maladie l’empêche parfois de faire certaines activités, ce qui lui pèse beaucoup. “J’ai une pratique sportive régulière grâce au judo, mais il y a des périodes de plusieurs semaines où je sens que je suis en dessous de mes capacités physiques, avec un sentiment de ne rien pouvoir y faire. C’est frustrant.” Professionnellement aussi, la thyroïdite de Hashimoto est un obstacle à surmonter : “Je suis enseignant et la fatigue est parfois difficile à gérer. Lorsque je prépare mes cours, il m’arrive de prendre beaucoup de temps car je n’arrive pas à rester concentré. J’ai parfois l’impression de ne pas être efficace lors de mes préparations.”
“Il peut m'être difficile de faire le tri entre les symptômes et d’autres manifestations plus banales”
Au quotidien, les symptômes de la thyroïdite de Hashimoto, chez Pierre, incluent :
- un ralentissement du métabolisme (“je prends rapidement du poids si je ne fais pas attention”, simplifie-t-il)
- des troubles digestifs réguliers
- une fatigue générale, avec l’impression d’un sommeil de mauvaise qualité
- des maux de tête fréquents
- de l’eczéma fréquent
- des difficultés à rester concentré longtemps sur une tâche intellectuelle
- des angoisses injustifiées
- des douleurs récurrentes dans certaines articulations
“La thyroïde régule beaucoup de choses dans l’organisme, cela engendre donc pas mal de désagréments. Mais il m’est parfois difficile de faire le tri entre les symptômes liés à cette maladie et d’autres manifestations physiques plus banales”, explique le père de famille. “Cela m’attriste car je me sens diminué physiquement alors que je suis jeune.”
Chez environ 50% des personnes atteintes de la thyroïdite de Hashimoto, la thyroïde est initialement hypoactive, indique le manuel médical MSD. Pour les autres patients, la thyroïde est “normale” à première vue mais finit le plus souvent par devenir hypoactive. Pierre, comme beaucoup d'autres patients, souffre d'hypothyroïdie. Comme le note l'Assurance maladie : "L'hypothyroïdie est responsable de dérèglements physiologiques et psychologiques. Les principaux symptômes traduisent un ralentissement métabolique général. Ils sont multiples, peu marqués en début d'hypothyroïdie puis s'accentuant en cours d'évolution de la maladie."
Thyroïdite de Hashimoto : des hormones thyroïdiennes de synthèse à vie
Aujourd’hui, Pierre a un traitement à vie qui consiste à prendre des hormones thyroïdiennes de synthèse. Depuis 2018 par ailleurs, son médecin lui prescrit la formule allemande du Levothyrox et il doit faire des bilans sanguins réguliers pour ajuster son dosage.
Un quotidien rythmé par les visites médicales dont le professeur des écoles ne parle presque jamais, hormis avec sa femme et sa soeur, elle aussi atteinte de thyroïdite de Hashimoto. “Nous n’en discutons pas souvent, mais elle ressent la même chose que moi”, estime Pierre. À l’heure actuelle, il est difficile de prévoir avec précision l’évolution de la maladie. Le quadragénaire a tout de même la chance de pouvoir compter sur une famille aimante et sur un métier qui l’anime. Il relativise, avec tout l’humour qui le caractérise : “En soi, c’est juste relou au quotidien.”
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