Chaque année, 3 milliards de dollars seraient extorqués à des seniors, selon le Département de Justice américain. Si écourter les appels des faux télémarketeurs serait un signe de bon jugement, ne pas réussir à raccrocher pourrait être, à l’inverse, un symptôme précoce de démence. C’est en tout cas ce que révèle une étude publiée ce lundi dans la revue Annals of Internal Medicine.

Un lien entre la crédulité face aux arnaques et le risque de déclin cognitif

Des chercheurs du Centre de la Maladie d’Alzheimer, à la Rush University (Chicago), se sont penchés sur le lien entre la crédulité face aux fraudes téléphoniques et le risque de déclin cognitif. Et ils ont observé qu’au sein d’un large groupe de personnes âgées ne présentant aucun signe de démence, les personnes peu ou pas conscientes d’une possible arnaque téléphonique auraient un risque de déclin cognitif léger plus élevé. Dans certains cas, ces personnes auraient aussi plus de chances de développer la maladie d’Alzheimer.

“Ces travaux ajoutent à notre compréhension quant aux arnaques visant les personnes âgées”, explique Patricia Boyle, auteure principale de l’étude et psychologue-neurologue à la Rush University. “Ils suggèrent que de nombreux seniors, qui ne présentent aucun problème cognitif, risquent tout de même d’être victimes d’arnaques financières et d’autres sortes d’abus”.

935 sujets étudiés, n’ayant pas reçu de diagnostic de démence

Les chercheurs ont émis l’hypothèse suivante : les seniors qui se font facilement arnaquer ne seraient pas forcément ceux qui ont des problèmes de mémoire ou de confusion manifestes. Pour vérifier cette théorie, ils ont recruté 935 personnes âgées, n’ayant pas reçu de diagnostic de démence, dans la région de Chicago.

Chaque participant a commencé par remplir un “questionnaire de sensibilisation à l’escroquerie”, afin de mesurer leur niveau de conscience - et donc de vigilance - sur le sujet. Au cours des six ans qu’a duré l’étude, ils ont aussi dû remplir des tests neuropsychologiques chaque année. Les 264 sujets décédés au cours de cette période ont subi une autopsie du cerveau, afin de détecter d’éventuels signes de maladie.

Juger de l’honnêteté d’une personne implique des connexions cérébrales complexes

Au total, 34,2 % des personnes étudiées ont développé une déficience cognitive légère, et 16,1 % ont été atteints par la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs ont constaté que les personnes peu sensibilisées à l’escroquerie au début de l’étude, présentaient un risque plus élevé de maladie d’Alzheimer, de démence ou de troubles cognitifs.

“La cognition (ou jugement) sociale implique un large éventail de fonctions, [...] notamment la régulation des émotions, la perception du comportement d’autrui ou encore la maîtrise de ses propres impulsions ”, souligne le Dr. Boyle. Pouvoir discerner si une personne est digne de confiance est donc un comportement complexe, qui “suppose un réseau cérébral bien distribué”. D’après la chercheuse, un nombre croissant de travaux montre que la prise de mauvaises décisions financières pourrait survenir avant l’apparition de symptômes cognitifs évidents, tels que la perte de mémoire.

Un meilleur dépistage des troubles cognitifs limiterait le risque d’arnaque

Cette étude pourrait donc plaider en faveur d’un dépistage plus poussé des troubles cognitifs légers chez les personnes âgées. En effet, de nombreux patients ne seraient pas diagnostiqués avant de consulter leur médecin pour des troubles de la mémoire, a expliqué le Dr. Angela Sanford à CNN. Et les conséquences, telles que des escroqueries, peuvent être désastreuses. Cette spécialiste en médecine gériatrique au St Louis University Hospital plaide donc en faveur d’un “dépistage universel”.

Sources

Scam Awareness Measure Related to Development of Alzheimer Dementia, Annals of Internal Medicine, 16 avril 2019

Falling for phone scams could be an early sign of dementia, study says, CNN, 15 avril 2019

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