Prostate : dans quels cas faut-il l’enlever ?Istock
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En cas de cancer de la prostate localisé, non métastatique

L’ablation de la prostate, aussi appelée prostatectomie totale ou radicale, est une opération chirurgicale réalisée dans le cadre du traitement du cancer de la prostate.

"Il s’agit d’un des traitements qui assurent la guérison de la maladie, explique le professeur Pierre Mongiat-Artus, chirurgien urologue. L’intervention consiste à enlever toute la glande et les vésicules séminales, deux autres petites glandes qui se trouvent à la base de la prostate. Assez régulièrement, on enlève également les ganglions qu’il y a autour de l’organe."

Bien qu’environ 50 000 nouveaux cas de cancer de la prostate soient diagnostiqués chaque année en France, tous ne peuvent pas subir une chirurgie, d’abord car tous ne tirent pas profit d’un traitement immédiat : lorsque la tumeur est localisée et à faible risque d’évolution, une simple surveillance peut suffire. En revanche, la chirurgie est envisagée "si la maladie présente un danger pour le patient", notamment dans le cas des tumeurs localisées à risque intermédiaire. En effet, pour qu’il puisse en bénéficier, il faut s’assurer de l’absence "de signes de maladie en dehors de la prostate ou de son immédiate proximité", c’est-à-dire de métastases.

Dans tous les cas, le choix du recours à la chirurgie est discuté lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) entre les médecins, mais également avec le patient.

Le choix du recours à l’ablation de la prostate dépend plus de l’état du patient que de son âge

D’après l’Association française d’urologie (AFU), l’ablation de la prostate doit être proposée aux patients "dont l’espérance de vie est de plus de 10 ans et classiquement âgés de moins de 75 ans". La plupart des cas de cancer de la prostate survenant entre 50 et 74 ans, ce choix thérapeutique va se faire en prenant davantage en compte l’état du patient, selon le Pr Mongiat-Artus : "Il y a l’âge chronologique et l’âge fonctionnel, c’est-à-dire celui de nos artères. Il y a des patients qui pour le même âge chronologique sont en pleine forme et d’autres qui sont déjà en fauteuil roulant. L’âge chronologique n’a donc pas vraiment de sens quand on prend la décision de proposer ou pas cette intervention."

Toutefois, s’il explique qu’il n’y a "pas d’âge limite" pour subir une prostatectomie, "il est évident qu’il ne parait pas très raisonnable de proposer cette intervention à un homme de 80 ans, bien qu’il soit très en forme, concède le chirurgien. Tout simplement parce qu’on ne peut que s’attendre à des complications plus élevées qu’avec d’autres types de traitement. Mais en dehors de cas extrêmes, il convient d’envisager toutes les options et de les discuter avec le patient."

Et qu’il s’agisse d’une chirurgie ou d’une radiothérapie, le constat est le même : "plus le patient est jeune, moins il aura de complications et mieux il va récupérer de ces complications. C’est un peu paradoxe, car quand on est jeune on a moins envie de risquer d’avoir une complication, mais en même temps on est plus en mesure d’y faire face."

Il n’existe pas de traitement prophylactique du cancer de la prostate

Il n’existe pas de traitement prophylactique du cancer de la prostate© Istock

Concernant l’intérêt de la prostatectomie, le Pr Mongiat-Artus est clair : "Dans le cas du cancer de la prostate, la chirurgie est extrêmement intéressante car elle a montré qu’elle pouvait améliorer la survie des patients."

Elle correspond donc à un traitement curatif, et ne peut être envisagée comme traitement préventif (aussi appelé traitement prophylactique) comme la mastectomie dans le cas du cancer du sein par exemple. Ce pour une simple et bonne raison : "On n’a jamais montré qu’un traitement quelconque permettait de prévenir le cancer de la prostate. C’est sûr que si l’on enlève la prostate de l’homme, il ne développera pas de cancer de la prostate, mais puisqu’à ce jour on n’arrive pas à identifier quels sont les hommes qui arrivent à faire la maladie, le rapport bénéfice/risque de cette intervention est catastrophique. Ce n’est pas du tout le contexte du cancer du sein ou du cancer de l’ovaire héréditaires."

