Afin de ralentir la propagation du coronavirus, le gouvernement a choisi de confiner la population française pendant près de 2 mois. Si la méthode a permis d’éviter l'asphyxie des services médicaux, elle ne pourra être remise en place en cas de seconde vague, selon le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique.
“On ne pourra pas refaire un confinement généralisé
Interviewé par le journal Le Parisien le 4 juin dernier, la tête du groupe d'experts chargés de guider les pouvoirs publics dans la gestion de l’épidémie reconnaît qu’il faut envisager d’autres pistes que le confinement si le COVID-19 attaque à nouveau vivement les Français.
"Quoi qu'il arrive, on ne pourra pas refaire un confinement généralisé en France. La première fois, il était indispensable, on n'avait pas le choix, mais le prix à payer est trop lourd", a expliqué le professeur Jean-François Delfraissy. "La population ne l'accepterait sûrement pas, les conséquences économiques seraient majeures et, même d'un point de vue sanitaire, cela n'est pas souhaitable". L’expert rappelle : "il y a eu tous les autres malades qui ont eu des retards de diagnostic durant cette période".
En effet, que cela soit par peur de la contamination ou en raison des difficultés de déplacement, de nombreux malades ont déserté les salles d’attente des médecins pendant le confinement. Cette baisse de fréquentation a fortement inquiété les médecins. Plusieurs d'entre eux avaient pris la parole dans les médias pour exhorter les patients à consulter en cas de soucis de santé.
Un retard problématique a ainsi été pris dans le dépistage des maladies. Le professeur Jean-Yves Blay, directeur du centre d'oncologie Léon Bérard à Lyon a expliqué au Parisien "Nous craignons 5 000 à 10 000 morts supplémentaires du cancer", en raison de ces dépistages tardifs.
"L’épidémie est contrôlée", mais...
Sur les ondes de France Inter, le Pr Jean-François Delfraissy a reconnu que la pandémie montrait des signes de ralentissement dans l’Hexagone. "On peut dire que raisonnablement l’épidémie est contrôlée. Le virus continue à circuler, en particulier dans certaines régions […], mais il circule à une petite vitesse. Là où on avait à peu près plusieurs dizaines de milliers de cas, autour de 80 000 nouveaux cas par jour début mars avant le confinement, on estime qu’on est maintenant autour de 1 000 cas à peu près", a-t-il expliqué.
Il a ensuite poursuivi : "ça montre bien qu’il y a une réduction importante. Et puis surtout, on a tous les outils pour dépister ces nouveaux cas. On a les tests, on a tout un système ensuite d’isolement et de contact des contacts, qui permet d’éviter évidemment l’extension".
Toutefois, la menace reste importante. Le président et les membres du conseil scientifiques recommandent ainsi au gouvernement de se préparer à "4 scénarios probables" en "prenant en compte la situation actuelle et les connaissances acquises depuis le début de l’épidémie".
Ces scénarios - présentés dans notre diaporama - n'apparaîtront pas nécessairement successivement. "Des scénarios critiques pouvant survenir d’emblée, demandant alors une réaction rapide reposant sur l’activation de mesures établies à l’avance", préviennent les experts.
Premier scénario : “le plus favorable”
Le premier scénario est "le plus favorable" selon le conseil scientifique. "C’est celui d’une épidémie sous contrôle au vu des indicateurs disponibles, associée à l’occurrence de clusters localisés pouvant être maitrisés".
Toutefois, même dans ces conditions propices, le maintien des mesures de lutte contre l’épidémie sur l’ensemble du territoire sera nécessaire. Les experts recommandent de continuer à respecter les gestes barrières, les mesures de contrôle de la population ainsi que la stratégie tester-tracer-isoler avec les malades du Covid-19.
Dans son rapport, le conseil précise "on peut considérer que ce scénario 1 pourrait être le scénario probable de la situation sanitaire à venir dans les prochaines semaines et mois. Il peut être favorisé par la réduction habituellement observée en été (zone Europe) de la circulation des virus respiratoires".
Second scénario : un ou des clusters critiques localement
Le second scénario repose sur une circulation active, mais localisée du virus. Le Conseil reconnaît que cette situation serait "plus défavorable". "Le deuxième scenario verrait apparaître des clusters critiques, laissant craindre une perte de contrôle des chaînes de contamination, et donc du contrôle de l’épidémie elle-même. Ce scénario exigerait des mesures strictes, précoces et localisées, afin d’éviter une perte de contrôle plus large de l’épidémie", écrit-il dans son rapport.
Pour enrayer cette évolution inquiétante, un confinement "localisé" devra être envisagé "suffisamment tôt", selon les spécialistes. Il “devra consister principalement à limiter la circulation des individus résidant dans le territoire identifié, de renforcer de façon importante les mesures barrières dans ce territoire tout en maintenant une activité à l’exclusion de celle des lieux de convivialité", préconisent entre autres les experts.
Troisième scénario : une reprise diffuse et silencieuse de l’épidémie
Le conseil scientifique prévient "le troisième scénario, ferait basculer une situation contrôlée vers une reprise progressive et à bas bruit de l’épidémie, plus difficile à identifier. Des indicateurs se dégraderaient alors sans que les chaînes de contamination puissent être identifiées, ni a fortiori contrôlées".
Ces conditions exigeraient "des mesures strictes ainsi que l’activation rapide de plusieurs mesures du P2R-COVID (plan de prévention et de protection rapprochées ndlr). Les mesures à prendre pourraient encore être envisagées à une échelle régionale si les indicateurs le permettent ou au niveau national".
Les professionnels de la santé recommandent également de porter alors une attention particulière aux personnes en grande précarité et à la région Île-de-France.
Ils préviennent “devant l’échec du contrôle de l’épidémie par l’activation des mesures du P2R-COVID-19, la question du confinement généralisé et des conditions dans lesquelles il devra être réactivé se posera”.
Quatrième scénario : le stade critique
Le quatrième scénario serait observé si les mesures prises lors de la reprise de l’épidémie (stade 3) se sont révélées insuffisantes.
"La dégradation critique des indicateurs traduirait une perte du contrôle de l’épidémie, et exigerait des décisions difficiles, conduisant à choisir entre un confinement national généralisé, permettant de minimiser la mortalité directe, et d’autres objectifs collectifs, économiques et sociaux, s’accompagnant alors d’une importante mortalité directe", est-il écrit dans le rapport.
Il y est aussi précisé "Cette décision grave devra être prise en considérant l’impact sanitaire de l’épidémie de COVID-19, mais également l’impact d’un deuxième confinement sur la société française (tant sur le plan sanitaire pour les pathologies non COVID-19 que sur les plans économiques et sociaux)".
C’est pourquoi, les experts insistent : “ce scénario 4 doit absolument être évité, mais il ne peut être éliminé d’où l’importance d’anticiper”.
Avis n°7 du conseil scientifique COVID-19, 4 scénarios pour la période post-confinement, 2 juin 2020
Quoi qu’il arrive, on ne pourra pas refaire un confinement généralisé en France, Le Parisien, 4 juin 2020
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