Avant de savoir si une amitié est toxique, il est important de savoir ce que doit être une amitié saine et équilibrée. Pour le psychologue clinicien Sebastien Garnero, "l’amitié peut être définie comme une forme d’affectivité entre deux personnes n’appartenant pas à la même famille, et ne formant pas un couple. Il s’agit d’un sentiment réciproque d'affection, de sympathie, d’un attachement mutuel bienveillant entre deux personnes. Cette relation s'appuie sur une égalité, une écoute et une entraide. Le respect de l’autre, la bienveillance, la confiance, une sincère affection et la sincérité sont les valeurs essentielles et les bases d'une amitié saine".
Ainsi, dans une relation amicale dite normale, chacun des protagonistes réussit à s'épanouir sur un plan individuel, mais aussi au sein de la relation amicale.
Amitié déséquilibrée ou amitié toxique ?
Une amitié devient toxique, c’est-à-dire qu'e lle agit comme un poison pour l'un des deux protagonistes, dès lors que la réciprocité n'est plus de mise. "L’un des membres du duo développe à l’endroit de son ami des sentiments exacerbés de jalousie, d’envie, faisant preuve d’une réelle malveillance. Il agit de façon à culpabiliser l’autre, il prend le pouvoir sur sa victime et instaure une relation d'emprise", explique Sebastien Garnero. On retrouve dans une amitié toxique, en plus du déséquilibre relationnel, une véritable prise de pouvoir de l'un des protagonistes et d'une mise sous influence de l’autre.
Dans le cadre d'une relation déséquilibrée, un réajustement est possible. Dans ce type de relations, l'un en fait beaucoup pour l'autre, est davantage à l'écoute, davantage disponible, peut-être plus effacé. Toutefois, il n'aura pas ce sentiment d'être "vampirisé", totalement vidé de son énergie. Et cette relation pourra toute de même lui apporter du bien-être. "Dans le cadre d’amitiés déséquilibrées, une mise au point et un réajustement s’impose au travers d’une discussion et d’un échange sincère afin de pouvoir remédier à cela quand c’est possible", observe le psychologue.
"Dans certains cas, l’amitié déséquilibrée peut toutefois être un mode d’entrée dans la relation 'd’amitié toxique' s'il n'y a pas de régulation possible vers une relation plus saine", poursuit notre expert.
Quels sont les signes d'une amitié toxique ?
Le protagoniste toxique est autoritaire, dans le jugement et le reproche permanents, il exige énormément de son ami et fait pression sur lui. Celui-ci, de son côté, n'osera pas lui faire part des événements positifs de sa vie ni se confier à lui parce qu'il craindra ses réactions.
Une forme d’admiration vis-à-vis de cet "ami"
Certains signes sont visibles dès le début d'une amitié toxique. "La personne sous emprise se sent souvent subjuguée par l’autre, dans une forme d’admiration vis-à-vis de cet ami. Elle peut avoir l’impression de vivre une amitié un peu hors norme, comme si elle avait été choisie par une personne avec une personnalité pseudo-exceptionnelle", explique Sébastien Garnero. C'est d'ailleurs pour cette raison, qu'une personne emprisonnée dans une amitié toxique aura beaucoup de mal à jeter un regard lucide sur cette relation.
L'amitié toxique génère de l'anxiété
Cette amitié toxique génère de l'anxiété : la victime se sent mal après avoir passé du temps avec cet ami ou après un échange avec lui, sans réellement savoir pourquoi.
La culpabilité
Cette amitié génère de la culpabilité : la victime a toujours le sentiment de ne jamais être à la hauteur, de ne pas faire ce qu’il faut. Elle en est convaincue à force de subir des reproches sur son manque d'implication dans l’amitié.
La fatigue
Cette amitié génère une extrême fatigue : la victime ressent une sensation de vide intérieur, d’apathie, d’épuisement intense comme si on lui avait retiré toute son énergie. "Elle est vampirisée", résume Sébastien Garnero.
Amitié toxique : des signes physiques à prendre au sérieux
La victime peut ressentir le déséquilibre de la relation et le mal-aise que celle-ci lui procure. "Elle a l'impression d'être instrumentalisée, voire utilisée. Elle peut même avoir l'impression d'être dépossédée d'elle-même", poursuit le psychologue.
Quand le mal-être persiste durablement, les signes physiques s'installent : "certains vont entrer dans une phase psycho-somatique et présenter des signes de stress, de repli sur soi, d'angoisse. Ils peuvent alors souffrir d'épuisement, de céphalées, de troubles du sommeil, de maux de ventre, maux de dos... Ces symptômes sont de véritables témoins de ce mal-être relationnel qui s’instille peu à peu en eux", détaille le spécialiste.
Quel est le profil d'une personnalité toxique ?
"Il existe différents types de profils de personnes toxiques que l’on peut retrouver dans le cadre des personnalités dites difficiles, la plupart du temps avec les profils de 'pervers narcissique'. Certaines personnalités sont à la limite de la pathologie hystéro-narcissique, manipulateur, paranoïaque/jaloux, obsessionnel/hyper-rigide, borderline... En règle générale, la personne toxique l'est dans la relation amicale, mais aussi dans la relation amoureuse, et bien souvent avec ses proches", observe Sébastien Garnero.
Couper les ponts : la seule solution ?
Dès qu'on réalise qu'on est sous emprise, qu'on a conscience de la mauvaise influence de quelqu'un, il faut réussir à se soustraire à cette personnalité toxique. "On prend conscience qu'on est dans une impasse relationnelle, voire 'prisonnier' d'une relation, ceci doit être un signal d’alarme", note notre expert. Mais entre le moment où on réalise qu'on vit une amitié toxique et le moment où on trouve la force de s'y soustraire, le chemin est long.
Apprendre à dire non
Pour se sortir d'une amitié toxique, la seule issue est de rompre définitivement, inutile d'entretenir l'espoir d'une amitié plus saine.
"La personne toxique n’a pas de capacités d’écoute, et encore moins la possibilité de se remettre en question. Cette personne aura d’ailleurs tendance à projeter sur l'autre les reproches et fautes, dont lui seul est coupable, ou bien même à entretenir un chantage affectif, à mettre en place des manœuvres d’intimidation ou divers stratagèmes pour le maintenir sous son emprise".
Que faut-il faire ? "Ne plus rentrer dans son envie de surenchère, ne plus céder à ses caprices ou chantages, apprendre à dire 'non', et poser des limites permettra à la victime de ne plus rentrer dans ce jeu psychologique toxique. À partir du moment où la victime décide de ne plus en faire partie, immédiatement la personne n’aura plus d’influence, ni d’emprise sur elle, et elle sera libérée", conseille le psychologue.
La victime pourra avoir besoin d'aide pour réussir à se soustraire de l'influence de cette personnalité toxique.
"Le recours ponctuel à des personnes ressources telles que des professionnels de santé et du soin psychique sera une aide précieuse afin de se sortir au mieux de cette relation d’emprise. Le soutien de son milieu familial, et de son entourage, de ses vrais amis sera également important pour sortir de l’isolement dans lequel on se trouve".
Pour le professionnel, un suivi psychologique est souvent nécessaire pour ne plus retomber dans ce type de relation toxique, une fois qu'on est tiré d'affaire. "Je conseille d'identifier son implication dans l'amitié, ses fragilités narcissiques, problèmes d’estime de soi ou autres problématiques qui ont pu se jouer, afin d’éviter des phénomènes de répétition", conclut Sébastien Garnero.
Merci à Sebastien Garnero, psychologue à Paris
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