Existe-t-il vraiment une personnalité addictive ?Adobe Stock

Définir les traits de caractère qui permettent de prédire les risques d’avoir des problèmes d’alcool ou de drogue. De nombreux scientifiques ont tenté d’y parvenir… en vain. Personne n’est parvenu à identifier un type de personnalité précis qui permette de prédire avec fiabilité les risques de dépendance.

Pourtant, la notion de personnalité addictive est souvent reprise au grand dam de Nicole Lee Professeur au National Drug Research Institute (Melbourne), Paula Ross de l’Australian Catholic University et Steven Bothwell de l’université de Newcastle. Les 3 chercheurs expliquent dans la revue scientifique The Conversation pourquoi parler de personnalité addictive est problématique.

Pourquoi la notion de personnalité addictive est-elle problématique ?

Drogue, alcool, jeux, tabac, sexe, shopping… les dépendances sont nombreuses… comme les facteurs qui les déclenchent. Ils sont par ailleurs complexes et difficiles à prévoir. “La "personnalité addictive" n'est, par essence, qu'un stéréotype” expliquent les scientifiques dans leur article paru dans The Conversation le 25 juillet 2022.

Généralement, la notion de "personnalité addictive" est associée à des traits de caractère négatifs : faible, égoïste, impulsif, manque de volonté…

"C'est un stéréotype qui accroît la stigmatisation des problèmes d'alcool et d'autres drogues et renforce l'idée que le changement est difficile ou impossible. Et la stigmatisation empêche les gens de demander de l'aide lorsqu'ils en ont besoin", déplorent-ils.

De plus, ce type de présentation peut amener à croire que nous ne sommes pas concernés ou que nous ne rencontrerons jamais ce type de problèmes. Or, personne n’est vraiment protégé contre l’addiction. Et face au stéréotype, les dépendants peuvent aussi “avoir un sentiment d'impuissance face à la gestion de leur consommation” et la sensation qu’ils ne peuvent rien faire pour s’en sortir.

Si les 3 chercheurs renient la théorie de la personnalité addictive, ils reconnaissent que certains traits sont plus susceptibles d'être trouvés chez les personnes qui sont accros à l’alcool ou aux drogues.

"Il existe deux principaux groupes de personnalité qui semblent augmenter le risque de problèmes : la prise de risque ou l'impulsivité, et les tempéraments tristes ou anxieux. Ou une combinaison des deux. Les preneurs de risques et les personnes très performantes sont plus susceptibles de développer des problèmes d'alcool ou de drogue", expliquent les scientifiques dans The Conversation.

"Le fil conducteur de ces traits apparemment sans rapport est la difficulté à réguler les émotions", ajoutent-ils.

"Cela explique en partie pourquoi les personnes qui ont subi un traumatisme ont un risque plus élevé de développer des problèmes d'alcool ou d'autres drogues, et pourquoi les taux de dépendance sont plus élevés chez les personnes atteintes de TDAH (trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, NDLR)", concluent-ils.

Le cerveau, clé des addictions ?

Pour les chercheurs, le cerveau est au cœur du développement d'une addiction.

"Chaque fois que nous faisons quelque chose d'agréable, nous recevons une petite bouffée de dopamine dans le cerveau. La dopamine nous fait du bien et dit à notre cerveau "tu devrais réessayer ça un jour". L'alcool et les autres drogues libèrent beaucoup de dopamine. Certains médicaments libèrent plus que d'autres.", expliquent les 3 experts.

Le cerveau fait alors le lien entre l’action de prendre de la drogue et la sensation de se sentir bien. "Plus vous en utilisez, plus ces associations sont susceptibles de se former. Le cerveau de certaines personnes libère naturellement plus de dopamine que d'autres, de sorte que les relations se forment plus rapidement et plus fortes", poursuivent-ils.

Pour les chercheurs, la dépendance repose ainsi surtout sur le cerveau et les associations qu’il a faites entre les effets d'une drogue, l'environnement dans lequel elle est utilisée et les réponses et les émotions qui en découlent. "C'est une excellente nouvelle, car ce qui est appris peut être désappris" concluent-ils. En effet, ainsi les personnes dépendantes peuvent venir à bout de leurs addictions.

Sources

https://theconversation.com/is-there-really-such-a-thing-as-an-addictive-personality-184137

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