4 000 médicaments déjà en rupture de stock ou menacés de l’êtreAdobe Stock
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"Les ruptures d’approvisionnement devraient être temporaires. Elles sont désormais permanentes". Les propos tenus par Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), dans un communiqué de presse posté sur X (ex Twitter), trahissent l’inquiétude et la colère croissante des pharmaciens français, face aux tensions d’approvisionnement rencontrées dans leurs officines pour certains médicaments. "Cette situation entraîne une inquiétude insupportable pour les patients, menant parfois à l’agressivité, et un stress croissant pour les professionnels de santé", poursuit le président de l’USPO, également pharmacien à Plombières-lès-Dijon en Côte-d'Or.

Les professionnels de santé redoutent de plus en plus de revivre le scénario de l’hiver 2022-2023 marqué par des pénuries de médicaments courants d’antibiotiques, de paracétamol et de corticoïdes, alors que sévissait une triple épidémie de Covid-19, de grippe et de bronchiolite.

Pénurie de médicaments : bis repetita cet hiver ?

Le spectre d’une pénurie de médicaments cet hiver plane alors que de nombreux pharmaciens se plaignent déjà de stocks quasi vides concernant certains antibiotiques, le paracétamol, parmi d’autres médicaments couramment demandés à l’approche de l’hiver.

Certaines pharmacies peinent à s’approvisionner. Conséquence dans les officines, les tiroirs se vident désespérément et les pharmaciens en sont à compter les boîtes restantes de médicaments. Des professionnels désemparés tentent de trouver des solutions cahin caha pour des patients en incapacité de recevoir leur traitement. C'est le cas de Delphine, pharmacienne à Dinard, en Ille et Villaine, interrogée par Ouest-France. "Le système de soins est dégradé et on se retrouve maintenant avec des patients qui n’arrivent pas à trouver leur traitement", se désole-t-elle.

Une situation qui agace également Gabrielle Gross, présidente du syndicat des pharmaciens de l’Ain (FSPF), dans Le Progrès. "L’hiver dernier, il n’y avait pas une ordonnance où il n’y avait pas une rupture. Ça s’est calmé durant le printemps et là, on voit bien que l’histoire a de fortes chances de se répéter".

Pénurie de médicaments : lesquels sont concernés ?

Cette inquiétude palpable au niveau local dessine une réalité plus large, quantifiée au niveau national : près de 4 000 médicaments sont en rupture de stock ou risquent de l’être en France, selon Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, qui n’a pas caché sa préoccupation sur France info le 26 octobre.

Parmi ces molécules sous tension, on retrouve des antibiotiques mais aussi des antidiabétiques. Les pénuries de médicaments touchent actuellement principalement "l'amoxicilline, qui est un antibiotique très prescrit, mais il y a aussi la cortisone, ce sont des médicaments de l'hiver. Énormément de médicaments comme des anti cancéreux, des anti hypertenseurs, des antalgiques, des antidiabétiques", a précisé le pharmacien.

Il s’agit de ruptures pour le moment "ponctuelles, qui vont durer un mois, deux mois, certaines peut-être plus. Mais on a aussi des ruptures qui s'inscrivent dans la durée et là, ça devient dramatique".

Médicaments : des disparités entre les pharmacies

Les soucis d’approvisionnement ne touchent pas de la même façon toutes les pharmacies. Certains grossistes et officines n’ont pas ou très peu de stocks. "Il y a une grosse disparité au niveau de l'approvisionnement et ce n'est pas normal que les industriels fassent des stocks, s’étonne Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO sur France info. Il faut qu'ils soient libérés au plus vite de façon à être présentés dans les officines".

En plus de dénoncer ces blocages, le syndicat des pharmaciens s'indigne, dans le communiqué du 9 octobre 2023 posté sur X, que "certains laboratoires incitent également les pharmacies à commander et à stocker de l’amoxicilline et du paracétamol, participant à une répartition hétérogène des médicaments".

Face à un contexte que l’USPO considère comme une "dégradation de l’accès aux soins", le syndicat demande au ministre de la Santé et de la Prévention d’instaurer "une transparence des pratiques pour l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament", afin d’"améliorer la situation et d’anticiper les risques de rupture".

Pénurie de médicaments : le ras-le-bol des pharmaciens

Dans l’objectif d’éviter des pénuries majeures de médicaments comme celles de l’hiver dernier, le gouvernement a dévoilé début octobre un plan hivernal "anti pénuries". Un plan assorti d'une batterie de mesures destinées, entre autres, à améliorer la répartition des stocks entre les officines.

Dans cette optique, l’Agence du médicament prévoit de renforcer le suivi des médicaments clés consommés en hiver, tels que les antibiotiques comme l'amoxicilline, [dont le prix va augmenter de 10% en France, ndlr], les médicaments contre la fièvre comme le paracétamol, corticoïdes administrés par voie orale, médicaments contre l’asthme).

Autre levier envisagé : jouer sur les importations de médicaments initialement destinés à l’étranger, sur les ajustements du circuit de distribution. Autre mesure dans les tuyaux, celle consistant à autoriser les préparations magistrales (médicaments préparés en officine pour les besoins spécifiques des patients).

En septembre, le gouvernement s'est également prononcé pour la mise en place de l’obligation pour les pharmaciens de ventre certains antibiotiques à l’unité, en cas de tension d’approvisionnement. Un dispositif censé réduire "le gaspillage" inutile de médicaments.

Autant de mesures qui ne convainquent pas les pharmaciens, qui se sentent un peu les bouc-émissaires de cette situation, comme le sous-entend Pierre-Olivier Variot, dans le même communiqué de l’USPO : "Préparations magistrales des médicaments, dispensation à l’unité : les pharmaciens subissent les ruptures et c’est à eux qu’on demande de régler le problème. C’est inadmissible !"

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