La morgue, un service hospitalier comme les autres
On estime que 58% des Français meurent dans un établissement de santé (hôpital public ou privé et clinique privée). Autant de personnes concernées par le séjour à la morgue, service hospitalier consacré à la conservation et à la préparation du corps avant son inhumation ou sa crémation.
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Ce qui se passe quand on meurt à l’hôpitalEt malgré son activité importante, elle reste mystérieuse pour bon nombre d’entre nous. Tellement que l’on continue de l’appeler ainsi, alors que le terme "chambre mortuaire" serait plus approprié : "Le mot ‘morgue’ fait peur, remarque Antonio Elias Adam, responsable de la chambre mortuaire de l’hôpital Paris Saint-Joseph. On parle plutôt de ‘chambre mortuaire’ car cela appartient à l’hôpital, comme on dit ‘la chambre des patients’. Avant, on nous confondait même avec les croque-morts, qui eux sont des employés des pompes funèbres !"
Quant à l’image glauque qu’une chambre mortuaire peut inspirer, M. Adam nous prévient : elle est erronée. "Pour nous, c’est un service comme les autres, et il y a une bonne ambiance. C’est avant tout un patient qui vient chez nous et de qui on prend soin." En revanche, celle d’un endroit froid est juste, pour une raison simple : la loi stipule que la température ambiante du local de préparation des corps ne doit pas dépasser les 17° C et celle des cases dans lesquelles ils sont entreposés peut aller de 5 à -10° C. "Le froid assure en effet la conservation du corps en empêchant qu’il ne se décompose trop facilement."
Les hôpitaux ne disposent pas tous d’une chambre mortuaire
Mais le séjour en chambre mortuaire n’est pas un passage obligé. D’abord, parce que les établissements de santé n’en disposent pas tous : seuls ceux comptabilisant plus de 200 décès par an sont tenus d’en posséder une. Toutefois, il est possible que ceux qui n’en possèdent pas puissent confier le corps à un autre hôpital ou à un funérarium privé grâce à une convention passée entre les deux parties. Ensuite, parce que la famille peut décider de transférer le corps directement au funérarium ou au crématorium. Le défunt peut alors rester jusqu’à dix heures maximum dans sa chambre d’hôpital avant d’être récupéré par les pompes funèbres.
A noter : attention à ne pas confondre les termes "chambre mortuaire" et "chambre funéraire". "Cette dernière est extérieure à l’hôpital", précise M. Adam, et constitue le lieu où la famille et les proches peuvent se recueillir avant la cérémonie. Son activité est systématiquement payante et les coûts diffèrent selon les sociétés.
Rasage, maquillage, toilette : une équipe aux petits soins du défunt
A la chambre mortuaire de l’hôpital Paris Saint-Joseph, cinq personnes se relaient pour s’occuper des défunts, de 7h30 à 17h30. Chaque journée débute par l’identification des corps en vérifiant leurs noms sur leur bracelet. Puis, place aux soins : équipés d’une blouse, d’un masque et d’une charlotte, les agents de chambre mortuaire font la toilette des corps, "quitte à les doucher entièrement si l’on voit qu’il y a des écoulements, précise M. Adam. Après, on les habille, les maquille et les rase selon les souhaits des familles." Aucun produit spécial n’est utilisé, mis à part de l’éther appliqué en très petite quantité sur la peau afin de retirer plus facilement les traces de colle laissés par les sparadraps.
Ils doivent également vérifier si les défunts disposent d’un pacemaker et procéder à son ablation en effectuant une incision cutanée. Une étape importante pour des raisons de sécurité : "Le pacemaker peut être radioactif et agir comme une bombe. Il y a alors un risque d’explosion lors de la crémation. Avant, on ne le retirait que si le corps allait au crématorium, mais aujourd’hui, c’est automatique : on le retire obligatoirement, que le corps se fasse inhumer ou incinérer."
Au final, la réalisation des soins de présentation et d’hygiène prend entre 15 minutes et 1h30, selon l’état des corps. Et si les agents veillent à respecter les consignes des familles, le traitement reste le même pour tous les défunts : "C’est la dernière image que l’on a du patient, donc ces soins sont importants. On fait la même chose pour tout le monde, sans spécificités ou préjugés par rapport à l’âge ou la maladie dont ils souffraient."
Prendre aussi soin des proches
Vivre un décès est d’autant plus éprouvant qu’il n’implique pas seulement de gérer ses émotions, mais aussi l’aspect pratique des obsèques. C’est là que le rôle de la chambre mortuaire prend tout son sens, permettant de donner aux familles un laps de temps nécessaire à leur organisation tout en respectant leur recueillement.
A l’hôpital Paris Saint-Joseph, le personnel s’attèle à faciliter au maximum l’accès à la chambre mortuaire : "Les proches peuvent s’y rendre tous les jours, explique M. Adam. En revanche, comme nous n’avons que deux salles de présentation, tout est sur rendez-vous. Mais on fait de notre mieux pour qu’ils puissent venir voir le corps le plus rapidement possible, même avant qu’il ne soit préparé pour ceux qui le souhaitent."
Et si, par souci de transparence, les établissements hospitaliers ne doivent pas influencer les familles dans leur choix d’opérateur funéraire, ils sont tout de même tenus de leur "présenter l’ensemble de l’offre départementale" (1), comme le confirme M. Adam : "On ne doit pas conseiller de pompes funèbres, c’est à la famille de s’en occuper. Mais on leur donne une liste des prestataires près de chez eux pour qu’ils puissent choisir plus facilement." Par ailleurs, si de son vivant la personne a souscrit à une assurance décès ou un contrat d’obsèques, elle peut avoir déjà désigné un prestataire.
Les coûts varient selon les établissements
Au final, peu importe l’établissement, "le corps peut rester à la chambre mortuaire pendant six jours ouvrables, explique M. Adam. Mais chez nous, c’est un peu particulier. Nous n’avons que très peu de places, ce qui nous oblige à ne garder le corps que cinq jours puis à le transférer dans un funérarium."
Quant aux coûts, ils diffèrent selon les hôpitaux : si les établissements de santé de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) prennent tous les frais en charge, à l’hôpital Paris Saint-Joseph, "le séjour en chambre mortuaire est payant à partir du quatrième jour – 96€ par jour toutes taxes comprises. La famille est prévenue de l’existence de ces frais de garde."
Remerciements à Antonio Elias Adam, responsable de la chambre mortuaire de l’hôpital Paris Saint-Joseph.
(1) "La mort à l'hôpital". Inspection générale des affaires sociales. Novembre 2009.
"Prestations funéraires". DGCCRF. 18 septembre 2018.
"Arrêté du 7 mai 2001 relatif aux prescriptions techniques applicables aux chambres mortuaires des établissements de santé". Légifrance.