Prostate : faut-il se faire dépister par PSA ? Istock
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Pourquoi cette polémique autour du dépistage systématique ?

Pourquoi cette polémique autour du dépistage systématique ?© IstockEn 2009, deux études contradictoires paraissaient sur l'intérêt du dosage systématique du PSA pour dépister le cancer de la prostate. L'étude américaine ne montrait aucun avantage à le pratiquer, l'européenne mettait en évidence une diminution de 20% de taux de mortalité…

"Le cancer de la prostate reste la 2ème cause de mortalité par cancer ", souligne le Pr Laurent Salomon. "Cette mortalité frappe actuellement surtout les hommes entre 75 et 80 ans, c'est-à-dire ceux dont le cancer a débuté des années auparavant. On pourrait donc envisager de dépister les hommes entre 50 et 70 ans, comme on dépiste les cancers du sein chez les femmes. Toutefois la Haute Autorité de Santé, comme la Sécurité Sociale, n'ont pas fait de recommandation dans ce sens. Le dépistage systématique est une question d'économie, de politique de santé publique et de bénéfices sur la mortalité. L’étude européenne ERSPC a montré que pour sauver 1 patient de la mort par cancer de la prostate, on en traite 48 et on en dépiste 1450. A l'heure actuelle aucun pays au monde ne recommande ce dépistage à grande échelle, mais à titre individuel il est très souvent pratiqué et permet en outre de découvrir des formes agressives chez le sujet jeune !"

A ce jour, malgré les nouvelles études menées, l’intérêt de cette technique de dépistage est toujours controversé, et la communauté scientifique reste divisée sur le sujet.

Le PSA qu'est-ce que c'est ?

Le PSA qu'est-ce que c'est ?© IstockPSA signifie "Antigène spécifique de la prostate". "Il s'agit d'une protéine non toxique, fabriquée uniquement par la prostate et qui est présente dans le sperme et, en plus petite quantité dans le sang ", explique le Pr Laurent Salomon. Une simple prise de sang suffit donc à évaluer son taux. En règle générale "4 ng/l (nanogramme par litre) est le seuil au-delà duquel on considère qu'il existe une anomalie. Mais ce seuil est un peu artificiel. Il dépend beaucoup de la personne : par exemple cette valeur peut déjà être considérée comme élevée chez un homme de moins de 50 ans, en revanche un homme de plus de 80 ans qui ne se plaint de rien peut avoir un taux supérieur à 5 sans que cela pose problème."

Lorsque le taux de PSA est élevé, est-ce forcément un cancer ?

"Non", répond le Pr Laurent Salomon. "Trois circonstances différentes peuvent élever le taux de PSA : l'hypertrophie bénigne de la prostate, une inflammation ou une infection, et le cancer. Même si l'on a tendance à dire que plus le taux de PSA est élevé, plus le risque de cancer est élevé, ce taux à lui seul ne prouve rien. Seule une biopsie, c'est-à-dire un prélèvement puis une analyse du tissu de la prostate peut mettre en évidence, avec certitude, la présence d'une tumeur. " Il est à noter qu’un tiers seulement des personnes présentant des valeurs anormales de PSA ont une biopsie positive.

Quel est l'intérêt du toucher rectal par rapport au dosage des PSA ?

Quel est l'intérêt du toucher rectal par rapport au dosage des PSA ?© IstockIl s'agit de deux examens complémentaires. "Le toucher rectal permet d'évaluer la taille et la consistance de la prostate. ", explique le Pr Laurent Salomon. Mais ce n'est pas parce que cet examen ne donne rien qu'il n'y a aucun problème. Ainsi "actuellement, dans 70% des cas où le taux de PSA est supérieur à la normale, le toucher rectal ne montre aucune anomalie. " souligne le spécialiste. De même l'échographie par voie rectale n'est utile que pour observer d'éventuels nodules ou pour guider la biopsie mais elle n'a pas de valeur diagnostic.

PSA élevés : pourquoi la biopsie n’est-elle pas systématique ?

Le seul examen qui permet de savoir s'il y a cancer ou non est la biopsie de la prostate. Toutefois, il peut ne pas être systématiquement pratiqué. "Tout dépend du contexte clinique ", estime le Pr Laurent Salomon. "C'est-à-dire de l'âge de la personne, de ses antécédents, de ses facteurs de risques du taux de PSA retrouvé et de ce que le patient souhaite. " Pourquoi une telle hésitation? "Parce que le cancer de la prostate évolue très lentement. Par conséquent, une personne qui a moins de 10 ans d'espérance de vie n'aura aucun bénéfice à être traitée pour un cancer de la prostate qui jusque-là passait inaperçu. Elle mourra probablement d'autre chose avant, et sa tumeur ne l'empêchera pas de vivre une existence normale, alors que les traitements pourraient amener une baisse de sa qualité de vie. "

Cancer prostatique : qui a intérêt à être dépisté ?

