Les consultations de gynécologie s'accompagnent souvent de questions qui ne cessent de traverser l’esprit des femmes. Trop souvent elles n’osent pas les aborder par peur du jugement. Pourtant ces interrogations sont essentielles pour améliorer la santé gynécologique. La Dr Anne de Kervasdoué, gynécologue en cabinet libérale et autrice du livre "La vie intime des femmes" paru aux éditions Odile Jacob fait de l’écoute des femmes un combat et elle le rappelle, il ne devrait pas y avoir de questions taboues.
Pourtant de nombreux questionnements persistent et sont accentués par la pénurie de gynécologues en France qui diminue la possibilité pour elles de communiquer sur leurs désagréments. C’est pour les éclairer au mieux et leur donner des solutions adaptées que le Dr Anne de Kervasdoué a rédigé cet ouvrage. Medisite revient aujourd’hui avec elle sur les questionnements les plus courants.
J'ai des pertes blanches fréquentes et j’ai toujours la culotte humide, est-ce normal ?
Les pertes abondantes sont gênantes, et les femmes ont tendance à se laver plus souvent pour les combattre. Cela constitue une mauvaise réponse, car une hygiène excessive modifie le microbiote vaginal et accentue les pertes.
Ces pertes sont le produit de la desquamation des cellules vaginales. Elles correspondent à des fluides sécrétés par le col de l'utérus. Cela forme une sorte de pâte blanche, qui augmente au moment de l'ovulation et diminue sous pilule contraceptive. En clair, le vagin possède son propre microbiote, et lorsque celui-ci se dérègle, l'équilibre est rompu.
Ce trouble porte un nom : la vaginose. Ce sont les propres germes de la femme qui créent des désagréments. Il existe une cohabitation de micro-organismes dans le vagin, mais lorsqu’un d’entre eux domine, il déséquilibre les autres.
Il peut parfois y avoir une odeur de poisson en décomposition. C’est le germe Gardnerella vaginalis qui en est responsable. Pour combattre ces vaginoses, rien de plus simple : des ovules existent pour rétablir le microbiote et ainsi retrouver des pertes classiques. Un antibiotique est rarement nécessaire.
D’autres fois, en cas de démangeaisons, il s’agit d’une mycose, causée par un champignon. Cela se soigne bien avec un ovule et des crèmes adaptées.
Il existe également des infections sexuellement transmissibles, dont le germe provient de l’extérieur. Elles provoquent des pertes jaunes, parfois vertes, abondantes et bulleuses. Les muqueuses deviennent rouges, avec des démangeaisons, des brûlures et des irritations, bien que ce ne soit pas systématique. Le traitement par antibiotique est absolument nécessaire.
Le Chlamydia peut aussi être une cause. Les pertes sont jaunes, plus ou moins abondantes, et parfois asymptomatiques.
J’ai une sécheresse vaginale qui est douloureuse pour mon partenaire pendant les rapports. Comment y remédier ?
La sécheresse vaginale touche les femmes à un certain âge, mais parfois aussi les jeunes femmes. Cela peut être lié à certaines pilules, aux traitements contre le cancer du sein, ou encore au fait de ne pas avoir de rapports sexuels. Cependant, elle survient le plus souvent après la ménopause.
À cette période, une carence en œstrogènes se produit. Les muqueuses s'amincissent et s'assèchent, perdant ainsi leur humidité et leur souplesse. Cela peut rendre les rapports sexuels douloureux, notamment lors de la pénétration. Des démangeaisons et des brûlures peuvent apparaître, donnant l’impression d’une infection sexuellement transmissible, alors qu’il s’agit simplement des conséquences de la sécheresse vaginale. Le vagin devient également plus étroit, ce qui peut entraîner une irritation pour les deux partenaires lors des rapports. Cette situation peut avoir un impact significatif sur la sexualité, notamment en induisant une perte de désir sur le long terme.
Plusieurs solutions existent : l’utilisation de lubrifiants avant les rapports sexuels, des hydratants à appliquer régulièrement sous forme d’ovules, ainsi que des probiotiques. Il est important de privilégier les lactobacilles, car ils permettent au vagin de retrouver son état acide naturel. Par ailleurs, des produits hormonaux à base d’œstrogènes appliqués localement sont également très efficaces et reconnus. Ils aident à réparer la muqueuse, qui redevient alors humide et épaisse.
Mon intimité a une drôle d'odeur malgré une douche quotidienne, dois-je consulter ?
Se laver trop fréquemment déséquilibre la flore vaginale, il est donc essentiel de ne pas se nettoyer à l'intérieur du vagin. Il est recommandé d'utiliser un produit lavant au pH neutre afin de ne pas perturber l’acidité naturelle du vagin. Si le pH est trop basique, cela peut favoriser le développement de bactéries malodorantes, comme Gardnerella vaginalis.
