Le black-out, un phénomène fréquent
Selon l’OMS, le “binge drinking” est défini par "la consommation d’au moins 5 verres d’alcool lors d’une occasion". Et pour certains bien davantage… Seulement, cette consommation excessive peut atteindre notre précieux hippocampe, le siège de la mémoire dans le cerveau, et entraîner des amnésies.
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Lors d'un épisode de black-out, la personne est consciente, agit, parle, mais ne se souviendra plus de ce qu'elle a vécu. Il s'agit d'une forme spécifique d'amnésie qui résulte du dysfonctionnement de certaines régions cérébrales induit par l'alcool.
Le black-out est fréquent puisque certaines études rapportent que près de 50% des jeunes adultes de moins de 25 ans l'ont déjà expérimenté au cours de leur vie.
Différentes sortes de “trous noirs”
On distingue deux sortes de black-out :
- Le black-out qualifié de partiel ou fragmenté : il est plus fréquent et fait référence à l’oubli de certains détails ou de partie de souvenirs des événements. Avec cette forme mineure de black-out, il est parfois possible de se rappeler d ’une partie de ses souvenirs.
- Le black-out complet ou en bloc. Dans ce cas, la personne est incapable de se rappeler le moindre détail en lien avec les événements. La perte de mémoire est en général définitive et les souvenirs ne pourront pas être récupérés.
On sait aujourd’hui que le black-out peut survenir chez n’importe quel consommateur d’alcool qui boit trop vite ou en trop grande quantité.
Les facteurs qui précipitent un black-out sont une alcoolémie (concentration d’alcool dans le sang) élevée et/ou une augmentation rapide du taux d’alcool dans le sang. Ils apparaissent en général lorsque le taux d’alcoolémie atteint 0,15 à 0,20 g/dl d’alcool dans le sang.
Excès d’alcool : une capacité d’apprentissage affectée
C’est sur ce réel problème de santé publique que le groupe de recherche de l’Inserm sur l’alcool et les pharmacodépendances, dirigé par Mickael Naassila, a enquêté dès 2015.
Les chercheurs ont administré à deux reprises un épisode de binge drinking à de jeunes rats afin d’obtenir une alcoolémie comparable à celle mesurée chez les jeunes qui arrivent aux urgences après une soirée arrosée.
Ils ont ainsi mis en évidence que, 48 heures après, leur capacité d’apprentissage était affectée. Au même moment, un mécanisme neuronal, la dépression synaptique à long terme (DLT) qui permet la plasticité synaptique, est abolie dans l’hippocampe.
Cette plasticité correspond à la capacité des neurones à modifier les connexions qu’ils ont établies entre eux – les synapses – pour permettre les processus de mémorisation et d’apprentissage.
Les processus de mémoire abîmés
Des travaux récemment publiés ont permis à Ichrak Drissi et à Olivier Pierrefiche, directeur de thèse au sein du laboratoire, d’aller encore plus loin.
"La question qui se posait était : pourquoi ces pertes de mémoire ne se produisent que 48 heures après, alors que l’alcoolémie est retombée à zéro depuis longtemps ?", explique Olivier Pierrefiche, avant d’ajouter “qu’en réalité, nous cherchions un acteur responsable de ces défauts d’apprentissage”.
Pour l’identifier, ils se sont penchés sur une famille d’enzymes responsables des mécanismes épigénétiques, autrement dit les processus qui régulent l’activité des gènes sans changer la séquence de l’ADN.
Certaines débobinent ou rembobinent en effet l’ADN et régulent ainsi l’expression du génome.
En inhibant l’enzyme nommée "histone désacétylase", par du butyrate de sodium avant la prise d’alcool, ils ont constaté qu’aucune perte de mémoire n’était observée et que la DLT n’était pas affectée.
Il restait cependant à mettre en lumière les maillons de la chaîne qui relient ces mécanismes épigénétiques à l’altération de la mémoire. Les deux chercheurs ont donc étudié le récepteur NMDA, présent à la surface des synapses et composé de plusieurs sous-unités.
Son rôle est primordial car il est responsable des processus neuronaux à la base de l’apprentissage, notamment la plasticité synaptique.
Ainsi, 48 heures après les deux épisodes de binge drinking, la production de GluN2B, une des sous-unités du récepteur NMDA, augmente. "L’alcool, en modifiant les processus épigénétiques, altère la composition du récepteur NMDA, empêchant ainsi la DLT de se produire, et donc les processus de mémorisation, décrit Olivier Pierrefiche. Ces mécanismes, assez longs, expliquent le délai entre la consommation d’alcool et les troubles de la mémoire."
Alcool : La mémoire trinque encore, INSERM, 12/11/2019.
Black-out : quand les souvenirs se dissolvent dans l’alcool, The conversation, 18 décembre 2019.
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