Pas d’ablation en cas d’adénome de la prostate

Avec le cancer de la prostate, l’adénome de la prostate (ou hypertrophie bénigne de la prostate) fait partie des pathologies de la prostate les plus fréquentes.

"Classée dans les tumeurs bénignes, c’est une maladie qui survient avec l’âge et correspond essentiellement à un défaut de souplesse de la glande et à une augmentation du tissu prostatique, explique le Pr Mongiat-Artus. Pour uriner, la prostate, sur laquelle est posée la vessie, prend une forme d’entonnoir. L’adénome est symptomatique à partir du moment où il empêche l’entonnoir de se faire correctement."

C’est donc lorsque les symptômes (besoins fréquents et/ou urgents d’uriner, difficultés à uriner, fuites urinaires…) deviennent gênants qu’une chirurgie "dont l’objectif est de permettre de nouveau à l’entonnoir de se former" est envisagée. Mais il n’est pas question ici de prostatectomie, contrairement à ce que beaucoup d’hommes peuvent penser : "Il y a essentiellement deux types de chirurgie qui peuvent être réalisées pour restaurer cet entonnoir : l’ablation du tissu prostatique (résection transurétrale) ou l’incision cervico-prostatique. Mais on n’enlève pas la prostate."

Les complications sont donc moindres.

Ablation de la prostate : quelles conséquences ?

Chirurgie à ciel ouvert, coelioscopique, robot-assistée… Les techniques d’ablation de la prostate sont multiples. "La durée de l’opération est très variable, mais c’est en général une heure ou deux", explique le Pr Mongiat-Artus. Quant à la durée d’hospitalisation, elle est en moyenne de cinq à dix jours. "Ce n’est généralement pas une intervention qui épuise les patients. On peut compter sur des suites opératoires qui sont courtes."

En revanche, nombreux sont les hommes à s’inquiéter des résultats fonctionnels d’une telle opération, et pour cause : "les deux conséquences les plus significatives sont des conséquences urinaires et des conséquences sur l’érection", indique l’urologue. Dans le premier cas, il s’agit d’un risque d’incontinence. Mais celle-ci est temporaire chez plus de 97% des patients : "on l’évalue généralement à six mois, c’est-à-dire qu’on engage les patients à une rééducation précoce, éventuellement avec un kinésithérapeute. Si la continence n’est pas suffisante au bout de trois à six mois, on va envisager une intervention complémentaire pour la parfaire. Cela va leur permettre de récupérer ce qu’ils avaient préalablement."

Concernant les troubles de l’érection, on estime qu’ils touchent près de 95% des patients. "Il y a pratiquement toujours une période durant laquelle il y a une diminution importante de la qualité des érections", période pouvant aller jusqu’à deux ans. "Cela ne veut donc pas dire que les érections sont définitivement perdues, mais il est plus sage d’envisager quand même la récupération de l’érection avec un traitement ou un autre." En revanche, la perte d’éjaculation, elle, est une conséquence définitive. "Mais il est important de préciser que le patient garde un orgasme, insiste le Pr Mongiat-Artus. Cela ne signifie donc pas que la sexualité est moins bien, mais différente."

Dans tous les cas, "la prise en charge des résultats fonctionnels démarre bien avant l’intervention : le patient doit être correctement informé et préparé aux conséquences pour ne pas être surpris et les avoir anticipées."

Sources

Remerciements au professeur Pierre Mongiat-Artus, chirurgien urologue et secrétaire général adjoint de l’Association française d’urologie (AFU).

"Surveillance active - cancer de la prostate". Institut national du cancer (INCa).

"Tumeurs de la prostate". AFU.

"Cancer de la prostate". Santé publique France. Mis à jour le 31 janvier 2019.

"Les traitements du cancer de la prostate". INCa. Novembre 2010.

"Cancers de la prostate : les traitements". Fondation ARC.

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