Tanguy à la maison : comment l'aider à prendre son envol ?Adobe Stock
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En 2001 sortait au cinéma le film Tanguy. Dans cette comédie française, Tanguy (Eric Berger), un garçon de 28 ans, vit toujours chez ses parents. Ces derniers (André Dussollier et Sabine Azéma) rêvent d'un peu d'intimité et de tranquillité. Agacés par ce grand garçon de plus en plus encombrant, ils ne rêvent que d'une chose : le faire partir rapidement du nid familial. Mais Tanguy n'a pas l'intention de quitter les lieux. Ses parents tentent alors tous les stratagèmes pour le faire fuir...

Une comédie, certes, mais qui reflète une certaine réalité. L’expression en elle-même découle de ce film. Le terme "Tanguy "désigne un phénomène social selon lequel les jeunes adultes, des trentenaires, tardent à se quitter le domicile familial. Selon une étude de l'Insee, en 2013, près d'un jeune adulte de 25 à 29 ans sur cinq habite encore chez ses parents à l'année.

D’emblée, on pourrait se dire que si ces grands enfants ne partent pas du domicile familial, c’est parce qu’ils ne veulent pas grandir. Rester chez ses parents, ce serait garder le goût du confort, dans une semi-autonomie. Pouvoir rester libres de leurs horaires, de pouvoir inviter qui ils veulent, de ne pas s’inquiéter du lendemain. Mais est-ce la seule raison ? Pas vraiment. Il existe plusieurs causes associées à la naissance de ce phénomène.

Quelles causes peuvent empêcher certains adultes à quitter le domicile familial ?

La première serait la difficulté d’accès à l’emploi. Difficile de prendre son indépendance à la sortie de ses études si le jeune n’a pas de travail ou un travail précaire. Le jeune adulte a alors des revenus irréguliers, issus le plus souvent de l’aide sociale ou de stages rémunérés, sans pour autant disposer du statut de travailleur. Difficile de partir alors.

De plus, les études sont de plus en plus longues : trois, quatre, cinq ans voire plus. Les jeunes diplômés ont alors la vingtaine bien entamée. Aujourd’hui, on quitte plus rarement la maison à la majorité en sortant du bac, pour diverses raisons sociologiques. En effet, la question du milieu social d'origine influe sur le niveau d'étude et donc sur le temps pendant lequel les jeunes restent "dépendants" de leurs parents.

Le prix de l'immobilier : un frein à l'autonomie

En outre, il faut aussi prendre en compte les prix de l’immobilier. Pour certains de ces jeunes Tanguys, ce choix est non voulu. Une contrainte, par manque d’argent qui les empêche de trouver le logement adéquat. Les prix de l’immobilier et les conditions d’obtention d’un logement expliquent également le fait que certains restent "coincés" chez leurs parents.

Enfin, certains parents ont leur part de responsabilité dans cette stagnation. En effet, certains rechignent à demander une contrepartie aux enfants, majeurs, ayant terminé leurs études et ayant un travail, que ce soit sous forme financière ou ménagère. Bien simple alors d’être nourris, logés, et de considérer son salaire comme de l’argent de poche. Pourquoi partir alors ?

Tanguy : aider les jeunes à quitter le domicile familial

Une des premières pistes à explorer est d’arrêter, en tant que parents, d’être trop gentils. Parfois, lorsqu’on élève un enfant, même s’il a grandi, on continue sur la même lancée : on fait le linge, on s’occupe de ses courses, des repas, etc. C’est une erreur. Une fois adulte, avec un job stable, l’enfant n’est plus "invité". Il reste chez lui bien sûr, mais il se doit de participer à la vie de la maison. Ce n’est plus un enfant mais un adulte qui vit sous le même toit que vous. Le faire participer aux tâches de la maison l’aide également à devenir plus autonome pour sa vie future. Le mieux étant de pouvoir responsabiliser, en amont, l’enfant puis l’adolescent. C’est le meilleur moyen pour l’accompagner à prendre son envol tout en douceur. Pour un enfant, ce peut être des choses simples : lui laisser les clés de la maison, le laisser aller seul au collège ou l’inclure dans les tâches ménagères.

Deuxième chose à faire en tant que parents : ne pas avoir peur du nid vide. Certains jeunes adultes ne se sentent pas capables de partir parce qu’ils ont peur. Vous pouvez les interroger sur les raisons de cette crainte. Mais il convient également de vous interroger sur votre attitude. Faites attention à vos réponses : sont-elles neutres ou sont-elles dotés d’une certaine ambivalence ? Plus ou moins consciemment, certains parents entretiennent une situation de dépendance affective ou financière, pour protéger leurs "petits" et les garder près d’eux. Julien Hurel, psychologue, ajoute : "Effectivement la notion de flou intergénérationnel peut devenir problématique."

Vous pouvez également l’aider à élaborer un plan de vie, à plus ou moins long terme, qui soit réaliste. Vous pouvez par exemple l’aider à cotiser. Expliquez lui pour cela les différents régimes d’épargne auxquels il peut avoir accès. Cela peut lui permettre d’établir de bonnes habitudes financières pour qu’il réussisse à quitter la maison. Cette mesure peut même s’accompagner d’une date d’échéance : "dans deux, trois mois, six mois, un an, tu déménages", explique le psychologue. Un objectif précis peut aider le jeune à se mobiliser. Et dans ce cas : restez fermes.

Tanguy : un mal-être chez les jeunes

Il faut noter cependant que rester chez ses parents, passé un certain âge, n’est pas forcément confortable pour tous les jeunes. D’un côté, il y a la frustration d’avoir fait des études assez longues parfois et de ne pas trouver de travail ou seulement des contrats précaires. Bien loin du modèle vendu lorsqu’ils étaient enfants, un diplôme n’équivaut pas forcément à un travail stable et bien payé.

Selon la Fondation Abbé Pierre, en 2015 : "4,5 millions de majeurs vivent chez leurs parents ou grands-parents. Parmi eux, 1,3 million ont plus de 25 ans. 1,5 million ont un emploi rémunéré, dont la moitié en CDI à temps complet. Près d’1 million ont déjà vécu dans un logement indépendant avant de revenir au domicile parental, souvent faute de solution alternative."

Julien Hurel conclut : 'Il y a vraiment des faits sociologiques importants qui impliquent une mutation progressive des pratiques relatives aux étudiants et nouveaux diplômés. De fait le terme "tanguy" rentré dans l'imaginaire collectif entraîne des représentations erronées sur ces jeunes qui restent plus longtemps chez leurs parents alors que des causes économiques et sociales sont à l'œuvre. Ce terme empêche donc de prendre la question au sérieux et revêt un aspect péjoratif pour celui qui en est affublé."

Sources

Merci à Julien Hurel, psychologue en Ile-de-France.

https://psychaanalyse.com/pdf/INTERMINABLES_ADOLESCENCES.pdf

https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_2000_num_60_1_894

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03462473/document

mots-clés : psychologie, Parents
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