Parler pendant l'amour : décryptage du langage érotiqueIstock
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Qui sont ces personnes qui ont ce besoin irrépressible de parler pendant le sexe ? Que disent-elles et pourquoi le disent-elles ? Ressent-on davantage de plaisir lorsqu'on verbalise pendant l'amour ? Et comment savoir si le.a partenaire a envie d'entendre les mots de l'autre ?

Mots d'amour, mots vulgaires ou salaces, incitations, encouragements, conseils pratiques... le champ lexical du langage intime est très varié. De « je vais te ….. », « tu aimes ça grosse …. » en passant pas « je t'aime mon amour » et « un peu plus à gauche s'il te plaît », le discours du coït peut être érotique, pratique, pornographique, amoureux. Il est en tout cas très fréquent.

Selon l'enquête australienne « An examination of the Nature of erotic Talk », publiée dans la revue Archives of Sexuel Behavior, 92 % des personnes interrogées parlent pendant l'acte sexuel.

Pourquoi parler pendant l'acte sexuel ?

Ce n'est pourtant pas si simple de parler pendant l'amour. On craint de ne pas être naturel, d'aller trop loin, de dire un truc gênant voire pas du tout excitant. Alors on peut choisir de s'en tenir à de simples considérations telles que « plutôt comme ça » ou « tu me fais mal ». Ou alors, si on est un peu plus à l'aise, on peut oser davantage et parler de sexe, plus franchement. Notre cerveau étant notre premier organe sexuel, parler pendant l'amour alimente le désir.

« Le cerveau a besoin de savoir de quoi il s'agit pour pouvoir mettre en branle le système excitatoire et fournir les hormones nécessaires à un rapport sexuel satisfaisant. Faire l'amour n'est pas un besoin vital, c'est un désir qui se met en place à partir de nos pulsions, de notre éducation, de nos expériences de vie. Il faut stimuler ces pulsions pour se rendre disponible. Voir, entendre, toucher, sentir, goûter, font partie de l'activité sexuelle », explique la sexologue Laurence Siroit.

Mais le cerveau a également besoin qu'on lui indique clairement l'activité en elle-même. « Ce sont des images, des pensées, des fantasmes, qui accompagnent nos gestes. On peut verbaliser ces pensées et ces fantasmes, ces mots nous exciteront encore davantage, surtout si on est dans la réciprocité. Penser et parler, ce n'est pas la même chose, mais cela va ensemble. Ce sont des informations traitées par le cerveau qui, si elles sont cohérentes, exacerbent le désir, le plaisir, l'excitation, et la jouissance », poursuit la sexologue.

Que dit-on pendant l'amour ?

Pendant un rapport sexuel, on exprime plusieurs choses. On peut dire à l'autre ce qu'on veut lui faire ou ce qu'on veut qu'il.elle nous fasse. On peut juste vouloir signifier qu'on prend du plaisir ou que le partenaire est sur la bonne voie. Les paroles prononcées peuvent être très informatives ou de l'ordre du ressenti. On dit des mots d'amour, ou on complimente son partenaire.

L'étude australienne citée plus haut, publiée en 2015 dans la revue Archives of Sexual Behavior, a identifié huit types d'échanges entre amants :

  • la domination sexuelle (je vais te ***)
  • la soumission sexuelle (prends-moi comme une ***)
  • la possession sexuelle (c'est toi mon ***)
  • la verbalisation des fantasmes
  • les conseils pour guider (un peu plus doucement)
  • les encouragements (continue)
  • les morts d'amour (je t'aime)
  • les exclamations (oui !)

Les échanges ont ainsi été catégorisés : égocentrés pour les quatre premiers, mutualistes, c'est-à-dire à la fois égocentrés et altruistes, pour les quatre derniers. Ce dernier groupe concerne les personnes les plus épanouies sexuellement.

C'est aussi ce que confirme notre experte. Le sexe réussi, « c'est du chacun pour soi à partager. Il faut être égocentré, focalisé sur ses sensations, ce que l'autre nous renvoie et sur ce qu'on veut lui renvoyer, pour être véritablement à l'aise ».

Comment parle-t-on pendant l'amour ?

Si le langage du sexe n'est pas uniquement un langage salace, même si le « dirty talk » a davantage sa place au lit que le romantisme. « L'objectif n'est pas de se dire des gros mots, mais d'avoir du plaisir ensemble. Dire des choses salaces renvoie à l'interdit et à l'excitation de l'interdit », explique Laurence Siroit. Ainsi, ces mots crus permettent de se débarrasser des injonctions et des normes sociales, cette transgression participe à exacerber le désir. La dimension culturelle, éducative de chacun va interférer et nous permet ou non d'accepter ce langage.

