- 1 - La toilette mortuaire dans la chambre du patient est réalisée immédiatement après son décès
- 2 - Le décès est annoncé à la famille "dès que possible", de la meilleure manière qu’il soit
- 3 - Maquillage, coiffage… : la préparation du corps se fait en chambre mortuaire
- 4 - La famille et les proches ont 6 jours pour s’occuper du défunt
- 5 - Peut-on récupérer les biens du défunt ?
- 6 - Mort à l’hôpital : les frais sont-ils à la charge de l’entourage ?
Yannick Tolila-Huet, cadre de santé, responsable de la chambre mortuaire des hôpitaux Bichat et Beaujon et présidente de la Collégiale des chambres mortuaires de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), a répondu à nos questions sans tabou.
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En 2016, sur les 594 000 personnes décédées en France, 59% d’entre elles se sont éteintes dans un établissement de santé (1). Le caractère angoissant de la mort est présent dans toutes les situations, mais un tabou et une méconnaissance subsistent lorsqu’elle survient à l’hôpital, d’autant plus pour la personne en fin de vie et ses proches qui peuvent rapidement se trouver démunis. Yannick Tolila-Huet, cadre de santé, responsable de la chambre mortuaire des hôpitaux Bichat et Beaujon et présidente de la Collégiale des chambres mortuaires de l’Assistante publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), y est, elle, confrontée tous les jours. Elle a accepté de répondre aux questions que l’on se pose tous pour nous éclairer à ce sujet, mais également aider les personnes concernées à s’organiser du mieux possible.
La toilette mortuaire dans la chambre du patient est réalisée immédiatement après son décès
Quand une personne décède à l’hôpital, la toilette mortuaire est la première chose qui est faite. Elle est réalisée directement dans la chambre du patient, par les soignants qui s’en sont occupés de son vivant : "Tout soignant se doit de faire la toilette mortuaire de son patient, affirme Mme Tolila-Huet. Ce sont les derniers soins qu’ils vont lui apporter." Ils consistent à nettoyer le corps du défunt et ainsi à le "conditionner", "pour pouvoir le descendre dans la chambre mortuaire ou, dans un premier temps, pour que la famille puisse venir le voir". La toilette mortuaire dure entre 30 minutes et une heure.
La famille a en effet le droit de venir voir le défunt dans son lit d’hôpital une fois que la toilette est faite, mais elle dispose pour cela d’un délai : la loi stipule qu’elle "a accès auprès du défunt avant que le corps ne soit déposé dans la chambre mortuaire sans que ce dépôt ne soit différé, de ce fait, d'un délai supérieur à dix heures" (2). Passé ce délai, "la famille ou les proches pourront venir le voir, mais seulement en chambre mortuaire", précise la cadre de santé.
A noter : le personnel hospitalier met un point d’honneur à respecter les croyances de chacun, c’est pourquoi une toilette rituelle (pratiques particulières que l’on retrouve notamment dans les religions musulmane et juive) peut être réalisée "à la demande des familles", indique Mme Tolila-Huet. "Elle est faite par la famille ou des religieux de même sexe et de même confession que le patient, mandatés par les pompes funèbres."
Le décès est annoncé à la famille "dès que possible", de la meilleure manière qu’il soit
Vient le moment délicat de l’annonce du décès du patient à la famille ou aux proches. La loi indique que ces derniers "sont prévenus dès que possible et par tous les moyens appropriés de l’aggravation de l’état du malade et du décès de celui-ci" (3). C’est un médecin qui s’en charge, en plus du constat du décès et de la réalisation du certificat de décès. En pratique, si l’annonce peut se faire par courrier*, de vive voix ou par téléphone, ce dernier moyen est loin d’être privilégié : "Dans le meilleur des cas, on envoie un avis d’aggravation, mais lorsque le décès est soudain, il est quand même très compliqué de l’annoncer par téléphone, donc on va faire venir la famille et le médecin va l’annoncer", explique Mme Tolila-Huet.
*Un avis d’aggravation est envoyé à la famille du patient lorsque le risque de décès est considéré comme imminent. Cela permet aux proches de se préparer au mieux à cette issue inévitable.
Maquillage, coiffage… : la préparation du corps se fait en chambre mortuaire
Dans une enquête menée sur la mort à l’hôpital par l’Inspection générale des affaires sociales en 2009, la chambre mortuaire, autrefois appelée morgue, est décrite comme un lieu qui "permet aux établissements de poursuivre la prise en charge des malades au-delà de leur mort en assurant un lien avec les familles, les équipes soignantes et les bénévoles" (4). En effet, les familles peuvent y avoir accès une fois que les soins de présentation et d’hygiène ont été prodigués au défunt : si la toilette mortuaire consiste à laver le corps, les soins réalisés par les soignants en chambre mortuaire (agents de chambre mortuaire), rattachés le plus souvent à la direction des soins et des activités paramédicales, permettent la préparation de celui-ci avant qu’il ne soit levé et mis en bière par les pompes funèbres.