Il m'arrive d'avoir des pets vaginaux pendant les rapports sexuels, est-ce normal ?
Cela est lié au fait que le vagin est trop dilaté, que les muscles se relâchent, et que de l’air s’y insère. Cela peut survenir pendant l'orgasme au cours d’un rapport sexuel. Ce phénomène n’est pas grave, mais il peut être gênant.
La meilleure solution est d’apprendre à renforcer les muscles releveurs de l’anus grâce à des séances de kinésithérapie.
Pourquoi n’ai-je jamais eu d’orgasme ?
Il faut rassurer les femmes. Près de 20 à 30 % n’ont pas d’orgasme par voie vaginale seule. Pour y remedier, il faut sortir des schémas classiques de la sexualité et rappeler que la pénétration avec le pénis n'est pas une norme.
Ce qui est important c'est le plaisir pendant l'acte sexuel où il est bienvenu apporter de la diversité sous toutes les formes, caresses sur les zones hérogènes...
Chez la jeune génération, on note un changement de comportement. Elle privilégie davantage une sexualité sans pénétration du pénis et c’est une bonne chose.
Une femme peut facilement obtenir un orgasme seule lorsqu’elle connaît bien son corps. C'est d'ailleurs intéressant de découvrir son corps en se donnant du plaisir.
C'est parfois plus compliqué avec l'arrivée du pénis. L’orgasme vaginal est difficile à obtenir car le vagin est très peu sensible. Il faut trouver d'autres formes de plaisir pour y arriver : les paroles, le toucher sur toutes les zones érogènes.
J’ai des fuites urinaires incontrôlées, que faire ?
Elles sont très fréquentes chez les femmes jeunes après un accouchement mais aussi chez les femmes plus âgées. Il existe deux types d'incontinence : celles dites d'effort qui surviennent si vous toussez, rigolez ou courrez. La seconde est liée à une impériosité mictionnelle, ou urgenturie. Les femmes ont très envie d’uriner et n'arrivent pas à se contrôler.
Le traitement varie selon le type d’incontinence. Il est essentiel de consulter un médecin pour établir un diagnostic précis et vérifier l’absence d’infection. Si le problème est d’origine mécanique, des séances de kinésithérapie sont recommandées pour renforcer le muscle releveur de l’anus ou le muscle du périnée.
Si ces mesures ne suffisent pas, un bilan urodynamique peut être conseillé. Des urologues spécialisés mènent cet examen pour identifier la cause, déterminer quel sphincter est déficient ou évaluer si la vessie est irritable.
Le médecin décidera si les séances de kinésithérapie spécifiques sont suffisantes ou si une intervention chirurgicale est nécessaire. Cette dernière consiste généralement en la pose de bandelettes transurétrales. Cette solution est envisagée en dernier recours et doit être réalisée par un expert afin de minimiser les effets secondaires.
J’ai mal au ventre pendant un rapport est ce normal ?
Il existe deux types de douleurs, et cela est très fréquent. La première se ressent au moment de l’introduction du pénis dans le vagin, tandis que la seconde survient lors d’une pénétration profonde, lorsque le pénis atteint le fond du vagin.
Les causes peuvent varier.
- Douleurs à l’entrée : elles peuvent être dues à une mycose, un herpès, une épisiotomie, ou encore à une sécheresse vaginale entraînant des douleurs par manque d'humidification.
- Douleurs profondes : elles peuvent être liées à une endométriose, une infection des trompes, ou un kyste ovarien.
Une fois la cause identifiée, il devient plus facile de trouver des solutions adaptées pour y remédier.
L’épilation intégrale est-elle déconseillée ?
Il existe des inconvénients liés à l’épilation. Les poils jouent un rôle de protection contre les infections et les frottements. Ils favorisent également l’humidité à l’intérieur, contribuant ainsi à l’hydratation naturelle. En d’autres termes, ils constituent une barrière protectrice.
Lorsqu’ils sont rasés, la peau et la muqueuse peuvent s’assécher. Il est important de se rappeler qu’il s’agit avant tout d’une mode, et que les modes évoluent avec le temps.
Est-ce que je peux être stérile après un avortement ?
Ce n'est pas fréquent mais ça peut arriver en cas d’infection locale. Tout acte opératoire peut induire une contamination par des micro-organismes. La salpingite est une infection haute de la trompe. Cela arrive assez souvent sans que la femme s'en rende compte.
Le geste chirurgical lors d’un avortement peut réveiller un germe présent. Le problème de la salpingite à chlamydia est qu’elle donne peu de symptômes. C’est souvent lorsque la femme n’arrive pas à tomber enceinte que le diagnostic de trompe bouchée se pose.
Il peut y avoir aussi une synéchie qui ferme l'entrée du col.
Interview avec le Dr Anne Kervasdoué, gynécologue.
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