“Cécité du visage.” Cette étrange expression désigne, en anglais (“face blindness”) l’incapacité à se remémorer les visage des personnes croisées au cours de sa vie. On parle, en France, de prosopagnosie. On n’a que très peu de chiffres sur le nombre de personnes atteintes de cette maladie psychiatrique ou neurologique, mais elle pourrait toucher jusqu'à 2,5% de la population mondiale, selon l’Observatoire B2V des mémoires, un laboratoire spécialisé.
"Les personnes touchées peuvent passer pour étourdies ou hautaines"
L’institut de recherche précise : les personnes concernées par ce trouble “ont une difficulté ou une incapacité à reconnaître des visages, le sien comme celui d’autrui”. “Elles ne peuvent se reconnaître sur une photo ou dans un miroir ni identifier la personne familière en face de soi ou dans un magazine.
De ce fait, "les prosopagnosiques utilisent des indices auditifs (voix) ou visuels (cicatrice, cheveux, lunettes...) pour 'reconnaître autrui'", continue l'Observatoire B2C des Mémoires. "S’ils peuvent décrire un visage (genre, coiffure, couleurs de la peau ou des yeux...), ces personnes ne perçoivent pas la différence entre deux personnes proches ayant la même couleur de peau et de cheveux."
Quelles sont les causes de l'apparition de la prosopagnosie ?
Ce trouble de la reconnaissance des visages peut être présent dès la naissance (prosopagnosie développementale) ou apparaître à la suite d’une lésion cérébrale. Mais c’est toutefois très rare. "Dans le premier cas, les sujets ne s’aperçoivent parfois pas qu’ils sont dépourvus de cette faculté et peuvent passer pour étourdis ou hautains", indique l'institut de recherche.
Diverses causes peuvent également expliquer l'apparition de ce trouble. Cela peut être à la suite :
- D'une maladie neurodégénérative : la prosopagnosie peut s'installer progressivement, à la suite d'une maladie neurodégénérative comme la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob ;
- D'une maladie cardiovasculaire : un accident vasculaire cérébral (AVC) peut générer une prosopagnosie acquise ;
- D'une tumeur cérébrale ;
- Un hématome intracérébral (angiopathie amyloïde) ;
- Des lésions bilatérales au niveau occipito-temporal à la suite d'un traumatisme crânien : Il s'agit d'un choc entre le cerveau et la boîte crânienne ;
- Une maladie neurologique comme le syndrome de Gerstmann ;
- Une encéphalite herpétique : autrement dit, une inflammation aiguë du cerveau.
Une nouvelle étude, publiée en février 2023 dans la revue scientifique Cortex, vient nous apporter plus d’informations sur ce trouble méconnu. Un groupe de chercheurs de l’école de médecine de Harvard et du VA Boston Healthcare System (un groupement d’hôpitaux américains) a en effet réalisé que la prévalence de la prosopagnosie pourrait être estimée à 1 personne sur 33 : 1 personne sur 108 aurait une prosopagnosie majeure, 1 sur 47 une prosopagnosie modérée.
Prosopagnosie : un continuum de capacités mémorielles
3341 volontaires ont ainsi répondu à un questionnaire en ligne sur leurs éventuelles difficultés à reconnaître des visages au quotidien. Les chercheurs ont ensuite essayé de déterminer si les participants avaient du mal à se souvenir de nouveaux visages ou à reconnaître des figures célèbres ou familières. Résultats : 31 personnes de l’échantillon souffraient de prosopagnosie majeure, 72 d’une forme modérée. Les auteurs de l’étude ont utilisé les recommandations du manuel psychiatrique de référence - la 5e édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) - au sujet des troubles cognitifs.
Ils ont ainsi réalisé qu’il n’existait pas, en tant que telle, de “bonne capacité” à se souvenir d’un visage - en opposition à une éventuelle “mauvaise capacité” - mais plutôt un spectre, un continuum de capacités mémorielles. Des résultats essentiels pour DeGutis, l’un des auteurs de l’étude, interrogé par la revue Harvard Medicine News : “La prosopagnosie peut être une maladie handicapante socialement parlant et peut venir limiter les chances de trouver un emploi. [...] De plus, la prosopagnosie peut également toucher des personnes sur le spectre du trouble autistique et être une conséquence du déclin cognitif lié à l’âge." Il conclut : "À l’heure où l’isolement social devient de plus en plus fréquent, surtout chez les adolescents et les jeunes adultes, favoriser et garder des liens sociaux et des interactions en face à face est plus important que jamais."
"What is the prevalence of developmental prosopagnosia? An empirical assessment of different diagnostic cutoffs", une étude parue dans Cortex en février 2023.
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0010945223000138?via%3Dihub
"La prosopagnosie, un trouble méconnu", un article de l’Observatoire B2V des mémoires.
https://www.observatoireb2vdesmemoires.fr/publications/la-prosopagnosie-un-trouble-meconnu
https://www.elsan.care/fr/pathologie-et-traitement/maladies-neurologiques/prosopagnosie-definition-traitements
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