700 000 personnes meurent chaque année, d’infections dues à des bactéries résistantes, selon les chiffres de l’Inserm. D’ici les trente prochaines années, ce nombre pourrait s’élever à 10 millions. Les chercheurs ont donc déjà commencé à se pencher sur la question de l’antibiorésistance, dans le but de trouver des traitements plus efficaces. Pour certaines infections, la réponse pourrait bien se trouver… dans le thé !
Une étude, publiée dans le Journal of Medical Microbiology, révèle que l'épigallocatéchine (EGCG), un polyphénol extrait des feuilles de thé vert, aiderait à combattre une superbactérie, lorsqu’il est combiné à un antibiotique.
Résistante aux antibiotiques, la bactérie P. aeruginosa est de plus en plus difficile à soigner
Plus précisément, des scientifiques de l’université de Surrey, en Angleterre, se sont penchés sur la bactérie Pseudomonas aeruginosa, responsable d’infections grave, voire mortelles. Ce microorganisme sévit particulièrement dans le milieu hospitalier, et peut infecter les patients dont le système immunitaire est affaibli. Il serait à l’origine de plus de 8 % des maladies nosocomiales, et résistant à de nombreuses classes d’antibiotiques.
Actuellement, les médecins utilisent une combinaison de plusieurs antibiotiques pour traiter les infections à P. aeruginosa, mais celles-ci deviennent de plus en plus difficiles à soigner, car on observe une résistance aux antibiotiques de dernière ligne.
Un composant du thé vert rendrait les antibiotiques plus efficaces contre la bactérie
Dans cette étude, les chercheurs ont constaté qu’en associant l'épigallocatéchine avec l'aztréonam, un antibiotique autorisé sur le marché et fréquemment utilisé pour combattre ces infections, les résultats étaient beaucoup plus concluants. L’antioxydant extrait du thé vert semble restaurer l’activité du médicament, et le rendre plus efficace contre la superbactérie.
Les scientifiques pensent que l’EGCG pourrait faciliter l’absorption de l’aztréonam par la bactérie, en augmentant la perméabilité de cette dernière. Une autre explication pourrait être l’interférence de l’EGCG avec une voie biochimique liée à la sensibilité aux antibiotiques.
Des tests in vitro ont confirmé l’efficacité de cette combinaison
Pour étudier cette synergie entre l'épigallocatéchine et l'aztréonam, et la façon dont ils interagissent avec P. aeruginosa, les chercheurs ont mené des tests in vitro sur des chenilles, puis sur des cellules cutanées humaines.
Résultat : les taux de survie étaient plus élevés chez les chenilles traitées avec l’association d’EGCG et d’aztréonam, que chez celles traitées avec une seule de ces molécules. En outre, une toxicité minime, voire nulle, a été observée dans les cellules cutanées et chez les chenilles ayant reçu cette combinaison.
Autrement dit, cette association était significativement plus efficace pour réduire le nombre de P. aeruginosa, que l’un ou l’autre des agents seuls.
Une nouvelle piste prometteuse dans la lutte contre l’antibiorésistance
Pour les chercheurs, les résultats de cette étude pourraient ouvrir une nouvelle piste dans la lutte contre les superbactéries. “La résistance aux antimicrobiens est une menace sérieuse pour la santé publique mondiale”, rappelle le Dr Jonathan Betts, chercheur principal à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Surrey.
“Nous avons un besoin urgent de développer de nouveaux antibiotiques dans la lutte contre cette résistance. Des produits naturels, tels que l’EGCG, utilisés en association avec des antibiotiques homologués, peuvent être un moyen d’améliorer leur efficacité et leur durée de vie utile sur le plan clinique”, précise-t-il.
Associer produits naturels et antibiotiques pour sauver l’humanité ?
Le Pr. Roberto La Ragione, chef du département de pathologie et des maladies infectieuses de la faculté, ajoute que “l’Organisation mondiale de la santé a classé le Pseudomonas aeruginosa résistant aux antibiotiques parmi les menaces critiques pour la santé humaine. Nous avons montré que nous pouvions éliminer efficacement ce type de menaces en utilisant des produits naturels, associés à des antibiotiques déjà utilisés”.
Le chercheur considère que ces alternatives aux antibiotiques méritent d’être développées, de manière à permettre leur utilisation future dans le domaine clinique.
Restoring the activity of the antibiotic aztreonam using the polyphenol epigallocatechin gallate (EGCG) against multidrug-resistant clinical isolates of Pseudomonas aeruginosa No Access, Journal of Medical Microbiology, 16 août 2019.
Green tea could hold the key to reducing antibiotic resistance, University of Surrey, 23 septembre 2019.
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