Définition : qu'est-ce que l'érysipèle ?

L’érysipèle ou érésipèle (du mot grec erusipelas, "peau rouge"), appelé également dermohypodermite bactérienne non-nécrosante (DHBNN) est une infection dermatologique bactérienne aiguë non-nécrosante (elle n’entraîne pas la mort des tissus), qui est limitée aux couches cutanées (derme et hypoderme) sans atteinte de l’aponévrose superficielle du muscle. C’est une maladie dermatologique assez fréquente chez l’adulte, qui existe également chez l’enfant. Le risque d’érysipèle augmente avec l’âge.

Quid des syndromes erysipeloides ? 

Il est essentiel de distinguer le vrai érysipèle, provoqué par une infection au streptocoque, des syndromes érysipéloïdes, qui impliquent d'autres bactéries.

L'érysipèle, avec son apparition brutale, se manifeste par une inflammation marquée, souvent accompagnée d'une fièvre élevée et d'une sensation générale de malaise.

En revanche, les syndromes érysipéloïdes ont une évolution beaucoup plus discrète : les symptômes sont plus modérés, sans fièvre dans la majorité des cas.

Cette différence est cruciale, car la prise en charge n’est pas la même. Comme le souligne Isabelle GALAY : "Reconnaître ces différences permet de bien orienter le traitement et d’éviter des erreurs dans le diagnostic".

"D’autres bactéries (staphylocoques, entérocoques…) peuvent être responsables de dermohypodermites bactériennes aigües non nécrosantes. Il faut particulièrement rechercher des portes d’entrée inhabituelles (morsure animale, exposition marine…) responsables de dermohypodermites non streptococciques" nous explique la dermatologue Isabelle GALAY.

Érysipèle des jambes

Cette maladie affecte le plus souvent les membres inférieurs (85 % des cas). La forme classique est celle de la grosse jambe rouge aiguë.

Photo : érysipèle des jambes

Érysipèle des jambes© Creative Commons

Crédit : Grook Da Oger, 16 juin 2012 - CC - Licence : https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/deed.en

Érysipèle du visage

L’érysipèle peut toucher d’autres parties du corps, notamment le visage. Dans 5 à 10 % des cas, l’érysipèle est localisé sur la face.

Photo : érysipèle facial

Érysipèle du visage© Creative Commons

Crédit : CDC / Dr. Thomas F. Sellers / Emory University, 1963 - CC - domaine public

Autres localisations plus rares de l’érysipèle

D’autres régions sont moins fréquemment atteintes, telles que la région des fesses, les membres supérieurs, le thorax ou l’abdomen.

Dermohypodermite bactérienne nécrosante

La dermohypodermite bactérienne non-nécrosante (DHBNN) ou érysipèle est une infection cutanée sans gravité immédiate tandis que la dermohypodermite bactérienne nécrosante (DHBN) est une urgence médico-chirurgicale absolue nécessitant une prise en charge en réanimation. Elle est rare (100 fois moins fréquente que l’érysipèle) mais grave (30 % de mortalité).

Chiffres : quelle est la prévalence de l'érysipèle ?

L’érysipèle touche en majorité les adultes de plus de 40 ans, les femmes autant que les hommes, avec un pic de fréquence aux alentours de 60 ans.

Son incidence est estimée à 10 à 100 cas sur 100 000 personnes par an.

85 % des cas d’érysipèle concernent les membres inférieurs.

La porte d’entrée de la bactérie est identifiable cliniquement par le médecin dans 60 % des cas.

L’évolution de la maladie est satisfaisante dans 80 % des cas en une dizaine avec un traitement antibiotique.

Une infection principalement liée au streptocoque

Dans 85 % des cas, les érysipèles sont liés au streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, suivi d'autres groupes de streptocoques bêta-hémolytique G, B ou C.

Et pour les 15% autres cas ?

La réponse de Mahtab Samimi, dermatologue vénérologue au CHU de Tours :

"D’autres bactéries (staphylocoques, entérocoques…) peuvent être responsables de dermohypodermites bactériennes aigües non-nécrosantes. Il faut particulièrement rechercher des portes d’entrée "inhabituelles" (morsure animale, exposition marine, …) qui sont responsables de dermohypodermites non streptococcique".

