Bien fait pour lui. Cette petite phrase, nous sommes très nombreux à l’avoir déjà pensé. Un verre renversé par son collègue pendant une réunion, une chute de son supérieur dans l’escalier, une bafouille de sa meilleure amie... autant de petits tracas du quotidien qui peuvent prêter à sourire. Un tout petit instant de joie qui déclenche, de manière quasi incontrôlée, un rictus sur notre visage alors que la situation ne s’y prête pas forcément.
En octobre 2013, une étude américaine de l’Université de Princeton avait réalisé une expérience similaire auprès de plusieurs étudiants. Ces derniers devaient observer des scènes du quotidien qui arrivaient à différentes personnes (des gens riches, des personnes âgées, des jeunes, etc.) puis donner une note allant de un à neuf afin de retranscrire leur sentiment. Ainsi, les chercheurs ont constaté que les participants étaient plus à même de se satisfaire quand une scène malheureuse touchait les gens les plus riches.
Si cette réaction peut en dérouter certains, elle est pourtant très humaine. Elle porte même un nom directement emprunté à l’allemand : "La Schadenfreude". Comprenez « dommage » pour Schaden et « joie » pour Freude. Autrement dit « la joie derrière le malheur » ou encore une expression qu’il serait même possible de traduire par l’expression populaire « le malheur des uns fait le bonheur des autres ». Et, dans la vie quotidienne, de très nombreuses situations peuvent provoquer cette « Schadenfreude ». En 1851, le philosophe Schopenhauer disait déjà : « La Schadenfreude est le pire trait de la nature humaine […] Le plaisir du malheur est diabolique et ses moqueries sont le rire de l’Enfer ».
Une réaction fugace
Une réaction terriblement banale et ancrée en chacun de nous. "Effectivement, la Schadenfreude n’est pas vraiment acceptable pour notre société judéo-chrétienne. Pourtant, c’est une réaction très courante", rassure Valérie Sengler, psychanalyste à Paris et à Saint-Mandé. Heureusement, ce petit sourire vient s’installer sur les lèvres uniquement quelques secondes.
"Une petite joie fugace qui concerne évidemment seulement des tracas qui ne sont pas bien méchants. On ne sourit jamais de la mort de quelqu’un, de la maladie", nuance Valérie Sengler. Il n’est donc pas nécessaire d’enfouir ou de contrer cette réaction, car elle ne va pas durer bien longtemps. "Il ne faut rien faire contre. Mieux vaut laisser venir cette réaction puis la laisser repartir quelques secondes plus tard. N’oublions jamais que nous ne sommes pas des robots, mais des êtres humains avec des sentiments et des émotions". De nombreuses études ont été réalisées au sujet de la Schadenfreude, une recherche a même démontré qu’elle pouvait exister chez de jeunes enfants dès l’âge de deux ans.
Rire… pour se rassurer
Aussi humaine qu’elle soit, cette réaction face aux malheurs des autres reste toutefois la preuve que quelque chose ne va pas très bien dans sa propre vie. "Une personne épanouie, bien dans sa vie ne se réjouit pas quand quelque chose de mauvais arrive à l’un de ses proches", pointe la psychanalyste parisienne. Avant de poursuivre : "Cette réaction dénote souvent un manque de confiance en soi, une faible estime de soi-même". Le fait de sourire ou de rire quand il arrive quelque chose de désagréable à son ex, son collègue, son ami ou son supérieur traduit souvent un besoin d’être rassuré sur ses propres compétences ou sur qui nous sommes réellement. "La Schadenfreude nourrit notre égo et répare, en quelque sorte, une injustice. Quand il arrive quelque chose de désagréable à notre supérieur, cela ne nous atteint pas. On se sent alors supérieur à lui, nous avons le sentiment d’être réparés", analyse Valérie Sengler.
Esquisser un sourire quand un proche vit un épisode désagréable peut aussi être le signe d’une certaine jalousie envers cette personne et sa situation. À l’image du ressenti parfois éprouvé envers certaines personnes sur les réseaux sociaux. Quand ces influenceurs à la vie parfaite traversent certaines zones de turbulences, il nous arrive parfois de ressentir cette petite joie fugace. "La vie affichée sur les réseaux sociaux n’est pas la vraie vie. Elle est là pour vendre du rêve, il ne faut pas se laisser berner. La réalité est la même pour tout le monde. Il est important de toujours garder en tête qu’on montre bien évidemment ce que l’on veut sur les réseaux sociaux", rassure Valérie Sengler.
…Et parce que ça fait du bien !
Si rire fait du bien au moral, cela fait également tout autant de bien au cerveau. "Le rire dope la production de dopamine dans le cerveau. Un véritable atout pour le système cognitif", ajoute la psychanalyste. Un neurotransmetteur loin d’être négligeable dans le corps humain puisqu’il est également impliqué dans l’attention. Le sourire envoie également un message de plaisir au cerveau qui va alors libérer les hormones du plaisir baptisées les endorphines. Évidemment, cette réaction ne traduit pas un dysfonctionnement mental. "La Schadenfreude est bien-sûr à dissocier totalement d’une personne psychopathe qui elle trouve de la jouissance dans la souffrance des autres", alerte la psychanalyste.
Il n’existe donc pas de solution miracle pour changer ce comportement spontané. Toutefois, certaines habitudes dans son quotidien peuvent aider à se sentir mieux dans sa vie et donc à améliorer son estime de soi.
"Essayez au maximum de cultiver la compassion et la bienveillance envers vous et envers les autres", conseille Valérie Sengler. Cette dernière recommande également d’adopter une zen attitude, de respirer correctement et de privilégier les pensées positives. Autant de petites astuces qui aideront à être bien dans son corps et bien dans sa tête.
Remerciement à la psychanalyste Valérie Sengler.
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