L’avenir appartient-il vraiment aux personnes qui se lèvent tôt ? Image d'illustrationIstock
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"À cette heure-ci, j’ai l’impression que Paris m’appartient", raconte Gabrielle. Le soleil se lève à peine que cette infirmière de 38 ans traverse déjà la capitale sur son scooter pour arriver dans son service de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Comme cette jeune femme, nombreux sont les Français debout à 5 heures du matin pour aller travailler. Depuis plusieurs années, quelques scientifiques se sont intéressés au cycle du sommeil. Et il paraîtrait selon certains résultats que les personnes matinales sont plus susceptibles d’être en bonne santé mentale et physique que les nocturnes.

"L'aspect le plus poignant d'être debout si tôt est peut-être de démasquer le mensonge selon lequel Paris est une ville bruyante. Le seul bruit que j’entends, c’est celui de mon scooter", souligne l’infirmière. Les magasins sont fermés, les oiseaux commencent à chanter, et le bruit des feuilles en contact du vent se fait entendre.

Bien que la profession de Gabrielle l'oblige de se lever si tôt, certains font le choix d’être debout aux aurores. Les plus populaires : Jennifer Lopez, Jennifer Aniston, les Kardashian. Les grands noms de la technologie comme Mark Zuckerberg de Facebook, ou encore Tim Cook d'Apple, sont tous membres de ce club.

"L’être humain a besoin de sept heures de sommeil minimum. Pour un réveil à 5 heures, de nombreuses personnes devraient se coucher à 22 heures. Malheureusement, la plupart d'entre nous ne sont pas en mesure de le faire de par nos obligations sociales"

Alors pour répondre à cette question, si les lèvent tôt sont en meilleure santé, de nombreuses recherches sont arrivées à la conclusion que oui. Les personnes matinales seraient plus heureuses, mangeraient plus sainement et limiteraient le risque de développer des maladies cardiovasculaires ou métaboliques.

Toutefois, Marie-Victoire Chopin, Dr en psychologie à l’APHP Sorbonne Université DMU Neurosciences, signale un écueil majeur : "L’être humain a besoin de sept heures de sommeil minimum. Pour un réveil à 5 heures, de nombreuses personnes devraient se coucher à 22 heures. Malheureusement, la plupart d'entre nous ne sont pas en mesure de le faire de par nos obligations sociales", explique la psychologue en sciences cognitives et comportementales.

Le rythme circadien doit être respecté

Il est important selon elle de respecter son rythme circadien : cette horloge biologique située dans notre cerveau, plus précisément dans l’hypothalamus. Très sensible à la lumière, elle synchronise notre organisme avec les variations journalières de notre environnement. "Nous sécrétons notre pic de cortisol 30 à 45 minutes après le réveil pour nous permettre de bien commencer la journée. Avec un réveil à sept ou huit heures du matin, la chute de cette hormone se situe entre deux et quatre heures du matin. Si on décale notre heure de coucher, cela entraîne des perturbations des rythmes circadiens, notamment en modifiant les niveaux d’hormones, et ça crée des décalages qui à terme affectent notre santé", explique la Dr Marie-Victoire Chopin.

Une étude de NorthWestern University de Surrey en Angleterre portant sur un million et demi de personnes a mis en évidence une mortalité augmentée de 10 % pour les personnes qui sont du soir avec des taux de diabète et des troubles neurologiques plus élevés.

À l'inverse, l’étude montre que les individus du matin sont moins à risque d'obésité. "En stabilisant les rythmes de sommeil le plus possible, cela permet d'améliorer l’humeur, les risques cardiovasculaires, et métaboliques", précise la scientifique.

Les noctambules auraient des fonctions cognitives supérieures

Cependant une étude britannique plus récente apporte plus de nuance à cette théorie. Dirigés par des chercheurs de l'Imperial College de Londres, les résultats montrent que les personnes ayant un chronotype de noctambule ont des fonctions cognitives "supérieures" à celles de leurs homologues qui se lèvent tôt.

Comme l'expliquent les chercheurs, "Les personnes du matin présentent systématiquement les scores cognitifs les plus bas dans les deux cohortes. Les scores s'améliorent pour les types intermédiaires et atteignent des niveaux plus élevés pour les types du soir".

Les scientifiques ne peuvent expliquer pourquoi les noctambules réussissent les tests cognitifs, mais l'une des interprétations possibles serait que les personnes ayant ce chronotype aurait un avantage mental, si seulement on leur donnait la possibilité de travailler à l'heure qui leur convient.

Malheureusement, la société n'est pas toujours aussi indulgente. Beaucoup sont contraints de se conformer aux habitudes matinales de leurs employeurs, de leurs enseignants, voire pour certains de se connecter à une réunion en ligne avec des collègues internationaux.

Le fait d'être contraint à ne pas respecter son chronotype provoque ce que les experts appellent le "décalage horaire social". Tout cela soulève la question de savoir comment les nocturnes peuvent s’adapter au mieux à ce rythme de société ?

Tenir un journal de sommeil

La première chose à prendre en compte est peut-être de respecter sa propre tendance. "Il est très important de ne pas abandonner son chronotype", déclare Marie-Victoire Chopin. "Vous êtes biologiquement programmé pour vous coucher tard et vous lever tard". En d'autres termes, ce mode de vie est une véritable manifestation de sa propre horloge biologique.

L'un des facteurs qui favorisent la transition vers les horaires plus matinaux est la quantité de lumière du jour à laquelle vous êtes exposé et le moment où vous y êtes exposé. Il s'agit là d'un moyen de vous aider à vous adapter aux exigences matinales. “Je recommande à mes patients de tenir un journal de sommeil sur deux semaines où ils notent les heures de coucher et de réveil naturelles”, précise la psychologue. "C'est un bon moyen de comprendre s'ils sont du matin ou du soir".

L’idéal est de débuter cette routine durant les vacances. "Il faut se donner cinq jours d'aération pour s’acclimater". Ensuite l’idée est d’être le plus précis possible. "Noter ce qu'il s'est passé : consommation de substance, fêtes la veille au soir, un coup de stress particulier…", explique Marie-Victoire Chopin.

Dès que le rythme naturel est établi, l’horloge biologique peut être décalée au matin. "On calcule l’heure du coucher par rapport à l'heure du réveil pour avoir les 7 heures nécessaires. On va décaler le réveil de 20 minutes tous les jours tout en reculant l'heure du coucher".

Une routine doit alors s’installer. "Supprimer les écrans et les excitants avant le coucher, ouvrir les rideaux pour que la lumière naturelle active le réveil. Et évidemment, pas de sport dans les deux heures qui précèdent le coucher car les endorphines pourraient vous empêcher de dormir".

Pour tenir ces résolutions dans la durée, l’idéal est de s’aider d’un agenda. "Poser des objectifs, bien structurer sa matinée, ritualiser et structurer sa matinée". Le soutien de l’entourage est primordial. "L'idée est de faire les choses sans efforts et laisser faire la nature, sans violence avec du bon sens".

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