Quels sont les symptômes de l'érysipèle ?

L’érysipèle se manifeste par un érythème (rougeur) localisé accompagné d’un œdème (gonflement), de fièvre élevée (souvent supérieure à 39°C) et de frissons. Le tout apparaissant de façon brutale. La zone touchée est douloureuse et chaude. L’affection s’étend de manière progressive et des bulles, voire un purpura (une lésion hémorragique de la peau ou des muqueuses se manifestent par des taches rouges à pourpres), peuvent faire leur apparition sur la peau enflammée.

“En cas d’erysipeloide la fièvre n’est pas forcément présente. Le dermatologue pourra être amené à pratiquer une biopsie et une mise en culture afin de mettre en évidence la bactérie responsable” nous explique Isabelle GALAY.

La personne atteinte peut se plaindre de sensations defatiguegénérale, accompagnées de brûlures ou de tension douloureuse de la zone touchée.

Symptômes de l’érysipèle de la jambe

La forme la plus fréquente est celle "de la grosse jambe rouge aiguë fébrile". Le début est brutal. Les premiers symptômes sont une fièvre élevée et des frissons 48h avant l’apparition d’une plaque inflammatoire rouge, surélevée, luisante et sensible sur une jambe. Dans près de la moitié des cas, des ganglions douloureux sont palpables au niveau de l’aine. Une lymphangite (traînée rouge douloureuse, remontant à la face interne de la cuisse) est présente dans un peu plus de 25 % des cas.

Une thrombose veineuse profonde peut également générer une "grosse jambe" mais celle-ci ne sera pas rouge, et l’inflammation ainsi que la fièvre seront modérées.

Symptômes de l’érysipèle du visage

L’érysipèle de la face apparaît sous la forme d’une plaque rouge, douloureuse, en relief, brillante, chaude et gonflée, limitée en périphérie par un bourrelet périphérique.

Elle est accompagnée d’une fièvre élevée (plus de 39 °C) et de frissons qui précède les signes locaux.

Quelles sont les causes de l'érysipèle ?

Cette infection bactérienne est favorisée par une porte d’entrée (toute "effraction cutanée") qui permet le passage dans la peau des bactéries :

  • intertrigo inter-orteil ou interdigital, souvent d’origine mycosique
  • plaies chroniques (ulcère de jambe),
  • piqûre d’insecte
  • brûlure,
  • perlèche,
  • dermatoses chroniques (eczéma, psoriasis...),
  • excoriations de grattage.

Les antécédents d'irradiation et/ou lymphadénectomie (ablation des ganglions) sont aussi des facteurs de risque régionaux d’érysipèle.

Le mécanisme : la bactérie pénètre par une brèche cutanée puis se multiplie localement dans les tissus.

Principale cause d’érysipèle du membre inférieur : l’intertrigo inter-orteils

L’intertrigo inter-orteils dermatophytique ou non, est la principale cause de l’érysipèle de la jambe. Un intertrigo derrière l’oreille ou une dermite du conduit audio externe peut être la cause d’un érysipèle du visage.

Quelle est la bactérie responsable de l’érysipèle ?

Il s’agit essentiellement d’un streptocoque dans 85 % des cas : principalement des streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A, suivis des streptocoques des groupes B, C et G.

Quels sont les facteurs de risques de l'érysipèle ?

"Les facteurs de risque constituent surtout l’œdème quelle qu’en soit la cause (insuffisance lymphatique essentiellement, mais également veineuse), ainsi que l’obésité", indique le Pr Mahtab Samimi.

Un antécédent d’érysipèle constitue un facteur de risque d’un nouvel épisode.

Certains médicaments peuvent-ils être en cause ?

L’alerte du du Pr Mahtab Samimi :

"La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) augmente la sévérité des dermo-hypodermite bactériennes. C’est un facteur aggravant".

Facteurs de risque d’érysipèle des membres inférieurs

L’érysipèle de la jambe est favorisé par une insuffisance veineuse et/ou lymphatique, d'œdèmes des membres inférieurs, des ulcères de jambe.

Facteurs de risque d’érysipèle chez l’enfant

"Chez l’enfant, une des principales circonstances favorisant des dermohypodermites bactériennes non-nécrosantes (DHBNN) est la varicelle et les lésions de grattage qu’elle induit", indique le Pr Mahtab Samimi. Chez l’enfant, le staphylocoque doré est souvent associé au streptocoque.