Fermeture de la bouche et des yeux, coiffure, maquillage, rasage, habillage… Ces soins réalisés après vérification de l’identité du défunt durent entre 30 minutes et une heure. Mais attention : "Ce ne sont en aucun cas des soins de conservation", précise la cadre de santé, qui eux correspondent à la thanatopraxie (pas obligatoire, sauf cas particuliers). Une fois cette étape terminée, "on va tout tracer dans le registre des décès en attendant que la famille se manifeste. Pour chaque défunt, on a également un petit dossier avec une fiche de liaison qui nous est envoyée par le service de soins. On sait à ce moment-là depuis quand il était hospitalisé, s’il avait des visites, de la famille, si elle est venue voir le corps…"
A noter : tous les établissements de santé ne disposent pas d’une chambre mortuaire. "La loi française indique que tout établissement de santé se doit d’avoir une chambre mortuaire à partir du moment où il enregistre plus de 200 décès par an (5), précise Yannick Tolila-Huet. Les établissements de santé qui n’en possèdent pas peuvent avoir des conventions avec d’autres hôpitaux ou des funérariums privés."
Par ailleurs, attention à ne pas confondre les termes "chambre mortuaire" et "chambre funéraire" : "la chambre mortuaire dépend obligatoirement d’un établissement de santé. On est la dernière chambre du patient, ajoute-t-elle. La chambre funéraire, ou funérarium, dépend des pompes funèbres, qui sont des entreprises à but lucratif."
La famille et les proches ont 6 jours pour s’occuper du défunt
crémation) (7). Ces démarches doivent être faites de manière indépendante, le rôle de l’hôpital s’arrêtant dès lors que le corps a été récupéré. Toutefois, que faire lorsque personne ne le réclame ? Des cas de figure qui arrivent très souvent, selon Yannick Tolila-Huet : "On a énormément de défunts qui restent plus longtemps. Il faut faire en sorte que les familles s’occupent le plus rapidement possible de leur proche."
La loi stipule que la famille ou les proches disposent de 6 jours au maximum pour s’occuper du corps du défunt, c’est-à-dire l’enterrer (inhumation) (6) ou l’incinérer (Passé ce délai, "si personne n’est venu réclamer le corps, on peut entamer ce que l’on appelle des démarches pour une inhumation administrative. Les communes des lieux de décès se chargent alors d’enterrer leurs morts. Une tombe individuelle est attribuée à chaque défunt pendant 5 ans. Si au bout de 5 ans personne ne s’est manifesté, le défunt sera exhumé, envoyé en crémation et ses cendres seront dispersées dans le cimetière de la commune qui s’est occupée du décès."
A noter : les familles ou les proches se manifestant tardivement peuvent "demander à ce qu’il y ait une exhumation pour pouvoir rapprocher le corps d’un caveau familial ou même un transport vers l’étranger, ajoute Mme Tolilat-Huet. Tout cela s’organise avec le cimetière où a été enterré le patient."
Peut-on récupérer les biens du défunt ?
Lors d’une hospitalisation, le patient est invité à n’apporter que des objets de faible valeur pour éviter les vols, les pertes ou les détériorations. S’il est en possession d’objets de valeur (argent, carte bancaire, papiers d’identité, bijoux, clés d’appartement, etc.), ceux-ci devront être remis au régisseur de l’établissement.
Si le patient décède , la famille ou les proches peuvent récupérer les biens du défunt à l’hôpital, mais la procédure est "très réglementée", prévient Yannick Tolila-Huet. "Tous les objets de faible valeur sont remis facilement à la famille ou aux proches, en revanche, les objets de valeur ne seront remis qu’aux héritiers, ce qui prend beaucoup plus de temps. C’est donc aux familles et aux proches de s’organiser en amont, car parfois, cela peut poser de gros problèmes, comme pour récupérer des documents importants qui se trouvent dans l’appartement du défunt mais auquel on n’a pas accès parce que l’on ne peut pas avoir les clés."
Mort à l’hôpital : les frais sont-ils à la charge de l’entourage ?
Il faut savoir que les établissements de santé de l’AP-HP prennent en charge tous les frais liés aux soins apportés au défunt, de la toilette mortuaire au dépôt, au séjour et aux soins prodigués dans la chambre mortuaire. Ce qui n’est pas le cas de tous les hôpitaux : "en général, les autres établissements facturent à partir du troisième jour passé dans la chambre mortuaire", explique Yannick Tolila-Huet. Les tarifs varient selon les hôpitaux. Par ailleurs, les obsèques, organisées par les pompes funèbres, sont entièrement à la charge de l’entourage ; "c’est aux familles de trouver des pompes funèbres et de décider avec elles de ce qu’elles veulent pour leur proche."
En revanche, cette offre de l’AP-HP pourrait être amenée à disparaître, pour des raisons pratiques : "Les corps restent de plus en plus longtemps, on a de moins en moins de place donc malheureusement la seule chose qui nous permettra de faire un peu pression, ça va être un jour de facturer", avoue la cadre de santé.
(1)"594 000 personnes décédées en France en 2016, pour un quart d’entre elles à leur domicile". Insee. 12 octobre 2017.
(2)"Article R2223-93". Legifrance.
(3)"Article R1112-69". Legifrance.
(4)"La mort à l'hôpital". Inspection générale des affaires sociales. Novembre 2009.
(5)"Article R2223-90". Legifrance.
(6)"Inhumation". Administration française. Mis à jour le 25 septembre 2018.
(7)"Crémation". Administration française. Mis à jour le 26 septembre 2018.
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