« Certaines femmes ne supportent pas le fait de s'entendre appeler 'salopes' par leur partenaire pendant les rapports sexuels. D'autres sont très excitées alors qu'elles sont plutôt prudes dans la vie. Elles adorent l'entendre et le dire. Dans ce cas, il s'agit vraiment d'un moment où les frontières tombent, la morale existe toujours, mais reste à sa place. Quand on dit ces mots, chacun sait que dans ce cadre, c'est possible et surtout, chacun est d'accord. C'est du chacun pour soi à partager, mais dans le respect et les limites de chacun. On ne peut l'imposer à personne. Sinon, il y aura peu de plaisir, voire du rejet », développe notre experte.

On peut aussi se surprendre à dire des mots très romantiques, des messages d'amour profonds qui surviennent dans un total lâcher-prise. « Le plus souvent ces paroles sont prononcées dans le cadre d'une relation de grande confiance, dans un contexte de grande sérénité, de confiance en soi et de maturité. On peut être surpris par son lâcher-prise dans ses mots, ses positions, ses gestes et ses élans. Y parvenir peut demander du temps. Le temps est notre meilleur allié en matière de sexualité », assure la sexologue.

Quand parler au lit ?

« Parler c'est dire ce que l'on veut, ce que l'on ressent et vouloir le partager. Il faut se poser la question : 'pourquoi je parle ?'. Et aussi à 'quoi ça sert' et 'est-ce que ça sert à l'autre' ? », énonce Laurence Siroit. On peut parler si on ressent le besoin d'exprimer un fantasme, une envie, un encouragement, un sentiment. Il est important de se demander si ces mots sont acceptés par le.a partenaire et s'il participe également à augmenter son désir.

« Il faut veiller à ne pas faire effraction dans les pensées de l'autre », commente notre experte. « Ce qui compte, c'est la réciprocité et le respect mutuel », insiste-t-elle. « S'il n'est pas d'accord, entendre parler peut vraiment crisper l'autre, le gêner. S'il y a de la gêne, il y a du stress, de l'adrénaline et on n'a vraiment plus envie de faire l'amour », commente la sexologue.

Ainsi, peut-être qu'on peut commencer par des mots coquins pour vérifier si on partage les mêmes envies. « Surtout, il faut en parler après pour vérifier que tout le monde est bien à l'aise avec ça ».

Parler n'est pas un passage obligé

En matière de sexualité, la seule règle c'est le respect, de l'autre, mais d'abord de soi. Et c'est à soi de poser ses propres limites. « Une femme ou un homme adulte qui veut aller au-delà des règles a le droit. Il faut fantasmer quand on fait l'amour, sinon on est forcément en train de penser à autre chose que ce qu'on est en train de faire. Les fantasmes n'ont qu'une limite, sa propre morale ». Idem pour ce qu'on se sent de dire ou de ne pas dire. Se créer du stress ne permettra pas un rapport sexuel réussi.

Attention aussi à ne pas parler parce qu'on a lu quelque part que dire des gros mots à son/sa partenaire était excitant. « Certaines personnes ont besoin de se rassurer, en parlant, pour savoir s'ils font ce qu'il faut, s'ils sont à la hauteur. Il s'agit là d'une question de performance. Et dans la relation amoureuse en général, dès qu'on reste dans la performance, il y a un grand risque d'insatisfaction ». D'autres vont avoir besoin de parler pour combler le silence. « Parler peut correspondre à une situation anxiogène. Ces personnes vont parler pour maîtriser les choses et les contrôler ».

Ce type de commentaires n'est jamais gagnant en matière de sexe. « Il faut être dans l'échange et pas dans une liste de mots à dire. Il est important de lier ses mots à ses gestes et inversement. Sinon, on sera dans un clivage qui ne permettra pas de faire monter l'excitation et d'obtenir l'abandon, jusqu'à l'orgasme ». Parler n'est pas un passage obligé. Toutefois, il faut être capable de lâcher prise. « Et puisque dans le domaine érotique, on n'a rien à perdre, ça vaut le coup de tenter de nouvelles expériences ».

Sources

Merci à Laurence Siroit, psychologue et sexologue à Poissy.  

An Examination of the Nature of Erotic Talk, Archives of Sexuel Behavior, septembre 2015. 

Pendant l'amour : joindre la parole aux gestes, Pourquoi Docteur, 29 février 2016. 

Hommes et femmes aiment parler vulgairement pendant l'amour, Le Figaro Santé, 16 octobre 2015. 

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