Érysipèle : quelles sont les personnes à risque ?

Certaines personnes présentent davantage de risques de développer un érysipèle. C'est le cas notamment des individus immunodéprimés, des personnes âgées, des diabétiques, des personnes obèses (IMC>30), mais également en cas d’alcoolisme chronique ou de toxicomanie. "C’est aussi le cas des personnes ayant un œdème chronique de jambe, ou une maladie avec porte d’entrée (plaie) chronique", indique le Pr Mahtab Samimi.

Quelle est la durée de l'érysipèle ?

"L’érysipèle guérit le plus souvent (80 % des cas) en une dizaine de jours avec une antibiothérapie adaptée : la fièvre disparaît en 48h / 72h et les signes locaux se résorbent en une à trois semaines", informe le Pr Mahtab Samimi.

L'érysipèle est-il contagieux ?

L’érysipèle n’est pas contagieux. Le streptocoque n’est pas retrouvé sur la surface cutanée de la peau du patient ; par contre, les plaies, les tissus ou les abcès sous-cutanés comportent le germe", informe le Pr Mahtab Samimi.

Qui et quand consulter pour un érysipèle ?

Des symptômes d’érysipèle doivent faire consulter rapidement un médecin pour un traitement antibiotique le plus rapide possible.

Certaines formes peuvent être graves et nécessiter une hospitalisation en urgence.

Quelles sont les complications de l'érysipèle ?

À court terme, les complications locales surviennent dans 5 à 10 % des cas. Il s’agit d’abcès superficiels ou profonds, le plus souvent chez des personnes ayant des comorbidités ou immunodéprimées. Ces complications locales sont favorisées par la prise d’AINS.

La fasciite nécrosante est une complication rare, mais c’est une urgence médico-chirurgicale. Cette dermo-hypodermite bactérienne nécrosante est une atteinte nécrotique des tissus profonds dont les aponévroses superficielles du muscle. Le début peut être identique à celui d’une dermo- hypodermite non nécrosante (érysipèle) mais l’évolution est ensuite rapide, avec l’apparition de signes d’infection grave.

La récidive est la complication la plus fréquente à long terme. Elle survient dans environ 20 % des cas. Elle s’explique par la persistance des facteurs de risque (insuffisance veineuse et/ou lymphatique chronique). Les personnes qui ont un lymphœdème post-chirurgical (suite à une ablation des ganglions) comme celles qui ont des ulcères persistants au niveau des jambes sont particulièrement à risque de récidive.

Une autre complication à long terme peut être l’apparition ou l’aggravation d’un lymphœdème par destruction des vaisseaux lymphatiques (lymphangite).

En cas de prise en charge tardive, le risque de septicémie est accru. C’est une rare complication (moins de 5 % des cas), comme celle d’atteinte des reins (glomérulo-néphrite aiguë post-streptococcique).

Quels examens et analyses en cas d'érysipèle ?

Le diagnostic est clinique (fait sur l’examen du patient par le médecin) et ne demande en général pas d’examen complémentaire, sauf en présence de comorbidité (présence d’autre(s) maladie(s)) ou de signes de gravité.

"La porte d’entrée de l’érysipèle est recherchée soigneusement, ainsi que les facteurs favorisants, informe le Pr Mahtab Samimi. On délimite les contours de l’érysipèle avec un marquage au feutre, pour pouvoir suivre objectivement son évolution.

Le diagnostic différentiel avec une thrombophlébite étant parfois difficile à faire, un écho-doppler peut être réalisé en cas de doute clinique.

Examens en cas de signes d'aggravation

En cas de signes d'aggravation des symptômes, voici les différents types d'examens généralement pratiqués :

  • Des hémocultures si la personne a de la fièvre (elles sont rarement positives) ;
  • Des prélèvements bactériologiques d’un abcès sous-cutané ;
  • Un bilan inflammatoire ;
  • Le dosage d’enzymes musculaires : recherche d’une souffrance musculaire ;
  • Une gazométrie artérielle avec mesure du pH, de l’acide lactique…

Une imagerie doit être réalisée dans les formes sévères ou compliquées. Selon l’accès aux examens, une échographie, un scanner ou une IRM peuvent être réalisés en cas de doute sur une collection (abcès). Une IRM doit être réalisée en cas de signes de dermo-hypodermite nécrosante (fasciite).

