Lexomil, Xanax, Stilnox… : gare à l’addiction !Istock

Beaucoup de femmes en consomment

Xanax, Lexomil, Stilnox… Les noms de ces médicaments font partie du vocabulaire courant. Membres de la famille des benzodiazépines, ces médicaments agissent sur un inhibiteur du système nerveux central. Parmi leurs propriétés, ils aident à dormir, agissent contre l’anxiété et décontractent les muscles. En France, 20 molécules de benzodiazépines sont commercialisées. En 2015, environ 13,4 % de la population française a consommé au moins une fois une benzodiazépine quelle que soit l’indication, selon les chiffres de l’ANSM.

Les plus populaires des benzodiazépines sont l’alprazolam (Xanax), le zolpidem (Stilnox) et le bromazépam (Lexomil). Si le Xanax et le Stilnox sont en tête chez les moins de 65 ans, le Lexomil est lui préféré par les personnes plus âgées. La consommation de benzodiazépines, plus répandue chez les femmes, augmente par ailleurs avec l'âge : 38% des femmes de plus de 80 ans en consomment.

Pourtant, les personnes âgées sont particulièrement vulnérables quant aux conséquences possibles de ces médicaments sur leur système nerveux central. En effet, les effets secondaires de ces médicaments sont nombreux. Ils induisent des risques plus élevés de troubles cognitifs, de troubles de l'équilibre, de chutes et de syndrome confusionnel notamment.

"Les personnes âgées peuvent par ailleurs avoir d'autres traitements, avec des risques d'interactions médicamenteuses qui peuvent augmenter la survenue des effets indésirables", précise le professeur Maurice Dematteis, responsable du service d’addictologie au CHU de Grenoble. Chez ces personnes fragiles, "il faut donc considérer d'autant plus l'indication et adapter la dose de manière prudente, en commençant par de faibles doses", ajoute l’addictologue.

Une réponse facile qui ne résout pas le problème

De la somnolence jusqu'au coma en cas de surdosage, les benzodiazépines doivent être consommées avec prudence. Leur association à diverses drogues ou à l’alcool aggrave la dangerosité respective de chacun de ces produits et induit des risques d'intoxication, de coma, voire de décès par dépression respiratoire. "Ce sont les médicaments les plus impliqués dans les intoxications médicamenteuses volontaires et dans les tentatives de suicide en France", précise Maurice Dematteis.

Les benzodiazépines ne peuvent par ailleurs constituer un traitement à long terme en raison du phénomène d’accoutumance que génère leur usage chronique. "L'utilisation prolongée s'accompagne de phénomènes d'adaptation, d'habituation : c'est le phénomène de tolérance. Pour retrouver l'effet initial, cette tolérance incite l'usager à augmenter les doses et même à associer plusieurs benzodiazépines, ce qui, finalement, aggrave la symptomatologie anxieuse et l'insomnie, et entraine la poursuite du traitement au long cours. Ces phénomènes contribuent au développement des conduites addictives. C'est le même processus avec les morphiniques ou l'alcool"», explique le chef de service.

Contre les troubles du sommeil, l’anxiété, le stress… les benzodiazépines sont une réponse facile, simple et rapide. "Ils permettent d'apaiser facilement une difficulté personnelle, professionnelle, pouvant donner l'impression qu'on peut se passer d'une prise en charge autre. Les bonnes règles d'hygiène de vie ou les approches psychothérapiques sont vécues comme plus contraignantes, moins disponibles, plus longues, plus chères, et nécessitant un engagement personnel…", commente le professionnel. Il est pourtant indispensable de traiter également les causes des symptômes, car si les benzodiazépines diminuent l’anxiété, ils n’en traitent en aucun cas la cause.

Les médecins généralistes responsables ?

Selon les recommandations de la Haute autorité de santé, le traitement ne doit pas excéder douze semaines afin d’éviter ces phénomènes d’accoutumance, "pouvant conduire à des escalades de doses et à des conduites addictives avec perte du contrôle". Cette durée de douze semaines préconisée doit également permettre de travailler sur les causes des troubles et de se poser la question de la pertinence du traitement. "Il faut donc non seulement savoir prescrire les benzodiazépines, mais aussi les déprescrire", tranche Maurice Dematteis.

Selon les chiffres de l’ANSM, près de 90 % des benzodiazépines sont prescrites par des médecins généralistes, en première ligne pour des motifs de consultation fréquents comme l'anxiété, les troubles du sommeil, les douleurs... "Face à ces tableaux cliniques d'une grande banalité, des temps de consultation courts et des patients en attente d'une réponse rapide, les benzodiazépines représentent une solution facile et peu chère. Mais un travail éducatif des soignants, des patients, et plus largement de la population est par contre indispensable". Le pharmacien a lui aussi un rôle important à jouer. "En voyant régulièrement le patient, il peut avoir un rôle de conseil et s'il suspecte une problématique addictive, il peut orienter les patients vers les dispositifs de prise en charge."

Pour Maurice Dematteis, il est important de peser les indications et d’établir un contrat thérapeutique avec le patient sur les objectifs du traitement, sa dose et sa durée. Le médecin doit aussi repérer les personnes à risque, susceptibles de développer une addiction, notamment en recherchant les antécédents personnels ou familiaux d'addiction ou de troubles psychiatriques. Ce n’est qu’en prenant toutes ces précautions, que ces médicaments pourront être consommés sans danger.

Sources

Les chiffres en France des benzodiazépines, ANSM