Grippe espagnole : l’ancêtre de la grippe saisonnière ? Adobe Stock

Elle a été la pandémie respiratoire la plus dévastatrice du XXe siècle. La grippe dite “espagnole”, qui s’est propagée dans toute l’Europe entre 1918 et 1921, a tué entre 50 et 100 millions de personnes sur une planète qui ne comptait alors que 2 milliards d’habitants. À titre de comparaison, l’épidémie du coronavirus aurait fait environ 15 millions de morts.

Ce n'est qu'en 1930 que son origine virale a été confirmée. Puis, par la suite, des recherches ont identifié que le coupable n’était autre qu’un virus de grippe A de sous-type H1N1. Pourtant, un siècle plus tard, les scientifiques tentent toujours de comprendre les ressorts de ce drame. C’est ainsi que des chercheurs ont découvert que l’un des virus saisonniers de la grippe pourrait être une descendante directe de la grippe espagnole.

Grippe espagnole : des fragments d’ARN décelés dans des échantillons

Dans une étude publiée ce mardi 10 mai dans la revue Nature, des chercheurs de l’Institut Robert-Koch à Berlin (Allemagne) et de l’Institut Rega à Louvain (Belgique) racontent avoir eu accès à 13 échantillons de poumons datant de 1901 à 1931.

Ces petits exemplaires leur ont été fournis par des musées de Berlin et de Vienne abritant des collections de “pathologies”. Autrement dit, il s’agit d’organes de malades conservés dans du formol et destinés à l’enseignement. Parmi eux, six étaient de 1918-1919, et des fragments d’ARN du virus de la grippe espagnole ont été décelés dans trois de ces échantillons.

Pour la première fois, les chercheurs ont réussi à séquencer de grandes parties du virus ayant infecté deux personnes, mais aussi un génome entier dans le troisième cas. Auparavant, “il y avait seulement des séquences de 18 spécimens dans le monde, deux génomes complets, aux États-Unis”, et “aucune information génétique sur les premières phases de la pandémie”, a souligné Sébastien Calvignac-Spencer, spécialiste d’évolution virale à l’institut Robert Kochlors, d'un point presse.

En effet, alors que la grippe espagnole a connu trois grandes vagues, la deuxième et la troisième ont été plus meurtrières que la première qui s’était développée au printemps 1918.

Grippe : un virus qui mute dans le temps pour survivre

Puis, l’étude révèle que la comparaison des génomes avant et pendant le pic pandémique de la grippe espagnole connaît une variation sur deux éléments de la nucléoprotéine. Cette dernière est un gène qui résiste à la réponse antivirale de la personne malade. Autrement dit, le virus met à mal notre système immunitaire. Par conséquent, ces découvertes montrent que le virus a muté pour survivre et perdurer dans le temps.

“Ces nouvelles analyses sont compatibles avec le scénario d'une origine pandémique pure des virus grippaux saisonniers”, une filiation directe, selon l'étude. En revanche, elles contredisent d'autres hypothèses qui affirmaient que l’émergence de la grippe saisonnière venait de plusieurs fragments issus d’ancêtres hétéroclites.

Néanmoins, difficile d’expliquer comment le virus de la grippe espagnole de 1918-1919 est progressivement devenu saisonnier. “Nous manquons toujours de données, notamment sur l'évolution de ce virus dans les années 20”, explique le virologue Thorsten Wolff. L’hypothèse la plus probable serait que l’immunité collective ait évolué ou que le virus soit devenu moins virulent, voire mortel, pour mieux se propager.

Coronavirus : peut-on prévoir l’avenir de la pandémie ?

Le lien établi entre la grippe espagnole et le virus qui sévit tous les hivers amène à réfléchir sur l’évolution de la pandémie de la Covid-19 qui a débuté il y a maintenant deux ans. Lorsqu’on compare les deux pandémies, on se rend compte qu’il existe peu de similitudes. Ce sont “des virus différents, des conditions de propagation très différentes, des humains organisés et connectés différemment”, mais “certaines similarités peuvent exister”, selon Sébastien Calvignac-Spencer.

“Par exemple, la grippe de 1918 a connu plusieurs vagues comme la Covid-19, mais contrairement à la pandémie du coronavirus, où les vagues sont associées à de nouveaux variants, ce n'était probablement pas le cas pour la pandémie de 1918 selon notre étude”, complète-t-il. Par ailleurs, l’étude a été effectuée sur un “très petit échantillon de taille”, ce qui signifie que les résultats restent encore “préliminaires”.

Sources

https://www.nature.com/articles/s41467-022-29614-9

https://www.huffingtonpost.fr/entry/la-grippe-saisonniere-pourrait-etre-une-descendante-de-la-pandemie-de-1918_fr_627b8a50e4b046ad0d83e046

https://www.sudouest.fr/sante/la-grippe-saisonniere-possible-descendante-directe-de-la-grippe-espagnole-ce-que-l-on-sait-10889592.php

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