Quels traitements contre l'érysipèle ?

La maladie dermatologique étant de nature bactérienne, un traitement antibiotique (antistreptococcique) est indispensable dans les plus brefs délais afin d'arrêter la multiplication des agents pathogènes au sein de l'organisme. Pour les pathologies les plus graves (formes nécrosantes, fasciites, abcès), un traitement chirurgical associé à des injections d’antibiotiques par voie intraveineuse s'avère nécessaire.

Dans le cas d’un érysipèle non compliqué, la durée de l’antibiothérapie est de 7 jours. L’amoxicilline est généralement l’antibiotique de choix en l’absence d’allergies au produit. La dose doit être adaptée au poids du patient.

“Si on suspecte un erysipeloide, alors une autre bactérie que le streptocoque, les antibiotiques devront être adaptés” nous rappelle Isabelle GALAY, dermatologue à Dijon.

Des médicaments antalgiques (paracétamol) sont parfois prescrits pour soulager la douleur et atténuer la fièvre. Attention, la prise de corticoïdes et d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) est contre-indiquée.

La moitié (50 %) des personnes ayant un érysipèle sont traitées à domicile.

Mesures associées à l’antibiothérapie

  • Le repos du membre touché est associé à l’antibiothérapie : mise au repos avec surélévation du membre inférieur. Dès l’amélioration de la douleur, une compression veineuse modérée du membre inférieur est mise en place.
  • La vaccination antitétanique est mise à jour.

Traitements des facteurs de risque

Les facteurs de risque doivent être traités : éradication d'un intertrigo inter-orteils, soins d'ulcère de jambe, prise en charge d’un œdème ...

Érysipèle : quand faut-il être hospitalisé ?

Une hospitalisation en urgence a lieu en cas de :

  • Signes de gravité ;
  • De risque de décompensation d’une comorbidité ;
  • D’obésité morbide (IMC>40) ;
  • De traitement au long cours par corticoïdes ou AINS ;
  • D’insuffisance rénale ;
  • Si la personne touchée a plus de 75 ans et est poly-pathologique (plusieurs maladies) ;
  • Si l’enfant concerné a moins d’un an.

Il est parfois nécessaire de recourir à une hospitalisation si la fièvre ne disparait pas dans un délai de 72 heures après le début du traitement.

Prévention : comment prévenir l'érysipèle ?

La prévention primaire de l’érysipèle passe par :

  • Le diagnostic et le traitement d'éventuelles portes d’entrée des bactéries (intertrigo inter-orteils, ulcères) ;
  • La prise en charge d’une insuffisance veinolymphatique (bas de compression, drainage lymphatique) ;
  • Une bonne hygiène cutanée ;
  • La désinfection des plaies et des effractions cutanées ;
  • La lutte contre l’obésité.

Traitement préventif des érysipèles récidivants

Un traitement antibiotique à long terme (antibiothérapie continue) peut être envisagé chez des personnes ayant fait deux épisodes d’érysipèle en un an, lorsque les facteurs favorisants ne peuvent pas être contrôlés de façon satisfaisante. La durée du traitement dépend des facteurs de risque de récidive. Elle peut être de quelques années comme à vie.

Sources

Merci à Isabelle GALLAY, Vice présidente du SNDV et au Pr Mahtab Samimi, dermatologue vénérologue au CHU de Tours,

HAS, SPILF et SFD - Infections cutanées bactériennes courantes - Février 2019

Daniel Genné, Camille-Laure Blum, Sébastien Menzinger, Erysipèle : manifestations cliniques et prise en charge, Rev Med Suisse 2013; volume 9. 181

Conduite à tenir devant une grosse jambe rouge (2004), Docteur Alexandre BUCCI Mars 2004, Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble

Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), Société française de dermatologie (SFD). Erysipèle et fasciite nécrosante : prise en charge. Conférence de consensus. Faculté de médecine de Tours. Médecine et maladies infectieuses 2000

Hélène Guillot, Pr Olivier Fain, Grosse jambe rouge aiguë, La revue du praticien, Vol. 66, 2016

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