Cancer prostatique : qui a intérêt à être dépisté ?© IstockCertains hommes présentent des facteurs de risque en matière de cancer de la prostate. "Les hommes issus des populations Afro-Antillaises ont des risques de développer des cancers de la prostate plus agressifs et de les débuter plus tôt. De même il existe des risques familiaux et héréditaires. Il peut être utile à ces groupes de pratiquer un premier dosage du taux de PSA dès 45 ans. ", estime le Pr Laurent Salomon. En revanche, rassurez-vous, ni le tabac, ni l'alcool, ni les pratiques sexuelles n'ont d'impact sur les risques de cancer de la prostate. Et côté alimentation, "les études n'apportent pas de réponse claires".

Prostate : à surveiller en fonction des risques individuels

"La bonne pratique serait de surveiller le taux de PSA en fonction des risques individuels. On sait aujourd'hui par exemple que lorsque les hommes présentent à 50 ans un taux de PSA inférieur à 1,5 ng/l, ils sont à moindre risque de développer un cancer de prostate et qu'une surveillance tous les 3 ou 4 ans suffit. Avec un taux supérieur, la surveillance devrait être rapprochée. De même un homme de 60 ans dont le taux de PSA est inférieur à 1 n'a pratiquement aucun risque de mourir d’un cancer de la prostate. Et laissons en paix les hommes de plus de 75 ans qui ne se plaignent de rien", explique le Pr Laurent Salomon.

On parle parfois de PSA libre, de quoi s'agit-il ?

On parle parfois de PSA libre, de quoi s'agit-il ?© Istock"Il existe plusieurs formes de PSA, certaines de ces protéines circulent librement dans le sang, c'est ce qu'on appelle les PSA libres, d'autres sont liées à des protéines. ", explique le Pr Laurent Salomon. "Lorsque l'on pratique un bilan classique, on n'a besoin que du taux de PSA total. " Mais, dans certains cas, on peut être amené à surveiller le rapport PSA libre sur PSA total car il donne alors une information supplémentaire sur les risques de cancer. Toutefois, votre médecin traitant ne le demandera jamais en première intention, l’indication de ce dosage dépend du patient, de ses symptômes, et de ses facteurs de risques.

Cancer de la prostate : quels signes doivent alerter ?

En réalité, les signes auxquels tout le monde pense lorsque l'on parle de prostate comme l'envie fréquente d'urinerpar exemple, sont dans l'immense majorité des cas des indices de troubles bénins. Ils révèlent plutôt une hypertrophie bénigne de la prostate "Le cancer de la prostate est un cancer qui reste très longtemps asymptomatique. Lorsqu'il se manifeste, par exemple par des douleurs osseuses, il est alors déjà très évolué. L’intérêt du dosage du PSA est de le découvrir certes à un stade asymptomatique mais au seul stade où l’on peut le guérir", indique le Pr Laurent Salomon.

Prostate : qui consulter ?

Prostate : qui consulter ?© Istock"Le plus souvent, c'est le médecin généraliste qui prescrit un dosage de PSA avec les examens de sang courant comme la glycémie et le cholestérol. Il s'agit d'un examen remboursé par la Sécurité sociale ", précise le Pr Laurent Salomon. "Ensuite, s'il est besoin, il pourra adresser son patient à un urologue qui pourra interpréter le résultat et étudier avec la personne et son médecin traitant les suites à envisager : biopsie ou pas? Quelle surveillance? Etc."

Sources

- Andriole GL et Coll "Mortality results from a randomized prostate-cancer screening trial ". (Résultats en matière de mortalité d'une étude randomisée portant sur le dépistage du cancer de la prostate) New England Journal of Medecine Mars 2009. 
- Schröder FH et coll "Screening and prostate-cancer mortality in a randomized European study " (Dépistage et cancer de la prostate dans une étude randomisée européenne) New England Journal of Medecine Mars 2009. 

-Richard M.Martin et Coll "Effect of a Low-Intensity PSA-Based Screening Intervention on Prostate Cancer Mortality The CAP Randomized Clinical Trial" JAMA 2018.
- Site de l'Association Française d'urologie.

Vidéo : Cancer de la prostate : reconnaître les symptômes

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